"Dans le livre quelque part il y a le mot minuterie, qui, lorsqu'il s'est relu, a voulu faire venir le mot mutinerie. mais trop tard, il n'y avait plus de place dans le livre. quand même, à cette occasion je me suis souvenu d'une enfance, je vérifie que c'est bien la mienne, où tout en moi s'était mutiné, longuement, au point que les structures mêmes de l'enfance en furent mises en cause. je comprends que le livre est le résultat de cet épisode, auquel s'est ajoutée la violence d'une transe adulte qui passait à grande vitesse sur les rails tandis que je ne m'attendais à rien sur le quai."
«éponges modèle 2003 en laisse sans lasso et sans flash Pourquoi trois livres en même temps? Parce qu'ils ont été écrits simultanément, mais selon des sources d'inspirations, des tonalités et des chemins d'écriture demeurés distincts, ce qui interdisait de les réunir en une seule publication. en laisse est une réaction de l'écriture à des événements contemporains, notamment à la photographie d'un prisonnier irakien tenu en laisse par une soldate américaine, photographie qui colle à la peau du livre ; sans lasso et sans flash part d'un tableau de Simon Hantaï, Écriture rose, dont le regard ne se détache ni plus ni moins que l'on se détache d'un tremplin merveilleux ; tandis que l'écriture de éponges modèle 2003 éloigne, si infimement soit-il, le mot de tout support, induisant à une sonorité et une respiration autres. Cependant les trois livres ouvrent sur le même espace-temps, ils sont dévorés d'une même époque, et leurs trames sont étroitement mêlées.»
Pour Dominique Fourcade, deuil répond à la nécessité de donner un écho, sinon le plus approprié, du moins le plus à sa portée, à la mort tragique de Paul Otchakovsky-Laurens. Passées les premières heures d'un deuil dévastant, il se demande comment faire face à cette mort, comment la comprendre, et aussi comment comprendre le nouvel homme qu'il est devenu d'un coup, frappé par la foudre. Comment absorber et comment répondre.
Cette Rose offre une possibilité de symbolique générale qui n'impose sa marque à rien mais qui est la marque de tout. Elle ouvre une infinité de canaux par quoi le réel passe, violemment. Tout le réel. La physique et la métaphysique, la pensée et l'action, l'art et la vie, l'espace et le temps, leurs télescopages. Car il s'agit, par l'invention, par la mise en jeu de l'extraordinaire bousculade des possibilités de la langue, de mettre en évidence le tissu poétique du monde. Dire toutes les choses expérimentées, en créer une nouvelle qui permet la simultanéité des plans du réel.
Citizen Do réunit plusieurs textes récents de Dominique Fourcade, dont Char, la préface qu'il a écrite pour le catalogue de l'exposition du centenaire de René Char à la Bibliothèque nationale, et un dispositif lyrique, Chansons et systèmes pour Saskia, qui peut être entendu comme une réplique à ce premier texte, ainsi qu'une chanson sans nom, qui rompt avec l'expérience très prenante d'un cycle - et enfin Post-scriptum, qui paraît en tête du livre et tente de faire le point sur un moment d'écriture et de vie, et en même temps d'expliquer ce qui préside à la réunion de ces textes et qui n'est pas seulement l'appartenance à ce moment.
J'ai donc donné, au fil de la publication de mes livres chez P.O.L, toute une suite d'entretiens qui ont été l'occasion de réfléchir à ce que je faisais. Occasion de me situer. Je me suis pris au jeu je le comprends maintenant, mais cela n'a pu se faire que parce que, avec une insistance et une attention qui m'ont beaucoup surpris, on m'aura demandé de m'expliquer et de me commenter tout au long du trajet.Pour le dire autrement : à l'enquête ininterrompue dont je semble avoir fait l'objet et qui, par des questions intimidantes, visait à toujours mieux me silhouetter j'imagine, à mesure qu'elle avançait je tentais des réponses-poèmes. L'idée de les réunir est venue au cours de conversations avec Paul Otchakovsky-Laurens, au printemps 2017 - pour en avoir le coeur net. Voilà, c'est fait. Mais improvisations et arrangements n'a pas su prévenir la perte irréparable qui s'est produite. Paraître sans son éditeur endeuille ce livre à jamais.Hadrien France-Lanord, qui m'avait souvent dit son souhait d'un tel livre, s'est chargé de faire les choix, aidé de Caroline Andriot-Saillant.
Pour finir, j'aimerais rendre hommage à ce métier indispensable, très affûté, et qui s'est exercé ici, au fil des pages, inlassablement, métier pour lequel je ne trouve pas de nom, celui de poseur de questions.
Dans ce livre il y a plus de lèvres que dans d'autres livres. Des traces de mots sur les lèvres, et bien sûr il y a aussi des traces de lèvres sur les mots. Un tel livre on ne sait pas qu'on l'écrit. Chacun de ceux qui sont ici, figurantes et figurants, qui sont là de toute part, ici dans manque, sait de moi ceci : en amour, comme dans la mort, j'ai deux sortes de cri, l'un où je simule que je suis proche, l'autre où je simule le lointain.
