Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Stefan Zweig. À bord d'un paquebot voguant vers l'Argentine, deux joueurs d'échecs s'affrontent. L'un, Mirko Czentovic, est le champion du monde en titre. Fruste, taciturne, inculte, c'est cependant un redoutable tacticien que personne n'arrive à battre. L'autre, Mr. B., est un passager inconnu, un intellectuel qui a appris à jouer seul aux échecs pour résister aux persécutions nazies et échapper mentalement à l'enfermement. Il est parvenu à mémoriser les plus grandes parties d'échecs relatées dans le seul livre alors à sa disposition, puis a développé l'étrange faculté de pouvoir jouer contre lui-même, blancs et noirs en même temps. Alors qu'il n'a pas joué depuis plus de vingt ans, il gagne une première partie contre le champion du monde, mais sa schizophrénie lui fait perdre la revanche. Au-delà de la symbolique du jeu d'échecs et de la "psychanalyse" de deux personnages que tout oppose, cette nouvelle de Stefan Zweig, écrite juste avant son suicide, plonge le lecteur dans les labyrinthes de l'âme humaine. C'est aussi une profonde réflexion sur la folie totalitaire à une époque charnière où se jouait le destin de l'Europe sur le grand échiquier du monde.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Stefan Zweig. Dans une pension de la Riviera où réside le narrateur, la très réservée Mme Henriette, honorablement connue et mère de famille, vient de s'enfuir avec un jeune séducteur. Les pensionnaires s'étonnent de la rapidité de l'aventure et personne n'arrive à croire qu'une honnête femme puisse ainsi abandonner son foyer après quelques heures seulement de conversation avec un inconnu. Seul le narrateur ne condamne pas la femme immorale, bientôt rejoint par une vieille dame anglaise distinguée. Celle-ci lui raconte alors un épisode de sa jeunesse analogue à celui qui met en émoi la petite pension, se remémorant une aventure amoureuse de vingt-quatre heures, aussi étrange que passionnée. Le récit, où l'on trouve une évocation remarquable de l'atmosphère des casinos de l'époque, est animé par une analyse psychologique particulièrement profonde.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Stefan Zweig. "Écrire l'histoire de Marie-Antoinette, c'est reprendre un procès plus que séculaire, où accusateurs et défenseurs se contredisent avec violence. Le ton passionné de la discussion vient des accusateurs. Pour atteindre la royauté, la Révolution devait attaquer la reine, et dans la reine la femme. Or, la vérité et la politique habitent rarement sous le même toit, et là où l'on veut dessiner une figure avec l'intention de plaire à la multitude, il y a peu de justice à attendre des serviteurs complaisants de l'opinion publique. On n'épargna à Marie-Antoinette aucune calomnie, on usa de tous les moyens pour la conduire à la guillotine; journaux, brochures, livres attribuèrent sans hésitation à la «louve autrichienne» tous les vices, toutes les dépravations morales, toutes les perversités; dans l'asile même de la justice, au tribunal, le procureur général compara pathétiquement la «veuve Capet» aux débauchées les plus célèbres de l'Histoire, à Messaline, Agrippine et Frédégonde." - Stefan Zweig.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Stefan Zweig. "J'éprouvai le désir d'en savoir davantage sur ces hommes, sur ces premiers voyages dans les mers inexplorées dont le récit avait déjà excité mon intérêt lorsque j'étais enfant. Je me rendis dans la bibliothèque du bord et pris au hasard quelques ouvrages traitant de ce sujet. Entre tous les exploits de ces hardis conquistadores celui qui fit la plus forte impression sur moi fut le voyage de Ferdinand Magellan, qui partit de Séville avec cinq pauvres cotres pour faire le tour de la terre - la plus magnifique odyssée, peut-être, de l'histoire de l'humanité que ce voyage de deux cent soixante-cinq hommes décidés dont dix-huit seulement revinrent sur un des bâtiments en ruines, mais avec la flamme de la victoire flottant au sommet du grand mât. Ces livres cependant ne m'apprenaient pas grand-chose sur Magellan, en tout cas pas suffisamment pour moi. Aussi, à mon retour en Europe, je poursuivis mes recherches, étonné du peu de renseignements donnés jusqu'ici sur son exploit extraordinaire et surtout de