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Dans les années 1980, tous les étés, la scène se rejoue à l'aéroport de Moscou, escale obligatoire au retour des vacances en Géorgie : les douanières fouillent les valises, terrorisent les filles et menacent leur mère, Daredjane, de ne pas la laisser repartir à Paris, lui rappelant qu'ici, elle est toujours soviétique. Mais Daredjane tient à ce que Kessané et sa soeur gardent un lien avec leurs grands-parents et avec son pays natal, qu'elle a quitté pour s'installer en France. Son mari, Tamaz, finissait par les retrouver et la famille reprenait le cours limpide des jours, dans leur pavillon du Vésinet.
Bien longtemps après, Daredjane contemple tristement le portrait de Tamaz, mort depuis dix ans déjà. Elle se sent étrangère dans la belle maison de Kessané, devenue journaliste, à qui elle reproche sa dureté. La mort du père a fait voler en éclats l'harmonie passée, les soeurs, si proches, se sont éloignées l'une de l'autre.
Tout était si simple avant, et si romanesque : le coup de foudre de Tamaz pour Daredjane, venue se produire au Théâtre des Champs-Élysées avec le ballet de Géorgie ; la détermination de la belle danseuse à le rejoindre à Paris ; le premier flirt de Kessané, son aînée, avec ce jeune voisin d'Abkhasie...
Élucidant les raisons de ce désamour à la clarté des souvenirs heureux, la subtile romancière excelle à suggérer les failles, à scruter les dissonances et surtout les silences : si on ne parlait pas de politique, c'est pourtant sur fond d'exil et de guerre que s'est écrite l'histoire de cette famille apparemment si ordinaire. Comme autant d'ondes de choc, les drames de leur pays d'origine viennent se mêler au drame intime que vivent ces trois femmes désormais confrontées à leur solitude. Nous nous aimions est un très beau roman sur l'empreinte ineffaçable de l'enfance. -
« Joseph Djougachvili, dit Staline, surnommé Sosso dans les premières années de sa vie, est né en Géorgie, à Gori, en 1878. Quelques années plus tard, à quelques rues de là, naissait un autre Joseph, Davrichachvili, ou Davrichewy. »
Dès les premières lignes de son nouveau livre, Kéthévane Davrichewy avertit son lecteur : la mémoire familiale en sera la matière. Mais, quand son arrière-grand-père a grandi avec Staline, l'histoire intime prend très vite une dimension vertigineuse.
Avec sobriété et naturel, la romancière entre de plain-pied dans l'enfance de « l'autre Joseph » : fils du préfet de Gori, il est élevé au milieu des gamins des rues, fascinés comme lui par les légendes bibliques et les bandits caucasiens. Même s'il partage avec le petit Djougachvili des rêves d'héroïsme et de grandeur, son camarade - exalté, batailleur et arrogant - l'agace. D'autant qu'on ne cesse de souligner leur ressemblance physique, frappante en effet. Des rumeurs ne circulent-elles pas sur une liaison entre le préfet Davrichewy et la mère de Sosso ?
Jusqu'à la révolution de 1905, où les ardents activistes que sont devenus les deux Joseph combattront côte à côte, leurs destins s'écrivent en parallèle. Tous deux poursuivent leur scolarité à Tiflis : Sosso au séminaire, où il s'avère un agitateur notoire ; Joseph au collège, où il prend sous sa protection un garçon romantique et malingre, Lev Rosenfeld, le futur Kamenev. Alors que Sosso est envoyé en prison, puis exilé en Sibérie, Joseph part étudier à Paris, bouillonnant d'idées révolutionnaires. Quand ils se retrouvent à Tiflis, Joseph se bat pour une Géorgie indépendante, alors que Sosso le Bolchevik a d'autres visées. La distance se creuse, nourrie par les anciennes rivalités...
Comme autant de ponctuations rythmant les tumultueuses aventures des deux jeunes gens, des chapitres plus personnels interrogent le destin familial : qu'en aurait-il été des Davrichewy si, depuis sa tendre enfance, Joseph n'avait pas été obligé de prendre en compte son encombrant camarade - et supposé demi-frère ?
Dans sa passionnante enquête sur son mystérieux arrière-grand-père, l'écrivain s'empare de l'histoire pour la mettre à sa vraie place : dans sa vie. Les dernières pages de son roman éclairent de manière bouleversante la dédicace à son propre père.
Kéthévane Davrichewy est née à Paris. Après La Mer Noire (2010), qui déjà puisait son inspiration dans ses origines géorgiennes, elle a publié, toujours chez Sabine Wespieser éditeur, Les Séparées (2012) et Quatre murs (2014). -
La maison familiale est trop vaste pour une femme seule. En ce jour de déménagement, les quatre enfants, devenus adultes, s'y retrouvent pour la dernière fois. Leur père est mort. Dans les pièces vides qui résonnent, les propos en apparence anodins se chargent de sous-entendus. Ces quatre-là se connaissent trop pour donner le change, d'autant que leur mère, profitant qu'ils soient pour une fois ensemble sans enfants ni conjoints, soulève la question de l'héritage.
Deux ans plus tard, rien n'est résolu : les frères et soeurs ne se parlent plus guère, et surtout pas de leur passé. Sur l'insistance de leur mère, ils ont pourtant accepté de se retrouver en Grèce, le pays de leur origine, dans la maison où l'aîné vient de s'installer.
Ce voyage est, pour chacun d'entre eux, l'occasion de revenir sur l'ambivalence de leurs relations. Comment en sont-ils arrivés là, eux qui étaient tout les uns pour les autres ?
Excellant à pointer la dissonance dans les voix de ses quatre protagonistes, qui chacun livre sa version des faits, Kéthévane Davrichewy, comme si elle assemblait les pièces d'un puzzle, révèle petit à petit les motifs d'un drame familial, et propose une belle variation sur la perte de l'innocence.
Kéthévane Davrichewy est née à Paris dans une famille d'origine géorgienne. Après La Mer Noire (2010), elle a publié, toujours chez Sabine Wespieser éditeur, Les Séparées (2012), qui lui a valu une belle reconnaissance critique et publique. Elle a également écrit de nombreux livres pour la jeunesse à L'École des loisirs. -
Quand s'ouvre le roman, le 10 mai 1981, Alice et Cécile ont seize ans. Trente ans plus tard, celles qui depuis l'enfance ne se quittaient pas se sont perdues.
Alice, installée dans un café, laisse vagabonder son esprit, tentant inlassablement, au fil des réflexions et des souvenirs, de comprendre la raison de cette rupture amicale, que réactivent d'autres chagrins. Plongée dans un semi-coma, Cécile, elle, écrit dans sa tête des lettres imaginaires à Alice.
Tissant en une double trame les décennies écoulées, les voix des deux jeunes femmes déroulent le fil de leur histoire. Depuis leur rencontre, elles ont tout partagé : leurs premiers émois amoureux, leurs familles, leur passion pour la littérature, la bande-son et les grands moments des "années Mitterrand". Elles ont même rêvé à un avenir professionnel commun.
Si, de cette amitié fusionnelle, Kéthévane Davrichewy excelle à évoquer les élans et la joie, si les portraits de ceux qu'Alice et Cécile ont aimés illuminent son livre, elle écrit aussi très subtilement sur la complexité des sentiments. Croisant les points de vue de ses deux narratrices, et comme à leur insu, elle laisse affleurer au fil des pages les failles, les malentendus et les secrets dont va se nourrir l'inévitable désamour.
Car c'est tout simplement de la perte et de la fin de l'enfance qu'il s'agit dans ce roman à deux voix qui sonne si juste.