Commémorer la guerre. Une habitude que la France, depuis Sedan, n'a cessé d'entretenir pour célébrer ses glorieuses défaites ou ses retentissantes victoires. Il est peu de pays qui honore avec tant de soin, de persévérance et de moyens la mémoire des événements et des hommes, semant ici et là les monuments du souvenir. Inventées après la déroute de 1870, ces fêtes nationales, parfois appelées " journées de guerre ", se structurent tout au long de la IIIe République. Après la Grande Guerre, qui en fixe les rituels, ces célébrations deviennent le réceptacle de toutes les passions nationales. Même Vichy n'osera pas remettre en cause cet instrument d'assignation identitaire et de communion mémorielle dédié à l'écriture du roman national. La victoire des Alliés, puis les guerres coloniales, ne feront qu'enrichir et compliquer ces questions d'identité. Menée à l'échelle du pays, mariant archives nationales et locales, l'étude de Rémi Dalisson raconte plus d'un siècle de " guerre des mémoires ", mémoires toujours incandescentes, comme en témoigne la célébration polémique de la fin de la guerre d'Algérie. Il montre que les fêtes de guerre, à la différence d'autres commémorations nationales et en dépit de la disparition des acteurs, restent l'un des espaces centraux du débat politique national, l'un des lieux de mémoire primordiaux de la République.
Hippolyte Carnot n'a ni la gloire de son père, « l'organisateur de la victoire » de l'An II, ni le renom de son frère, l'inventeur de la thermodynamique, ni le destin tragique de son fils, président de la République assassiné en 1894. Il reste méconnu alors que sa vie couvre presque tout un siècle (1801-1888) et que son oeuvre et son influence sont considérables. À travers révolutions, coups d'État, monarchies, empires ou républiques, guerres et procès, ce ministre de l'Instruction publique de 1848, ami de Victor Hugo et de Jules Ferry, est en effet un bâtisseur et un inspirateur. Il participe à tous les combats pour les libertés publiques et privées, jette les bases de la formation des professeurs et de l'école gratuite et obligatoire, y compris maternelle, crée l'ancêtre de l'ENA et défend les causes les plus avancées (scolarisation des filles, suffrage universel, lutte contre l'esclavage et abolition de la peine de mort). Philosophe et journaliste, mémorialiste et ministre, franc-maçon et croyant, exilé politique et député, sénateur et membre de l'Académie, il incarne le xixe siècle. La redécouverte d'une grande figure de notre panthéon républicain.