constater à quel point ce qui avait été dit était peu sûr. Et comme cela m'est déjà arrivé plusieurs fois je compris que le meilleur moyen de m'expliquer à moi-même quelque chose qui me paraissait inexplicable était de le décrire et de l'expliquer à d'autres. C'est ainsi que ce livre a pris naissance, je puis le dire sincèrement, à ma propre surprise. Car en faisant le récit de cette odyssée de la façon la plus fidèle possible d'après les documents qu'il m'a été donné de rassembler, j'ai eu constamment le sentiment de raconter une histoire que j'aurais inventée, d'exprimer l'un des plus grands rêves de l'humanité. Car il n'y a rien de supérieur à une vérité qui semble invraisemblable. Dans les grands faits de l'histoire, il y a toujours, parce qu'ils s'élèvent tellement au-dessus de la commune mesure, quelque chose d'incompréhensible; mais ce n'est que grâce aux exploits incroyables qu'elle accomplit que l'humanité retrouve sa foi en soi." - Stefan Zweig
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Stefan Zweig. "Tout esprit créateur est inévitablement amené à entrer en lutte avec son démon, et c'est toujours un combat passionné, héroïque, le plus magnifique de tous les combats. Souvent cette lutte grandiose et mystérieuse dure toute une vie. Elle prend sa forme visible dans l'oeuvre de l'artiste, où vibre le souffle ardent des noces de l'esprit et de son éternel séducteur. C'est chez le créateur qui lui a succombé que le démon réussit à se dégager de l'ombre, devient verbe et lumière; c'est chez lui que s'affirment le plus nettement ses traits passionnés. Friedrich Nietzsche, le "philosophe au marteau", solitaire et incompris, sombra dans la folie, terrassé par son démon intérieur. Quand un artiste se trouve dans ce cas, il en naît un art particulier, qui jaillit comme une flamme, un art fait d'ivresse, d'exaltation, de fièvre, de fureur, d'élans spasmodiques de l'esprit qui n'appartiennent d'habitude qu'au pythique et au prophétique; le premier indice de cet art c'est toujours l'exagération, la démesure, l'éternel désir de se dépasser, d'atteindre l'infini. Nietzsche est de cette race prométhéenne qui force les cadres, brise les barrières de la vie et se détruit elle-même dans la passion et l'excès: le regard étrange et fiévreux du démon flamboie au fond de ses yeux, le démon parle par ses lèvres. Il parle même encore en lui lorsque ces lèvres sont muettes, quand son cerveau est éteint, quand son corps est mourant; jamais l'hôte effroyable qui l'habite n'est plus visible qu'au moment où son âme se déchire, écartelée par l'excès de souffrance, et que la vue y plonge par la déchirure jusque dans les profondeurs les plus intimes." - Stefan Zweig.
Le titre et le sous-titre - "Le Monde d'hier, Souvenirs d'un Européen" - montrent bien dans quelle perspective Stefan Zweig a écrit cette autobiographie. C'est moins l'auteur lui-même qui est au premier plan des souvenirs que le "Monde" vers lequel se porte son regard devenu nostalgique sous l'effet des forces destructrices à l'oeuvre en 1939-1941, époque où il rédige ce livre. Une première partie est consacrée à l'évocation de la Vienne et de la monarchie austro-hongroise du tournant du siècle, vue par les yeux d'un jeune bourgeois juif ayant édifié sa personnalité dans cet univers de sécurité matérielle et de foisonnement culturel. Vient ensuite le récit d'un itinéraire spirituel placé sous le signe du cosmopolitisme et de l'utopie d'une fraternité des esprits sur lesquels se constitue un pacifisme qui ne sera jamais abandonné. La dernière partie s'achève sur l'expérience ultime de l'auteur: les persécutions nazies, le brasier de la Seconde Guerre mondiale, l'exil au Brésil où il se suicidera avec sa femme un jour de 1942, juste après avoir posté le manuscrit du "Monde d'hier" à son éditeur. Les chapitres sont ordonnés chronologiquement mais forment chacun une unité, une sorte d'essai indépendant brossant le tableau d'une période ou d'un phénomène majeur. le récit est émaillé de portraits d'écrivains amis (Rainer Maria Rilke, Romain Rolland, Henri Barbusse, Émile Verhaeren, Theodor Herzl, Paul Valéry, Sigmund Freud, Arthur Schnitzler,...) et de récits de voyages (Paris des impressionnistes, Berlin des années 20, Russie de l'après-révolution). Stefan Zweig n'a sans doute pas la pénétration et la vision politique d'autres auteurs sur la même époque mais la séduction qu'exercent sa finesse d'écriture et ses descriptions permet de comprendre le succès dont bénéficie toujours ce livre.