filter
Categories
Éditeurs
Languages
Prix
Sibylle Grimbert
-
« On ne sait rien à propos de la naissance de Muriel Ortisveiler.
Elle serait née au coin d'une rue, se serait détachée d'un mur de pierre en plein après-midi, ou élevée du sol comme une plante, mais quoi qu'il en soit tout d'un coup elle aurait été là. Toutefois personne dans la rue ne l'avait vue apparaître, le phénomène spectaculaire de sa naissance surnaturelle passa donc totalement inaperçu.
Au début elle n'avait pas d'histoire, pas de mémoire antérieure à cet instant où il lui avait semblé sortir d'un mur, mais plus tard quelques personnes croisées par hasard se souvinrent d'elle avant ce jour-là, aussi racontèrent-elles quelques bribes de son passé. Elle aurait surgi au centre d'une ville où elle avait jusqu'à présent vécu, mais dans un quartier très différent. À cette époque où elle arriva de façon si aberrante tout était gai, ajoutait-on, et tout - rigoureusement tout - était possible. Cette époque inouïe avait été celle de la confiance et de l'opulence pour une partie de l'humanité et Muriel était née au coeur de cette partie dynamique et confiante du monde. »
Sibylle Grimbert est née à Paris. Birth days est son premier roman. -
Enfant, Paula évoluait avec ses parents dans un monde merveilleux, un univers transparent et serein où peu de choses échappaient à sa sagacité. Elle décryptait les sentiments, analysait les comportements avec une implacable logique mathématique. Elle prévoyait tout et évaluait l'avenir avec confiance. Rien n'avait de secret. Pourtant quelque chose pourrissait de l'intérieur dans ce milieu familial et idéal : un soir, sa mère disparut sans explications. À présent, Paula connaît le secret de ce départ. Elle sait que le geste de sa mère était prévisible. Les humains sont très prévisibles. Mais à quoi un tel savoir peut-il servir ? À 34 ans, Paula a perdu beaucoup de temps. Sa faculté de prévoir l'embarrasse un peu plus chaque jour. Comment vivre en évacuant le secret ? Comment vivre sans endroit où se cacher, sans mystère à dissimuler ? Paula sait ce qu'il lui reste à accomplir pour avoir une vie à elle, même si elle doit en payer le prix.
-
Au moment où Éric la retrouve, Claire vit depuis deux mois au centre de ce terrain vague qu'elle nomme "les déserts". Elle porte une robe un peu sale, ses cheveux auraient besoin d'être lavés et les gens qui l'entourent lui ressemblent. Personne n'est là par hasard : tous ont été recrutés. Ils forment une communauté de gens remisés là parce qu'ils sont devenus "improductifs". Au cours du voyage de quelques jours qu'ils entreprennent tous les deux, Claire raconte à Éric sa lente dégradation. En quelques mois, elle dit avoir connu trois états, trois façons pour son corps de graviter dans l'espace : à l'automne, premier état, tout était parfait : Claire et son corps étaient en plein accord. Ce fut le temps des rencontres multiples, qui ne laissent pourtant que des souvenirs vagues. Les gens qu'elles voyaient dans le bar où elle travaillait ou lors des soirées où elle se rendait ne sont plus dans son souvenir qu'une seule et même silhouette. Depuis cinq ans, elle s'appelle Claire Vermont, parce que, c'est le plus probable, elle a épousé Marc Vermont, dont elle ne se rappelle pas grand-chose. Claire passa l'hiver seule ; dorénavant les rencontres, les gens, c'était fini. Ce fut le début de sa séparation d'avec son corps, l'hiver de l'angoisse. Elle devint une fille comme à côté des choses, proie idéale pour une secte. C'est à ce moment-là que Franck, le recruteur, est apparu. Puis vint le troisième état, celui des déserts, Claire n'a plus de corps du tout. C'est le temps de l'abnégation, de l'oubli radical de soi. Son corps flotte, insensible et inutile, et son esprit ressemble à une boule de coton hydrophile, vaporeuse, blanche, unie, molle. Mais le bruit de la voiture d'Éric venu la chercher la réveille : elle revoit tout, les trois états par lesquels elle est passée, les gens qu'elle a rencontrés, son mariage, Franck, dans un éblouissement lucide. En voyageant avec Éric, en vivant enfin pour quelqu'un, même un bref moment seulement, Claire retrouve l'ordre des choses, retrouve enfin sa forme, son centre de gravité et le voyage prend fin.
Sybille Grimbert est né à Paris en 1967. Elle est attachée de presse dans la mode. Apres Birth days (StocK, 2000), Le Centre de gravité est son deuxième roman.
Sybille Grimbert entremêle les récits de trois voyages : celui que Claire et Éric font ensemble, celui de Claire jusqu'aux déserts, celui d'Éric jusqu'à Claire. Sans psychologie, Sybille Grimbert nous plonge au coeur de la subjectivité absolue : on ne connaît le passé de Claire qu'à travers le prisme de ses souvenirs qui déforment les gens, les choses, les paysages, superposent les situations, tordent le temps. Ses longues phrases résonnent comme autant d'images réfractées. On aime reconnaître le son de Birth Days, la gravité en plus.