"Comme tous les gamins d'Algérie, je vivais dans la crainte de ne pas être assez bon pour échapper au châtiment du Grand Méchant Allah. En classe, nous apprenions l'arabe en récitant le Coran. Pour lire le Coran, il fallait connaître l'arabe et pour connaître l'arabe, le Coran... un cercle arabo-islamo-vicieux. Je n'y entendais bientôt plus rien, ni à l'arabe ni au Coran... alors je recevais des coups de règle sur les doigts."
Ainsi débute le récit d'une libération, celle de l'auteur. Salim Bachi, brimé par une éducation religieuse rigoriste et la crainte du châtiment divin, rejettera la religion de ses ancêtres et se détachera de la nation où il est né. Refusant tous les endoctrinements, il trouve refuge dans les livres et la littérature.
En juin 1940, en pleine débâcle, Aristides de Sousa Mendes, consul du Portugal à Bordeaux, sauva la vie de milliers de personnes en désobéissant à son gouvernement. Entre trente mille et cinquante mille réfugiés de toutes nationalités et religions bénéficièrent d'un visa
signé de sa main qui leur permit de fuir la menace nazie. Plus de dix mille juifs échappèrent à une mort certaine dans les camps.
Relevé de ses fonctions, exilé dans son propre pays, oublié de tous, Aristides de Sousa Mendes paya jusqu'à la fin de sa vie le prix fort pour ses actes de courage.
"Je la revois dansant nue dans la pénombre de la chambre. Pendant plus d'une heure, au bord de la folie, elle m'offre ce que j'aime le plus chez elle. Puis le souvenir de la flamme s'éteint et ne restent plus que les traces de sa violence : mon dos qu'elle a labouré avec ses ongles jusqu'au sang. Il fallait bien qu'elle exprime sa fureur, sa tristesse de tigresse en cage qui me reproche de partir bientôt, libre d'aller et venir à ma guise alors qu'elle est enfermée sur cette île noire, ce grand purgatoire des solitudes."
Un cinéaste se rend à La Havane pour y tourner un documentaire. Il y rencontre Chaytan, un Iranien en exil, qui lui servira de guide à travers tous les lieux mal famés de "la capitale des douleurs". Leurs errances nocturnes les plongent dans un film noir.
Mahomet fut un homme passionné avant d'être le prophète de l'islam. C'est à présent un personnage de roman. Un roman qui se déploie aux alentours de l'an 600 après J.-C., entre La Mecque et Médine, des sables du désert d'Arabie aux abords de Jérusalem.
Nous voyons Mahomet naître, vivre et mourir à travers les confessions de sa première femme, Khadija, de son meilleur ami, le calife Abou Bakr, du fougueux Khalid, le général qui conquit l'Iraq au cours de batailles épiques, et enfin de la jeune Aïcha, devenue son épouse à l'âge de neuf ans.
Homme singulier, contesté par les siens au début de sa prédication, Mahomet est un orphelin enrichi par son mariage avec Khadija, bien plus âgée que lui. Marchand et caravanier prospère visité par Dieu à quarante ans, prophète et homme d'État visionnaire à cinquante, amant et conquérant impitoyable, Mahomet ne cesse de fasciner et d'embraser les âmes plus de quatorze siècles après sa mort à Médine sur les genoux d'Aïcha, son dernier amour.
« En l'an 8 après J.-C., Ovide est relégué par Auguste à Tomis, l'actuelle Constantza en Roumanie, au bord de la mer noire. Sur cette petite île, il résidera dans une villa qui constituera son unique royaume. Quelles sont les raisons de cet exil ? Les historiens ne s'accordent guère. Certains avancent qu'Ovide aurait eu une liaison avec Julie, la fille d'Auguste ou aurait pratiqué la divination, interdite en ce temps-là. Il quitte Rome en emportant ses biens ; sa femme, en revanche, ne le suit pas. Le poète veut-il lui éviter le déshonneur et l'opprobre ? Il s'adresse à sa femme et à ses amis dans Les Tristes et Les Pontiques, ses lettres poétiques, destinées à la postérité, où il se plaint de sa relégation.
J'ai l'impression en les lisant aujourd'hui, traduites par Marie Darrieussecq, qu'Ovide s'adresse à moi comme à un frère et, souvent, j'ai le désir de le consoler. Je souffre avec lui du même éloignement, de la même douleur maintenant que je suis seul en France. J'ai ressenti aussi cette même peine en Algérie comme si la patrie ne faisait rien à l'affaire. On peut ainsi être exilé deux fois, chez soi et chez les autres.