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Stefan Zweig. "Le mystère qui entoure la vie de Marie Stuart a été l'objet de représentations et d'interprétations aussi contradictoires que fréquentes: il n'existe peut-être pas d'autre femme qui ait été peinte sous des traits aussi différents, tantôt comme une criminelle, tantôt comme une martyre, tantôt comme une folle intrigante, ou bien encore comme une sainte. [...] En soi, le caractère de Marie Stuart n'a rien de mystérieux: il ne manque d'unité que dans ses manifestations extérieures; intérieurement, il est rectiligne et clair du commencement à la fin. Marie Stuart appartient à ce type de femmes très rares et captivantes dont la capacité de vie réelle est concentrée dans un espace de temps très court, dont l'épanouissement est éphémère mais puissant, qui ne dépensent pas leur vie tout au long de leur existence, mais dans le cadre étroit et brûlant d'une passion unique. Jusqu'à vingt-trois ans son âme respire le calme et la quiétude; après sa vingt-cinquième année elle ne vibrera plus une seule fois intensément; mais entre ces deux périodes un ouragan la soulève et d'une destinée ordinaire naît soudain une tragédie aux dimensions antiques, aussi grande et aussi forte peut-être que l'Orestie. Ce n'est que pendant ces deux brèves années que Marie Stuart est vraiment une figure tragique, ce n'est que sous l'effet de sa passion démesurée qu'elle s'élève au-dessus d'elle-même, détruisant sa vie tout en l'immortalisant. Etant donné cette particularité, toute représentation de Marie Stuart a sa forme et son rythme fixés d'avance: l'artiste n'a qu'à s'efforcer de mettre en relief dans tout ce qu'elle a d'étrange et d'exceptionnel cette courbe vitale qui monte à pic et retombe brusquement sur elle-même. Qu'on ne prenne donc pas pour un paradoxe le fait que la période de ses vingt-trois premières années et celle de ses vingt ans ou presque de captivité ne tiennent guère ensemble dans ce livre plus de place que les deux ans de sa tragédie amoureuse. Dans la sphère d'une destinée, la durée du temps à l'extérieur et à l'intérieur n'est la même qu'en apparence; en réalité, ce sont les événements qui servent de mesure à l'âme: elle compte l'écoulement des heures d'une tout autre façon que le froid calendrier. Enivrée de sentiment, transportée et fécondée par le destin, elle peut éprouver d'infinies émotions dans le temps le plus court; par contre, sevrée de passion, d'interminables années lui feront l'effet d'ombres fugitives. C'est pourquoi seuls les moments de crise, les moments décisifs comptent dans l'histoire d'une vie, c'est pourquoi le récit de celle-ci n'est vrai que vu par eux et à travers eux. C'est seulement quand un être met en jeu toutes ses forces qu'il est vraiment vivant pour lui, pour les autres, toujours il faut qu'un feu intérieur embrase et dévore son âme pour que s'extériorise sa personnalité." - Stefan Zweig
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Stefan Zweig. Né en 1759, élève des Oratoriens de Nantes puis professeur à Arras où il rencontre Carnot et Robespierre, Joseph Fouché est élu député à la Convention aavant de réprimer férocement l'insurrection de Lyon en 1793. Accusé de zèle terroriste par Robespierre, il rallie ses opposants. Nommé ministre de la Police en 1799, il participe activement au coup d'Etat de Bonaparte et conserve son portefeuille sous le Consulat. Se distinguant par son cynisme et ses abus de pouvoirs, incontournable depuis l'affaire de la "machine infernale", il demeure ministre durant l'Empire. Ayant mis au point des méthodes d'investigation redoutables, maître absolu dans le domaine des renseignements et des tractations souterraines, il obtient en 1809 le ministère de l'Intérieur, tout en conservant la Police. Mais en raison de sa trop grande puissance occulte, Napoléon se ravise et lui supprime ses fonctions ministérielles tout en le faisant duc d'Otrante. Très surveillé, puis exilé à la Restauration malgré ses manoeuvres, il meurt à Trieste en 1820.