Pourquoi le FN, qui stigmatise les populations maghrébines en France, prend-il la défense de l'Irak contre la coalition alliée en 1991 puis en 2003 ? Pour quelles raisons ce parti, qui faisait de R. Reagan un modèle dans les années 1980, développe-t-il à présent un antiaméricanisme forcené ainsi qu'un discours à consonance anticapitaliste ? Que signifie la prise de distance avec le colonialisme, sachant que le FN a été créé par d'anciens partisans de l'Algérie française ? Autant d'éléments portés par la jeune génération FN dans les années 1990 et qui ont bouleversé l'idéologie lepéniste.
La recherche historique montre que l'extrême droite n'a pas été systématiquement rétive au savoir rationnel et savant sur la société. Cet ouvrage propose de contribuer à une histoire des usages des sciences sociales par l'extrême droite en éclairant différents moments de ces rencontres bien souvent problématiques pour la communauté académique. L'usage des sciences sociales par l'extrême droite a-t-il contribué aux renouvellements idéologiques de cette mouvance politique ?
Depuis que Marine Le Pen a été élue à sa présidence en 2011, jamais le Front national n'a réalisé de tels scores électoraux, attiré tant de militants, compté tant d'élus. A-t-il changé pour autant ? Fondamentalement, non. Le « nouveau » FN est une illusion, entretenue par des médias qu'il fascine. Telle est la conclusion de la minutieuse enquête menée par les auteurs de ce livre, qui comparent l'électorat, les militants, les réseaux, les programmes et la rhétorique du père et de la fille.Si la nouvelle présidente a infléchi son discours, notamment sur l'antisémitisme, si son programme inclut des éléments empruntés à la gauche (questions économiques, laïcité, moeurs), son fonds de commerce principal reste l'immigration. Elle gagne des voix dans des catégories jusqu'ici réticentes (femmes, juifs...), mais les grands traits de l'électorat frontiste et son implantation géographique n'ont pas varié. Le FN reste un parti « anti-système », tant par les valeurs inégalitaires qu'il défend que par son refus du pluralisme. Un positionnement qui explique en partie son succès, tout en le condamnant, pour l'heure, à l'isolement politique.La normalisation du FN est donc loin d'être achevée, malgré la stratégie de « dédiabolisation » affichée. Il n'est toujours pas un parti « comme les autres », pas plus qu'il n'est encore « le premier parti de France » ou « aux portes du pouvoir ».