L'Ouest.
Mot mystérieux.
Qu'est-ce que l'Ouest ? [...]
Il y a des récits d'Indiens qui parlent d'un pays enchanté, de villes d'or, de femmes qui n'ont qu'un sein. Même les trappeurs qui descendent du nord avec leur chargement de fourrures ont entendu parler sous leur haute latitude de ces pays merveilleux de l'ouest où, disent-ils, les fruits sont d'or et d'argent.
"Il paraît que j'étais devenu l'homme indispensable à cause de ma connaissance des langues étrangères. Mon répertoire n'était pas inutile. J'aurais pu me faire une situation du tonnerre. Très peu pour moi. Je rigolais. Trop, c'est trop. Je ne voulais pas de situation. Autant entrer dans la presse. Vive la poésie ! Mais étais-je poète ? Je ne savais pas aller jusqu'au bout..."
Malicieusement qualifié de volume "presse-papiers" par Blaise Cendrars, Trop c'est trop regroupe dix-sept histoires plus ou moins vraies, revêtant des formes diverses : contes, articles de presse, souvenirs, nouvelles, portraits d'artistes...
Attentif aux manifestations du monde moderne, Cendrars nous transporte à travers ces nouvelles de Brasília à Paris, mêlant fiction et autobiographie, petite et grande Histoire.
"Je m'empresse de dire que la guerre ça n'est pas beau et que, surtout ce qu'on en voit quand on y est mêlé comme exécutant, un homme perdu dans le rang, un matricule parmi des millions d'autres, est par trop bête et ne semble obéir à aucun plan d'ensemble mais au hasard. À la formule marche ou crève on peut ajouter cet autre axiome : va comme je te pousse! Et c'est bien ça, on va, on pousse, on tombe, on crève, on se relève, on marche et l'on recommence. De tous les tableaux des batailles auxquelles j'ai assisté je n'ai rapporté qu'une image de pagaïe."
Blaise Cendrars rend hommage aux hommes qui se sont battus avec lui durant la Première Guerre mondiale et, tout en évoquant l'atrocité des carnages, nous offre une inoubliable leçon d'amitié et de courage.
"Notre arrivée au Nain Jaune fit sensation. C'est ainsi que l'automne précédent j'avais vu entrer À la Rose, à Biarritz, le prince de Galles incognito entre deux belles filles qu'on lui avait jetées dans les bras et une bande de jeunes fous en délire. Mais le Nain Jaune était une maison sérieuse. C'était un tripot doublé d'une fumerie clandestine et l'on ne plaisante pas avec la drogue. Immédiatement on nous conduisit au petit bar privé, où d'autres gentlemen, tout aussi élégants et réservés que Félix et que Victor, les confrères avec qui ils avaient affaire, nous reçurent sans marquer aucune espèce d'étonnement. Il y a avait une femme parmi eux, la patronne du Nain Jaune, une grande latte astiquée, lustrée, calamistrée, avec des dents de jument et des yeux glauques."
"La modernité a tout remis en question.
Notre époque, avec ses besoins de précision, de vitesse, d'énergie, de fragmentation de temps, de diffusion dans l'espace, bouleverse non seulement l'aspect du paysage contemporain, mais encore, en exigeant de l'individu de la volonté, de la virtuosité, de la technique, elle bouleverse aussi sa sensibilité, son émotion, sa façon d'être, de penser, d'agir, tout son langage, bref, la vie.
Cette transformation profonde de l'homme d'aujourd'hui ne peut pas s'accomplir sans un ébranlement général de la conscience et un détraquement intime des sens et du coeur : autant de causes, de réactions, de réflexes qui sont le drame, la joie, l'orgueil, le désespoir, la passion de notre génération écorchée et comme à vif."
Aujourd'hui est à Blaise Cendrars ce que le Manifeste du surréalisme est à André Breton, une profession de foi, un art poétique et une proclamation à la face du monde entier.
"Rij était une pouffiasse, une femme-tonneau qui devait peser dans les 110, les 120 kilos. Je n'ai jamais vu un tel monument de chairs croulantes, débordantes. Elle passait sa journée et sa nuitée dans un fauteuil capitonné, fabriqué spécialement pour elle et qu'elle ne cessait d'ornementer, d'enrubanner, lui tressant des faveurs, des noeuds, des lacets d'or et d'argent..."