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Stefan Zweig. "Érasme, Grandeur et décadence d'une idée" est d'abord une biographie historique du plus célèbre des humanistes de la République des Lettres, que Stefan Zweig suit depuis sa jeunesse jusqu'à sa mort. Mais plus que le récit linéaire d'une vie, ce qui l'intéresse, c'est de mettre en lumière les idées, la mission d'Érasme, ce qu'il appelle son "legs spirituel": un idéal de tolérance qui s'oppose au fanatisme sous toutes ses formes, religieux, national ou philosophique. A travers Érasme, c'est la Renaissance qu'il évoque, et aussi la Réforme, formidables bouleversements dans l'histoire des idées. Mais surtout, en 1935, quand ce livre sort en français, Stefan Zweig vit en exil à Londres, et il voit se profiler sur son pays, l'Autriche, puis sur toute l'Europe, la menace du cataclysme qui, déclenché par Hitler, ne va pas tarder à s'abattre. Sa méditation sur l'humanisme d'Érasme vaincu par le fanatisme de Luther prend alors toute sa force et sa dimension tragique. Achevant son livre, l'écrivain, voulant une dernière fois croire en la raison et en la justice, écrivait: "Ils seront toujours nécessaires ceux qui indiquent aux peuples ce qui les rapproche par-delà ce qui les divise et qui renouvellent dans le coeur des hommes la croyance en une plus haute humanité."
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Stefan Zweig. Au XVIe siècle, le pasteur et théologien Jean Calvin, instaurateur de la Réforme protestante, établit son pouvoir sur Genève. Il met en place un régime quasi théocratique qui soumet l'État à la volonté toute puissante de la nouvelle Église et les citoyens genevois à de sévères règles d'austérité. Le penseur humaniste Michel Servet, qui s'oppose à Calvin, est arbitrairement condamné à mort et brûlé vif en place publique. Un autre théologien protestant, Sébastien Castellion, partisan de la tolérance, tente alors de faire valoir les idées non-violentes de Servet et entre en conflit avec Calvin. "Conscience contre Violence" met en scène l'affrontement entre Castellion et Calvin. Tolérance contre intégrisme, modération contre dogmatisme, individu contre communauté, humanisme contre fanatisme, liberté de conscience contre inquisition religieuse, l'essai de Stefan Zweig nous fait vivre une lutte féroce qui déborde de beaucoup la simple querelle théologique et le cadre historique de la Réforme protestante. Écrit dans les années '30, pendant la montée du nazisme en Allemagne, prônant la liberté de l'individu contre la force aveugle du pouvoir, l'ouvrage attaque bien évidemment le fascisme et toutes les formes de totalitarisme.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Stefan Zweig. Le jour de ses 41 ans, l'écrivain viennois R*** reçoit une lettre d'une inconnue, adressée "A toi qui ne m'a jamais connue". Dans cette longue lettre, une femme raconte sa vie qui a toute entière été consacrée à l'amour qu'elle lui porte. Elle raconte qu'à l'âge de treize ans elle le croise dans leur immeuble et en tombe immédiatement amoureuse: "Je connais aujourd'hui encore exactement, mon bien-aimé, le jour et l'heure où je m'attachai à toi entièrement et pour toujours." Quelques années plus tard, une très brève relation charnelle les réunit pendant trois nuits, sans que ce séducteur frivole lui accorde aucune attention. Puis il part en voyage. La famille de la jeune femme déménage. Elle donne naissance à son enfant sans l'en informer. Pour élever seule son fils, elle se fait entretenir par de riches hommes de la haute société viennoise en échange de faveurs sexuelles. L'intense amour secret qu'elle éprouve pour R*** perdure au fil des années. Elle le retrouve un jour dans une boîte de nuit, simple client à la recherche d'une prostituée. Elle couche avec lui en espérant être reconnue. Mais il l'a totalement oubliée et ne remarque pas plus qu'avant son existence. C'est à la mort de leur enfant, alors qu'elle-même est sur le point de mourir, qu'elle écrit cette longue lettre, sans reproche, sans ressentiment, simplement pour avouer enfin son infinie et absolue passion amoureuse à celui qui n'a jamais su la voir.