Attribuer un emploi public, un logement social, un permis de construire, des places en crèche ou un simple titre honorifique est une prérogative des collectivités locales. Loin d'être anodines, ces redistributions de biens publics, matériels ou symboliques, à des individus, des familles, des groupes religieux, des personnalités sont une des modalités du gouvernement de la ville.À partir de l'exemple de Marseille, Cesare Mattina montre comment, dans une ville souvent qualifiée de corrompue, le clientélisme urbain a essentiellement profité aux classes moyennes et petites/moyennes en ascension sociale. Depuis les années Defferre, il a permis aux mêmes groupes sociaux et professionnels, choisis, voire construits - employés des collectivités locales, élites associatives communautaires et de quartier, notables des professions libérales, etc. -, de constituer un « bloc social historique », pour reprendre les termes d'Antonio Gramsci.Croisant dossiers d'archives inédites, entretiens, observation ethnographique, articles de presse et données statistiques, cet ouvrage propose, au-delà du folklore de la « marseillologie », une vision à la fois précise et distanciée d'une des manières de gouverner une ville.
Sommaire
INTRODUCTION.
Chapitre 1 / LES FONDEMENTS SOCIO-ÉCONOMIQUES DU DEFFERRISME.
ASCENSION DES CLASSES MOYENNES URBAINES ET RESSOURCES DE REDISTRIBUTION.
La construction historique d'un pouvoir dans la ville : le groupe des compagnons de la Résistance autour de Gaston Defferre.
L'alliance de Defferre avec la bourgeoisie marseillaise.
L'implantation du socialisme defferrien dans les classes moyennes urbaines.
La construction progressive des ressources publiques de redistribution entre le national et le local.
Conclusion.
Chapitre 2 / LES CLASSES MOYENNES DANS LES MACHINES POLITIQUES.
TERRITOIRES ET RESSOURCES DE LA CLIENTÉLISATION.
Introduction.
La demande sociale de biens et de services : une expansion sans démocratisation.
Répondre à la demande sociale de biens et de services et « faire du social ».
La composition sociale des machines politiques marseillaises.
Les leaders et leurs machines dans les quartiers de l'hérédité familiale et politique.
Les machines politiques territorialisées et leurs ressources de redistribution (1970-2000).
Conclusion.
Chapitre 3 / LA POLITIQUE DE LA MACHINE.
DISPOSER DES RESSOURCES CLIENTÉLAIRES ET FAVORISER LA « FAMILLE MUNICIPALE ».
Disposer de ressources croissantes de redistribution et de clientélisation.
À qui distribue-t-on ? Priorité aux membres de la « famille municipale ».
Consolider et hiérarchiser les avantages du personnel municipal : la continuité historique du « syndicat majoritaire » Force ouvrière.
Conclusion.
Chapitre 4 / L'INVENTION POLITIQUE DES « COMMUNAUTÉS ».
LA REDISTRIBUTION DES RESSOURCES MATÉRIELLES ET SYMBOLIQUES COMME MOYEN DE CLASSEMENT SOCIO-ETHNIQUE ET RELIGIEUX.
Introduction.
Construction sociale et autolégitimation des communautés : « Arméniens », « Juifs » et « rapatriés ».
La construction politique des communautés gagnantes.
Aux marges de la ville, hors de la redistribution des ressources publiques : les « Maghrébins » et les « Comoriens » à Marseille.
Les perdants du jeu des « communautés » : « Maghrébins » et « Comoriens » entre constructions identitaires difficiles et injonctions institutionnelles.
Conclusion.
Chapitre 5 / GOUVERNER AVEC LES NOTABLES DE LA SOCIÉTÉ URBAINE.
COMITÉS DE QUARTIERS ET ASSOCIATIONS ENTRE RESSOURCES ET TERRITOIRES DE LA VILLE.
L'hyperlégitimation politico-institutionnelle des comités d'intérêt de quartier.
L'essor du secteur associatif entre redistribution des ressources publiques et contrôle politique.
Conclusion.
Chapitre 6 / LE CLIENTÉLISME FACE À SA REMISE EN QUESTION.
LE GOUVERNEMENT PAR LA REDISTRIBUTION CLIENTÉLAIRE ENTRE (PEU DE) CHANGEMENTS ET (BEAUCOUP DE) CONTINUITÉS.
Introduction.
Moins de ressources capables d'engendrer des clientèles... mais encore des ressources à distribuer.
Le reflux de la dénonciation des pratiques politiques marseillaises et du clientélisme.
Malgré les transformations sociodémographiques et politiques, la continuité des groupes sociaux hégémoniques.
Conclusion.