La Péninsule ibérique est la seule région d'Europe où chrétiens, musulmans et juifs aient vécu ensemble pendant des siècles. Cette longue coexistence a donné lieu à une civilisation originale. Elle est le fruit de la capacité des uns et des autres à assimiler des traditions différentes, à en faire la synthèse, et à les transmuer de telle façon qu'au delà des particularités, une même culture caractérise l'Espagne médiévale.
Adeline Rucquoi, docteur d'État en histoire de l'université de Paris IV-Sorbonne, directeur de recherches émérite au C.N.R.S., est spécialiste de l'histoire médiévale de la Péninsule ibérique et membre du Comité International des Experts du Chemin de Saint-Jacques. Elle a publié aux Belles Lettres L'Espagne médiévale (2002) et Aimer dans l'Espagne médiévale. Plaisirs licites et illicites (2008).
Histoire médiévale de la Péninsule ibériqueL'histoire de la Péninsule ibérique au Moyen Âge n'est pas seulement celle des Wisigoths, des Arabes, de la Reconquête et des Rois Catholiques. Elle est avant tout l'histoire d'une ancienne province romaine, où l'héritage antique resta vivace grâce à l'« unification » wisigothique, au maintien des liens avec la Méditerranée orientale et méridionale et à la permanence du droit romain. L'« ouverture » vers l'Europe occidentale et septentrionale à partir de la fin du XIe siècle n'entraîna pas de profonde rupture avec ce passé, donnant ainsi à l'évolution ibérique son originalité dans l'ensemble des nations en gestation.Adeline RucquoiDocteur d'État et directeur de recherche au CNRS, elle travaille sur les rapports entre le pouvoir et le savoir dans la Péninsule ibérique au Moyen Âge.
« Le Diable est allé mille fois à Compostelle », disaient certains prédicateurs parisiens au milieu du XIIIe siècle, inquiets de voir leurs ouailles entreprendre en si grand nombre le « saint voiage » en Galice. Le trajet n'était pas toujours facile, il pouvait même être dangereux et il fallait se méfier des hommes plus que des loups ou des tempêtes. Mais des lieux et des histoires merveilleuses le scandaient, répétés à l'envi et maintes fois représentés, et des milliers d'hommes et de femmes, de tous âges, provenance et conditions sociales, y partirent à pied, à cheval ou en bateau.
Les traces de cette aventure sont encore visibles partout en Europe dans les chroniques, légendes, peintures, sculptures, églises, chapelles, confréries, ponts, hôpitaux, ports de départ ou d'arrivée. C'est à faire revivre le quotidien et l'imaginaire des pèlerins de tous horizons qui visitèrent le sanctuaire du « baron saint Jacques » que s'attache ce livre à partir de sources multiples et variées qui en montrent la richesse et la pérennité.
L'amour n'a jamais connu de loi, chante la Carmen de Bizet. L'affirmation était particulièrement vraie aux temps de l'Espagne médiévale et aurait assurément été corroborée par les chrétiens, les juifs et les musulmans qui vivaient alors sur le territoire de l'ancienne Hispanie. Convaincus que la Création était bonne et avait été faite par Dieu pour que l'homme en jouisse, les Espagnols du Moyen Âge n'ont jamais considéré le sexe comme un péché, tout au plus comme une peccadille, et, appuyés en cela par les médecins, n'ont écouté ni les moralistes ni les hommes de loi à l'heure de donner libre court à leurs sentiments ou à leurs désirs.
L'ouvrage propose une visite déconcertante dans ce labyrinthe des passions espagnoles depuis l'union mystique recherchée par Ibn Arabi et les kabbalistes aux bordels de Valence, en passant par l'exaltation de l'amitié, le mariage, l'homosexualité ou l'union libre.