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Stefan Zweig. Extrait: "Un jeune neurologue étudie l'explication de l'hystérie. Plus rapidement qu'il ne le croit, ce problème lui découvre ses abîmes. Mais là, dans ces profondeurs, un nouveau problème se présente à lui: l'inconscient. Il l'examine et il se trouve que c'est un miroir magique. Quel que soit l'objet spirituel sur lequel il projette sa lumière, il lui donne un sens nouveau. Ainsi armé d'un don d'interprétation sans égal, mystérieusement guidé par une mission intérieure, Freud avance d'une révélation à une autre, d'une vue spirituelle à une nouvelle, plus vaste et plus élevée, et toutes ces découvertes s'enchaînent naturellement pour former un tableau d'ensemble du monde psychique." - Stefan Zweig.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Stefan Zweig. À Vienne, dans les années 20, un homme se réfugie dans un café pour échapper à une averse. Pris d'une impression de déjà-vu, il réalise que bien des années auparavant, alors qu'il effectuait des recherches sur le mesmérisme, il avait fait ici même la connaissance d'un vieux bouquiniste juif russe, Jacob Mendel, qui passait sa vie plongé dans les livres et les catalogues bibliographiques. Véritable encyclopédie vivante, le viel homme connaissait par coeur le titre, l'auteur, les différentes éditions et les prix de tous les livres publiés. Cherchant à savoir ce qu'était devenu Mendel, il apprend que la police l'a arrêté pendant la guerre en raison de ses origines et qu'il a été enfermé pendant deux ans dans un camp de concentration. À son retour, il avait perdu sa prodigieuse mémoire et était revenu mourir dans ce café où il avait passé trente-cinq ans à cataloguer des livres. Pour l'auteur, "les livres sont faits pour unir les hommes par-delà la mort et nous défendre contre l'ennemi le plus implacable de toute vie, l'oubli".
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Stefan Zweig. "Bien qu'ils aient été écrits dans une période qui s'étend sur dix ans, ce n'est pas le hasard qui réunit en un seul volume ces trois essais, consacrés à Balzac, Dickens et Dostoïevski. Un projet unitaire vise à montrer les trois grands et, à mon sens, les seuls romanciers du XIXe siècle comme des "types" qui, précisément à cause des contrastes entre leurs personnages, se complètent et, peut-être, élèvent le concept de romancier, de créateur épique d'un monde au niveau d'une forme distincte. [...] Le romancier, au sens le plus noble, le plus élevé du terme, ne peut être que le génie encyclopédique, l'artiste universel qui bâtit tout un cosmos et installe, à côté du monde terrestre, son propre univers, avec ses types humains spécifiques, ses lois de gravitation, son firmament. Qui imprègne de son être chaque personnage, chaque événement, au point qu'ils ne deviennent pas seulement typiques pour lui mais qu'ils ont, pour nous aussi, une telle puissance d'évocation que nous sommes souvent tentés de qualifier en fonction d'eux des événements et des gens - à propos de personnes réelles nous dirons: une figure balzacienne, un personnage à la Dickens, une nature dostoïevskienne. Chacun de ces artistes façonne une "loi de la vie", une conception de la vie à travers la multitude de ses personnages, dans une perspective si unitaire qu'il est en fait à l'origine d'une nouvelle forme du monde. Montrer cette loi secrète, cette genèse des personnages dans son unité cachée, c'est ce que j'ai tenté de faire dans mon livre, qui pourrait porter comme sous-titre: Psychologie du romancier." - Stefan Zweig.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Stefan Zweig. "La santé, pour l'homme, est une chose naturelle. La maladie, au contraire, s'introduit subitement en lui comme une étrangère, se rue à l'improviste sur l'âme effrayée et agite en elle une foule de questions. Car puisque cet ennemi inquiétant vient du dehors, qui l'a envoyé ? Se maintiendra-t-il, se retirera-t-il ? Peut-on le conjurer, l'implorer ou le maîtriser? (...) Ce livre ne prétend aucunement être l'histoire systématique de toutes les méthodes de guérison psychique. Il nous est seulement donné d'exposer ici comment une pensée se développe chez un individu, comment elle le dépasse et prend son essor dans le monde. (...) Nous nous sommes contenté de choisir trois personnalités qui, chacune par une voie différente, et même opposée, ont pratiquement réalisé sur des centaines de milliers d'êtres humains le principe de la guérison par l'esprit : F. A. Mesmer par la suggestion et le renforcement de la volonté de guérir, Mary Baker-Eddy par l'extase de la foi, Sigmund Freud par la connaissance de soi et l'élimination des conflits psychiques inconscients." - Stefan Zweig