Bourlinguer. Si Blaise Cendrars n'a pas inventé ce terme de marine, il lui a donné ses lettres de noblesse. Onze chapitres aux noms de ports pour chanter le départ et l'ouverture aux autres, de l'enfance napolitaine aux quais de la Seine. Onze chapitres pour tresser récits, aventures et lectures, de la mort tragique d'Elena à une rixe inoubliable, en passant par le bombardement de Hambourg et les tribulations d'une caravane dans les Andes.
Moravagine -- dernier descendant d'une famille royale en exil -- incarne la folie et le mal. Son confident raconte son histoire. Moravagine est le double diabolique de Cendrars, qui signait là, en 1926, un roman d'aventures et un poème épique.
Je sais l'autre : c'est à la Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg qu'un jeune apprenti bijoutier suisse a découvert la troublante formule que Gérard de Nerval, peu de temps avant sa mort, a inscrite au bas de son portrait par le graveur Gervais. Dans ce refus de sa propre image, Freddy Sauser a-t-il entendu l'injonction qu'il attendait ? L'autre pour lui, l'autre lui-même, ce sera donc le poète, mais un poète en mouvement perpétuel et brûlant ses vaisseaux. Pendant plus de quarante ans, il s'en fera une devise de vie et une règle dêcriture. Lorsqu'il se rend à New York, fin 1911, sa décision est déià prise : il écrira. À son retour en Europe, il emporte son premier poème, Les Pâques, et pour le signer il emprunte à l'oiseau phénix le nom de l'autre : Blaise Cendrars.
La collection ' Tout autour d'aujourd'hui ' présente, en quinze volumes, les oeuvres complètes de Blaise Cendrars 1887-1961) dont elle propose la première édition moderne, avec des textes établis d'après des sources sûres (manuscrits et documents), accompagnés de préfaces et suivis d'un dossier critique comprenant des notices d'oeuvres, des notes et une bibliographie propre à chaque volume.
Le premier volume recueille les Poésies complètes de Cendrars dans leur chronologie de composition et avec les illustrations des éditions originales (Kisling, Modigliani, Picabia, Tarsila do Amaral...).
"Chacun de ses mouvements découvrait ses jambes maigrichonnes de vieille femme enfilées dans des bas illusion couleur chair qui faisaient démodé mais riche, ornementés qu'ils étaient de brillants minuscules sertis entre les mailles de soie et qui pétillaient de mille éclats, crépitaient, palpitaient, grouillaient à même la peau comme de la vermine pour milliardaire. Elle avait acheté cette paire de bas unique au monde à un anarchiste espagnol, un réfugié politique rencontré dans un bar de Montmartre, qui les avait arrachés en septembre 1936 à Notre-Dame de Guadalupe de Badajoz, en Estrémadure, dépouillant la statue miraculeuse de la Madone."
Tous les héros de Cendrars se ressernblent. Nés impatients, ils sont définitivement réfractaires à toute appartenance. La vie pour eux n'est qu'un grand jeu où ils misent tout sur un appel de l'ailleurs. Touiours prêts à troquer leur identité, ne désirant rien tant que se refaire, ils partent à la conquête du monde et ils tentent de réaliser sur le vif les rêves de l'enfant inconsolable qu'ils ne cesseront jamais d'être. Au sommet de leur entreprise, ils sont foudroyés par un choc où une adversité aux multiples visages se mêle à la découverte vertigineuse de l'irréalité de toute chose. Mais ce qui les foudroie ne les abat pas : leur mort au monde est initiatique. À ces hommes d'action, elle ouvre les voies de la contemplation.
La collection ' Tout autour d'aujourd'hui ' présente, en quinze volumes, les oeuvres complètes de Blaise Cendrars 1887-1961) dont elle propose la première édition moderne, avec des textes établis d'après des sources sûres (manuscrits et documents), accompagnés de préfaces et suivis d'un dossier critique comprenant des notices d'oeuvres, des notes et une bibliographie propre à chaque volume.
Le volume II réunit deux des plus célèbres romans de Cendrars, L'Or et Rhum. Portant les vies de Johann August Suter et de Jean Galmot aux dimensions de la légende, ils composent un diptyque de l'aventurier moderne. Ils sont suivis de L'Argent, une autre vie héroique restée inachevée.