Le ciel pas d'angle, «quarante-cinq poèmes pris dans le réel», a été écrit en dix ans. Il s'appuie sur une méditation des conquêtes de la peinture moderne, de Manet à Matisse, avec Cézanne comme figure centrale. La poétique et l'écriture cessent ici de privilégier tel ou tel moment de l'expérience sensible, en annulant toute hiérarchie dans le compte rendu du réel ; elles visent à traduire l'espace entre les choses - les choses et les êtres c'est tout un -, l'espace entre les éléments du sensible et la grande mélodie qui les lie.
Les feuilles non paginées de ce livre mettent en valeur la course, la recherche de vitesse de l'artiste, qui se demande s'il faut «fuir en arrachant le textuel au texte». Xbo serait «un poème dont on a ligaturé les trompes pour être mieux souffrance et plus amour...» Il s'agit de l'amour des mots, considérés chacun comme un nom propre désignant une personne, des mots à sauver dans un acte d'amour et dans l'urgence.
Le monotype, c'est d'abord un procédé de peinture, ou de gravure, qui permet d'obtenir, par impression, un exemplaire unique de l'oeuvre. Les monotypes de Degas sont l'exemple le plus célèbre de cette technique qui impose une grande rapidité d'exécution en même temps qu'une grande précision et, au-dessus de tout, une rare intensité d'inspiration. Degas est d'ailleurs un, sinon le, personnage important de ce livre où chaque geste est définitif, où chaque geste est crucial car le «sujet» ici traité en «monotype» c'est évidemment l'auteur lui-même. Dominique Fourcade y expérimente tour à tour et simultanément les registres de l'essai, du roman, du poème et, à l'intérieur de ces genres, d'innombrables modes (fragmenté, continu, scandé, cursif, discursif, chanté, syncopé, filé, lyrique, objectiviste...) afin de saisir le plus possible de mots et de rythmes et que l'écriture y soit à la fois événement, source d'inspiration, système de transcription, source de réflexion.
«éponges modèle 2003 en laisse sans lasso et sans flash Pourquoi trois livres en même temps? Parce qu'ils ont été écrits simultanément, mais selon des sources d'inspirations, des tonalités et des chemins d'écriture demeurés distincts, ce qui interdisait de les réunir en une seule publication. en laisse est une réaction de l'écriture à des événements contemporains, notamment à la photographie d'un prisonnier irakien tenu en laisse par une soldate américaine, photographie qui colle à la peau du livre ; sans lasso et sans flash part d'un tableau de Simon Hantaï, Écriture rose, dont le regard ne se détache ni plus ni moins que l'on se détache d'un tremplin merveilleux ; tandis que l'écriture de éponges modèle 2003 éloigne, si infimement soit-il, le mot de tout support, induisant à une sonorité et une respiration autres. Cependant les trois livres ouvrent sur le même espace-temps, ils sont dévorés d'une même époque, et leurs trames sont étroitement mêlées.»
Outrance utterance et autres élégies traite de la voix du poème, distincte de la voix du poète. Il traite du temps, de l'air, de la lumière, de l'espace qui sont la matière du mot, et du gouffre, qui est la matière de la phrase. Il traite enfin de la prison, qui est le lieu où opère l'écrivain.
Livre après livre, Dominique Fourcade s'approche avec anxiété, avec bonheur, de quelque chose d'essentiel qui se trouve dans la langue, cette langue qui nous fonde et nous définit dans un mouvement constant. Le travail de Dominique Fourcade est au coeur de ce mouvement, il va au plus près des mots car il sait qu'une part de nous-mêmes est là, que nous l'avons consciemment et inconsciemment mise, et qu'en cherchant la trace comme il le fait, brisant l'ordre, le rythme, il met à jour l'essence même de notre être. Ce livre qui se voulait une photographie du motif de la poésie, vu de dos parce qu'autrement tout est faux, se trouve n'être qu'une grammaire de la fuite. IL avait docilement posé, mais rien ne pouvait aller comme envisagé, car les moyens manquent encore. Cependant, plusieurs promesses ont été tenues : c'est un livre dont le mental tient dans l'épaisseur d'un cil. C'est l'exposé d'une faiblesse majeure. C'est un poème écrit avec des lettres considérées pour ce qu'elles sont, des cadavres. Et dont l'envers se pose la question de la prose. Enfin, le clairon s'était engagé à n'y pas sonner, et a tenu parole.
Son blanc du un a été écrit en pivotant sur un axe donné par le mot «murmure». Pourquoi le mot «murmure»? Pour la beauté du son de ce mot, pour la richesse de ses implications, et parce qu'en se rivant précisément aux possibilités contenues dans son développement éventuel, Dominique Fourcade a senti qu'il se mettait à l'abri du type d'opérations mises en oeuvre dans Rose-déclic, son précédent livre. Son blanc du un est un seul poème, dont les différentes parties sont datées du jour où elles ont été terminées d'écrire. Cette datation donne, comme indépendamment du tempo même du poème, le tempo de l'écriture du poème.
"n'est qu'un
autoportrait
on s'y est mis à trois"
Avec la collaboration d'Hadrien France-Lanord et Sophie Pailloux-Riggi.