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Stefan Zweig. Cet ouvrage est à la fois une contrepartie et un complément. "Le Combat avec le démon" montrait en Hlderlin, Kleist et Nietzsche trois variantes d'une nature tragique, agitée par une puissance démoniaque, qui, faisant aussi bien abstraction d'elle-même que du monde réel, s'attaque à l'infini. "Les trois maîtres", Balzac, Dickens et Dostoïevski, représentaient des types de constructeurs épiques de l'univers, qui, dans le "cosmos" de leurs romans, juxtaposent une seconde réalité à celle existante. La route que suivent ici les "Trois poètes de leur vie" ne conduit pas comme chez les précédents dans le monde réel ou dans l'infini, mais elle les ramène simplement à eux-mêmes. Ils sentent instinctivement que la mission essentielle de leur art n'est pas de dépeindre le macrocosme, la plénitude de la vie, mais de dérouler devant le monde le microcosme de leur moi: aucune réalité n'est plus importante pour eux que celle de leur propre existence. Aussi, tandis que l'écrivain qui crée un monde, celui qui se tourne vers l'univers fond sa personnalité dans l'objectivité de ses représentations au point de la rendre invisible, celui qui sent subjectivement, dont les pensées sont dirigées vers son moi, y verra la fin de toute chose et sera avant tout le peintre de sa vie. Quelle que soit la forme qu'il choisisse, le drame, l'épopée, le poème lyrique ou l'autobiographie, inconsciemment, il fera toujours de son moi le médium et le centre de ses ouvrages. Avant tout il se représentera dans ses descriptions. Mettre en évidence ce type de l'artiste occupé de lui-même, et son genre artistique essentiel, l'autobiographie, voilà le but que nous nous sommes tracé dans la présente trilogie. Stefan Zweig.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Stefan Zweig. Biographie d'Honoré de Balzac. "C'est seulement à son oeuvre que l'on peut juger la vie réelle de Balzac. Celui qui parut un fou à ses contemporains fut en réalité l'intelligence artistique la plus disciplinée de l'époque; l'homme que l'on raillait comme le pire des prodigues fut un ascète avec la persévérance inflexible d'un anachorète, le plus grand travailleur de la littérature moderne. Le hâbleur dont ils se moquent, eux les gens normaux, bien équilibrés, parce qu'il jette de la poudre aux yeux et fait le malin en public, a, en réalité, fait surgir de son cerveau plus de choses que tous ses confrères parisiens pris ensemble; c'est le seul homme peut-être dont on peut dire sans exagération qu'il s'est tué au travail. Jamais le calendrier de Balzac n'a été d'accord avec celui de son temps: quand pour les autres c'était le jour c'était pour lui la nuit, quand c'était la nuit pour les autres c'était le jour pour lui. Son existence ne se déroule pas dans le monde vulgaire, mais dans le sien propre, celui qu'il a créé; le vrai Balzac, seuls les quatre murs de sa cellule de travail l'ont connu, observé et étudié. Aucun contemporain ne pouvait écrire sa biographie, ses oeuvres l'ont écrite pour lui." - Stefan Zweig.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Stefan Zweig. Recueil de trois essais sur Hlderlin, Kleist et Nietzsche. Une similaire et tragique destinée rapproche ces trois grands génies créateurs. Friedrich Hlderlin, dans une haute conception de la poésie, refusa de transiger avec la vie pratique et s'éteignit dans la misère et la folie. Henrich von Kleist ne put mettre que par le suicide un terme à l'antagonisme qui existait entre les impulsions de sa nature et les impératifs de de son rationalisme. Friedrich Nietzsche, le "philosophe au marteau", solitaire et incompris, sombra également dans la folie. Usant d'une autre méthode que dans "Trois maîtres" (Balzac, Dickens, Dostoievski), mais comme il l'a déjà fait dans "Trois poètes de leur vie" (Stendhal, Casanova, Tolstoï), Stefan Zweig qui fut l'un des tenants de la biographie psychanalytique donne ici une interprétation riche en images de ces trois hautes figures de l'esprit luttant avec leur démon intérieur.