En août 1914, un jeune poète suisse s'engage comme volontaire étranger dans l'armée française. Un an plus tard, Blaise Cendrars perd sa main droite au combat. Dans La Main coupée, Blaise Cendrars retranscrit les bribes de la vie et de la mort de ses compagnons de combat, des hommes ordinaires, tragiques ou cocasses, échappant à toute vision héroïque ou édifiante. Lorsqu'elle paraît en 1946, La Main coupée est plus qu'un témoignage, c'est une réparation et un mémorial contre l'oubli. Dans cet ouvrage tardif, Cendrars s'autorise enfin à parler longuement de la guerre, de sa guerre, comme il ne l'avait jamais fait, comme personne ne l'avait jamais fait.
Publiés séparément en 1929, Le Plan de l'Aiguille et Les Confessions de Dan Yack ont été réunis par Cendrars en 1946 dans une version remaniée et sous un nouveau titre : Dan Yack. Passant en revue les utopies et les faillites d'un siècle bouleversé par la Grande Guerre, ce roman autobiographique se présente comme une passion de l'homme moderne. Dans la première partie, Dan Yack, milliardaire anglais et double cynique de Cendrars, s'embarque dans un voyage au bout du monde, passant d'un îlot de l'Antarctique au bien nommé Port-Déception, avec dans son sillage trois artistes désabusés. Dans le deuxième volet, au burlesque d'une slapstick comedy succède une confession amère : entre les deux, le héros a connu la guerre. Dan Yack reste le plus secret des grands romans de Cendrars, celui qui touche au plus brûlant, au plus intime.
Après la débâcle de 1940, Cendrars s'est retiré à Aix-en-Provence où, pendant trois ans, il n'écrira plus. Il sort de son silence de guerre en publiant L'Homme foudroyé (1945), le premier des quatre volumes de Mémoires qui bouleversent les règles du genre et sont considérés aujourd'hui comme son grand oeuvre. À l'origine de ce renouveau prend place un récit longtemps inconnu, Le Sans-Nom.
Le cincnra tient une grande place dans la vie, dans l'oeuvre et dans l'imaginaire de Blaise Cendrars, du moins de 1917 à 1936, puisque ensuite c'est le ' divorce ', pour `incompatibilité d'humeur '. En fait, ses rapports avec le septième art passent par trois étapes : d'abord la découverte, donnant lieu à des textes plus qu'enthousiastes, suivie d'un réel engagement dans la pratique du cinéma (écriture de scénarios, assistanat, réalisation de films), puis du désenchantement. Cendrars est peut-être venu trop tôt. Il pouvait difficilement s'accommoder de Ia lourdeur des appareillages techniques et financiers de l'époque. L'invention de la caméra légère avec son synchrone lui aurait peut-être permis de s'inscrire parmi les cinéastes voyageurs, éternels itinérants.
La collection ' Tout autour d'aujourd'hui ' présente, en quinze volumes, les oeuvres complètes de Blaise Cendrars 1887-1961) dont elle propose la première édition moderne, avec des textes établis d'après des sources sûres (manuscrits et documents), accompagnés de préfaces et suivis d'un dossier critique comprenant des notices d'oeuvres, des notes et une bibliographie propre à chaque volume.
Les textes réunis dans le volume Ill témoignent de la passion de Cendrars pour le cinéma, qu'il célèbre tour à tour dans un reportage (Hollywood, La Mecque du cinéma, 1936), dans un manifeste visionnaire (L'ABC du cinéma,1936) ou dans ses souvenirs de metteur en scène à Rome (Une nuit dans la forêt, 1929).
Rhum (1930) raconte la vie de Jean Galmot, normalien, journaliste, et peut-être agent secret, qui débarqua en Guyane en 1906 pour s'associer avec d'anciens bagnards dans le commerce de l'or. Devenu riche, Galmot s'opposera aux familles créoles et prendra parti, avec les Noirs et les Indiens, contre le bagne de Cayenne...
Existe-t-il vraiment ce passage secret qui mène à la Banque d'Angleterre? Et la T.P.M.T.R., cette ligue de marins garantissant aux morts en mer un enterrement au pays natal? Et ce Saint inconnu, sacristain de la cathédrale de Santiago? Qu'importe...
Du Far West à l'Argentine, de Londres à la forêt vierge, Blaise Cendrars nous invite dans ses sept 'histoires vraies' à ouvrir les yeux sur les beautés du monde - et sa part de mystère.