De guerre lasse, Ovide abandonnera son combat et ses lettres à ses amis et à sa femme se feront plus rares. Il se sait perdu et ses jours comptés... La tristesse et la solitude abrègeront sa vie. Même mort, Ovide ne reviendra jamais à Rome : Auguste refusera qu'il y soit enseveli.
J'ai tout perdu : mon pays, ma famille, et cela à de nombreuses reprises. L'exil est ce ressassement de la perte. Il n'y pas de retour possible pour celui qui a abandonné son lieu de naissance de gré ou de force. L'exil est aussi ce sentiment envoûtant qui nait de la destruction du passé et de l'attente d'une renaissance. »
Une évocation poétique, bouleversante sur ce sentiment d'exil. Ovide est le héros, le frère, le miroir de l'auteur dans ce récit où l'on croise aussi d'autres écrivains dans leur exil : Joyce, Léonardo Sciascia, Pessoa, Thomas Mann, Zweig...
Tristan, le narrateur, a dix-huit ans. Rien ou presque ne trouve grâce à ses yeux dans le monde d'aujourd'hui. Sa mère est une snob ; son père, écrivain à succès, ne produit selon lui que des nullités. Il est en colère contre tout : les livres, les peintures, les filles...
D'où vient cette révolte qui s'exprime dans un langage très savoureux, à la fois cru et raffiné ? On le devine peu à peu : Eurydice, la soeur bien-aimée de Tristan, est morte à Paris dans des circonstances tragiques. Sous le soliloque radical et rageur contre l'époque, ses hypocrisies et ses faux-semblants, affleure le chant d'amour à ce qui est perdu.
"Ils marchaient dans la nuit noire. Elle versait des larmes. Il détestait ça. Il avait envie de la tuer. Il tuerait l'Amérique à travers elle. Et demain matin, il garderait les yeux ouverts quand il lancerait le Boeing 767 de la compagnie American Airlines sur les deux tours les plus orgueilleuses de l'humanité. Les yeux grands ouverts."
Le 11 septembre 2001, un terroriste, aidé de ses complices, prend le contrôle d'un avion et le précipite sur le World Trade Center. Salim Bachi retrace la vie et les pensées de cet homme quelques heures avant la tragédie.
"A l'intérieur, les lumières s'étaient toutes éteintes. Seules quelques réverbérations permettaient d'apercevoir les marches qui descendaient dans le gouffre infernal. Ils allumaient des briquets pour atteindre le fin fond de la station, à l'endroit exact où s'était arrêtée la rame."1995. Une bombe explose à Saint-Michel. Bilan : huit morts et plus d'une centaine de blessés. A la Une de tous les journaux, un visage apparaît : celui de Khaled Kelkal, 24 ans, terroriste. Le jeune homme est désigné ennemi public numéro 1. Comment ce bon élève souriant et discret est-il devenu un assassin ? Revenu d'entre les morts, Khaled Kelkal prend la parole et accuse la société, la banlieue qui l'a vu grandir, la France et l'Algérie. Il s'accuse aussi de ce destin tragique et de la fatalité qui l'a conduit à commettre l'irréparable.
Sindbad le Marin, par la grâce du roman, renaît sous les traits d'un jeune homme aventureux et espiègle, dans l'Algérie d'aujourd'hui soumise aux caprices de Chafouin Ier.
De la rive sud de la Méditerranée jusqu'à Damas, en passant par Rome, Paris, Alep ou Bagdad, cet amant des femmes et de la beauté se lance dans une quête éperdue du bonheur.
Fable sur notre temps, conte cruel parfois, le roman relate la vie d'un homme à la recherche de l'amour absolu - un homme dont les rêves et les espérances finiront, avec le temps, par se teinter de nostalgie.
En 1949, Albert Camus embarque pour le Brésil. La tuberculose, les violentes fièvres qui l'assaillent, l'ennui des longues journées en mer rendent ce voyage difficile, sombre. Chaque jour, dans sa cabine exiguë, il travaille au manuscrit des Justes quand une mystérieuse femme, Moira, fait son apparition. Avec elle, Camus se souvient alors de sa jeunesse à Alger. L'époque ensoleillée des premières amours et des combats politiques et littéraires a des allures de paradis perdu. Pourtant, Camus oppose à la nostalgie qui le ronge un féroce appétit de vivre.
Salim Bachi nous livre, dans ce roman, le portrait d'un Camus inquiet, exalté, sensuel, brillant et fraternel.