Obsédé par l'histoire de Johann-August Suter, par ce formidable récit d'aventure, ce destin si extraordinaire que celui du général suisse en exil qui se vit ruiné par l'or, Cendrars mûrit cette oeuvre depuis des années. Rédigé en 1925 et publié la même année, ce récit ne conte pas uniquement l'incroyable biographie de Suter, le premier milliardaire américain, c'est un fascinant tableau des Etats-Unis à une fabuleuse époque de leur histoire qui est livrée au lecteur, grâce à une prose franche et vive. Précurseur du vers libre, ami des peintres et de la bohème de Montmartre, le poète et bourlingueur Cendrars acquiert enfin une renommée avec L'Or en 1925.
La main coupée est un monument aux morts de la Grande Guerre, comme ceux sur lesquels on a inscrit, année par année, les noms des disparus, morts identifiés mais morts obscurs, sans gloire. Blaise Cendrars a prélevé dans sa mémoire les bribes de la vie et de la mort de ses compagnons de combat, des hommes ordinaires, tragiques ou cocasses, échappant à toute vision héroïque ou édifiante. Lorsqu'elle paraît en 1946, La main coupée est plus qu'un témoignage retardé, c'est une réparation. Réparation parce qu'elle est un mémorial contre l'oubli, réparation aussi pour son auteur qui, dans cet ouvrage tardif, s'autorise enfin, librement, à parler longuement de la guerre, de sa guerre, comme il ne l'avait jamais fait, comme personne ne l'avait jamais fait.
Jacques Bonnaffé s'approprie les mots de Blaise Cendrars pour restituer à ce récit sur la guerre de 14/18 toute sa force et sa vigueur. Une lecture poignante et bouleversante au service d'un texte incontournable sur la Grande Guerre.
Parue en 1921 dans un contexte d'engouement pour le continent noir commencé avec le cubisme et poursuivi avec le surréalisme, cette anthologie africaine est une collection de contes et proverbes que Blaise Cendrars a glanés au fil des lectures et reproduits « tels que les missionnaires et les explorateurs nous les ont rapportés en Europe (...) ». Légende cosmogonique fân où l'on voit l'arrogance du premier homme à l'égard de Nzamé le créateur : « Dieu, c'est Dieu/ L'homme c'est l'homme/ Chacun à la maison, chacun chez soi ! », ou encore, présence de la mort, selon la tradition hottentote, due à un lièvre qui aurait mal retransmis le message de la lune aux humains. On comprend aisément ce qui attire Blaise Cendrars : la vision poétique de l'univers, le sens de la palabre, la nervosité du rythme. L'auteur de Du monde entier révèle ici des points de contact avec l'Afrique et ses «601 langues et dialectes (...) des plus variés », dont les spécialistes, précise-t-il dans sa préface, sont « unanimes à louer la beauté et la puissance plastique »
C'est en 1920 que le jeune universitaire anversois Robert Guiette (1895-1976), passionné de littérature, écrit à Blaise Cendrars (1887-1961) avant de le rencontrer à Paris l'année suivante. Dès lors, leur amitié transfrontalière favorise de nombreux échanges entre les milieux littéraires parisiens et bruxellois. Mais surtout, elle engage une correspondance très intense où Cendrars, poète d'avant-garde, puis écrivain célèbre, journaliste et mémorialiste, se confie volontiers et donne son avis sans concession.
Cet ensemble inédit des lettres de Blaise Cendrars permet de saisir l'effervescence créatrice, éditoriale et intellectuelle à laquelle les deux écrivains ont largement participé, particulièrement durant les années 20 et 30. Et grâce au Journal de Guiette, ainsi qu'à ses comptes rendus des publications de Cendrars que nous proposons dans ce volume, les voix des deux amis se croisent constamment en échos et résonances, traces d'un respect mutuel qui dépasse largement la relation du maître à l'élève.
La correspondance de Blaise Cendrars avec Jacques-Henry Lévesque est la plus considérable, par sa dimension - mais surtout par l'extraordinaire vue offerte sur l'élaboration à la fois inspirée et minutieuse de chacun des livres de l'auteur. Entièrement revue, cette nouvelle édition s'enrichit des lettres retrouvées et des apports du fonds Cendrars qui ont permis de préciser les datations et de corriger le déchiffrement grâce aux originaux. On y voit Jacques-Henry Lévesque (1899-1971) passer de jeune éperdu d'admiration devant le poète bourlingueur à celui de disciple zélé ; à la fois secrétaire d'édition, homme de confiance, il devient peu à peu fils d'élection, lecteur, puis commentateur privilégié au jugement duquel Cendrars accorde de plus en plus d'importance.
JHL est né en 1899 et décédé en 1971 dix ans après Cendrars. Il est le fils d'un couple d'amis proches de Cendrars, Marie et Marcel Lévesque, celui-ci comédien connu. Homme de lettres, JHL est éditeur, amateur éclairé de jazz, fondateur de la revue Orbes. Installé aux États-Unis à partir de 1946, il est à l'origine de multiples enregistrements de poésie française, d'anthologies et de traductions.