Dan Yack commence comme une parabole et s'achève comme un lamento : Le Plan de l'Aiguille et Les Confessions de Dan Yack furent d'abord publiés séparément avant d'être réunis par Blaise Cendrars. Ce livre de dissonances vire sans cesse du burlesque au tragique, de la violence au rire, du drame à la pantomime. Quand à Dan Yack, ce milliardaire anglais au nom bizarre, il échappe à la saisie. D'abord présenté à la manière de Charlot, il ressurgit sous les traits d'un héros en proie au mal du siècle. Dans le tourbillon des aventures qui l'emportent à travers le monde, une question pourtant ne le quitte pas : est-il possible de changer sa vie ? Et à quel prix ?
Dan Yack reste le plus secret des grands romans de Blaise Cendrars, celui qui touche au plus brûlant, au plus intime.
"J'ai remonté l'Orénoque durant quatre-vingt-seize jours, quatre-vingt-seize jours en pirogue, et quand je suis revenu sur la côte, j'étais maigre, tanné, tout couvert de piqûres de moustiques, malade, mais j'étais fier de moi car je rapportais dans mon herbier une fleur de la forêt vierge, une fleur de la solitude, une fleur inédite, une fleur qui ne se laisse pas transplanter. C'est une variété de lis qu'on ne trouve qu'au plus profond de la jungle de l'Orénoque. Les Indiens l'appellent la fleur qui change de couleur. En effet, tôt, le matin, cette fleur est d'un blanc éclatant. Vers dix heures de l'avant-midi, elle est légèrement rosée. À midi, elle est d'un rouge vif. Au commencement de l'après-midi, elle se pare d'une teinte orangée qui passe, peu après, au violet intense. Dans la soirée, le violet tourne au bleu clair, bleu lumineux, couleur phosphorescente que ce merveilleux lis conserve toute la nuit pour redevenir blanc, à l'aube. C'est une énigme que j'ai passé toute ma vie à étudier sans en trouver le fin mot."
Né à La Chaux-de-Fonds le 1er septembre 1887, Frédéric-Louis Sauser aura très vite la sensation qu'il est de trop, et l'envie de se sauver. Ce qui le conduira en 1904 à travers le Russie, puis à New York en 1911. Ces années d'aventures et de misère déboucheront sur sa première oeuvre, les Pâques, et sur un nouveau nom, comme pour une renaissance. Après les cendres, la braise. Blaise Cendrars : « Je suis le premier de mon nom, puisque c'est moi qui l'ai inventé de toutes pièces. »
De retour à Paris, Cendrars fréquente les peintres et les poètes de Montmartre et de Montparnasse. Apollinaire l'aidera à publier son premier livre, Pâques à New York, et Sonia Delaunay illustrera la Prose du Transsibérien et de la Petite Jehanne de France, un livre inouï, le premier « livre simultané », peu reconnu à l'époque, considéré aujourd'hui comme un chef-d'oeuvre.
Puis c'est la Première Guerre, et le bras droit arraché. Désormais Cendrars écrirai de la main gauche, et durant plusieurs années n'aura en tête que deux mots : partir, et écrire. Le Brésil et l'Or. L'Amérique et Rhum. La deuxième guerre le laissera sans voix. Puis il retrouvera une nouvelle période créatrice. L'Homme foudroyé, « des mémoires sans être des mémoires. » La Main coupée, effroyables souvenirs d'une autre guerre. Suivront Bourlinguer, le Lotissement du ciel. A la fin des années 50, Cendrars connaît une certaine gloire, « comme les cocus, je suis le dernier à y croire », avant de s'éteindre le 21 janvier 1961.
Poète, reporter, écrivain, journaliste, romancier, bourlingueur, éditeur, cinéaste, voyageur... Cendrars aura beaucoup vu et beaucoup vécu. «Les vies grouillantes sont les plus belles. Je grouille.» Il reste une oeuvre riche, au ton vif, sans fioritures, dont Hollywood est un des exemples brillants, moqueurs, merveilleusement vrais.
Le cinéma tient une grande place dans la vie, dans l'oeuvre et dans l'imaginaire de Blaise Cendrars, du moins de 1917 à 1936, puisque ensuite c'est le «divorce» pour «incompatibilité d'humeur». En fait ses rapports avec le septième art passent par trois étapes : d'abord la découverte, donnant lieu à des textes plus qu'enthousiastes, suivie d'un réel engagement dans la pratique du cinéma (écriture de scénarios, assistanat, réalisation de films), puis du désenchantement. Cendrars est peut-être venu trop tôt. Il pouvait difficilement s'accomoder de la lourdeur des appareillages techniques et financiers de l'époque. L'invention de la caméra légère avec son synchrone lui aurait peut-être permis de s'inscrire parmi les cinéastes voyageurs, éternels itinérants.
Dan Yack commence comme une parabole et s'achève comme un lamento. Le Plan de l'Aiguille et Les Confessions de Dan Yack appartiennent-ils bien au même univers romanesque ? Ce livre de dissonances vire sans cesse du burlesque au tragique, de la violence au rire, du drame à la pantomime. Quant à Dan Yack, ce milliardaire anglais au nom bizarre, il échappe à la saisie. D'abord présenté à la manière de Charlot, il resurgit sous les traits d'un héros en proie au mal du siècle. Dans le tourbillon des aventures qui l'emportent à travers le monde, une question pourtant ne le quitte pas : est-il possible de changer sa vie ? Et à quel prix ?Dan Yack reste le plus secret des grands romans de Cendrars, celui qui touche au plus brûlant, au plus intime.
Par un tour prophétique exceptionnel chez Cendrars, Aujourd'hui (1931) tient tout ensemble de la profession de foi, de l'art poétique et d'une proclamation à la face du monde entier. Dans ce manifeste éclaté, le poète célèbre les merveilles de la modernité dans tous les domaines, sans jamais séparer l'art de la vie contemporaine. Tout s'y déduit en secret du texte liminaire, «Profond aujourd'hui», dont le ton jubilatoire avait surpris à sa première publication en 1917. Marquant le grand retour de l'écrivain qui avait perdu sa main droite au combat, il rendait surtout au manifeste une vérité étymologique aussi troublante qu'oubliée : un manifeste est-il rien d'autre qu'une main d'écriture ? Désignant par figures l'origine de son renouveau créateur, «Profond aujourd'hui» est le manifeste du poète de la main gauche.
«Un monstre, je te dis...», lance Blaise Cendrars, lorsqu'il annonce à son ami Jean Cocteau, le 1er septembre 1917, qu'il vient de mettre le point final à La Fin du monde. Neuf ans plus tard, le roman paraîtra sous le nom de son inquiétant héros, Moravagine. Enfermé dès sa naissance et réputé incurable, celui-ci s'évade de l'asile psychiatrique grâce à un jeune médecin qui joue l'apprenti sorcier pour le voir à l'oeuvre. Pendant plus de dix ans, ils vont parcourir ensemble le monde entier en se faisant terroristes, chercheurs d'or ou aviateurs tandis que le «grand fauve humain» parsème sa route de cadavres de femmes. Dans cette figure du mal, Cendrars a voulu peindre son double démoniaque. Pour échapper à sa fascination, il a exploré les limites de la folie et du génie créateur.Pendant la Grande Guerre, après son amputation, Cendrars entreprend La Fin du monde, un «roman martien» resté inachevé, dont sont issus le scénario de La Fin du monde filmée par l'Ange N.-D. (1919) et son livre le plus violent, Moravagine (1926). Réunis ici pour la première fois, ils sont accompagnés de L'Eubage, récit secret de renaissance, qui leur est contemporain.
Dans les années trente, Blaise Cendrars s'est lancé dans l'aventure de la grande presse, où l'appelait son ami Pierre Lazareff. Parmi les écrivains-reporters, sa place est pourtant singulière. Refusant de spécialiser sa curiosité, il a mené ses enquêtes avec éclectisme, s'attachant tour à tour à raconter la vie d'un politicien affairiste, à dresser un panorama de la pègre en 1935, à visiter les studios de cinéma à Hollywood ou à vivre la traversée inaugurale du paquebot Normandie (mais dans les soutes, avec les machinistes). Au déclenchement de la Drôle de Guerre, le grand mutilé devient correspondant chez l'armée anglaise. Mais, dans sa conception du journalisme, il n'a jamais séparé le témoin du visionnaire : «Un reporter n'est pas un simple chasseur d'images, il doit savoir capter les vues de l'esprit.»