Croisant leurs regards sur la question des Ancêtres, des psychanalystes et des anthropologues ont choisi de mener une réflexion commune autour de la transmission, de la filiation, de l'ancestralité et des processus d'ancestralisation.
Représentant d'une histoire individuelle, l'Ancêtre s'inscrit aussi dans une histoire collective, en tant que repère dans la filiation et contenant de la différence des générations. Point d'ancrage des processus d'identification, ni ombre, ni fantôme, l'Ancêtre se distingue du mort. Mort revitalisé , il signe la capacité du sujet à investir sa propre histoire, à se l'approprier et à la partager. Loin d'être neutre et uniforme, l'ancestralité est une notion qui, de par les différences entre les sociétés, ouvre à une diversification des représentations, des croyances et des rituels. Idéal ou force de vie, relique ou fabriqué, l'Ancêtre ne peut se résumer à la question des origines et n'est pas seulement un héritage : il est le maillon d'un système dans lequel s'inscrit l'humain, il est ce nouveau issu d'un processus d'ancestralisation.
Les anthropologues sont-ils seuls à mettre en cause l'opposition classique du masque, comme fausse identité, et du visage nu, comme reflet d'une intériorité qui s'offre au regard d'autrui ? Le dispositif de la cure psychanalytique, sa manière d'absenter les visages en face-à-face et, du coup, de brouiller les identités, ne la questionne-t-il pas aussi ? Pour les anthropologues, la fonction du masque, qui rend matériellement présente une entité normalement invisible, interroge le système des identifications et des différenciations. Dans la psychanalyse, cette capacité de médiation revient à Eros qui, à la différence de Narcisse, ne se fige pas dans sa propre contemplation mais invente les masques afin d'animer le théâtre intérieur et d'accepter la rencontre avec l'autre. Masque-déformation ? Masque-transformation ? Quel pouvoir conférer à ce qui peut faire passer du visage à l'identité ?
La psychanalyse, dès lors qu'elle s'est construite, d'abord à partir de la compréhension du symptôme hystérique, puis à travers l'interprétation de rêves, sur l'étude du conflit entre le désir inconscient et l'interdit, ne pouvait que rencontrer la question de la limite et de la transgression. Mais elle ne pouvait pas ne pas la rencontrer aussi au coeur même de son exercice : le transfert, rappelle J.-B. Pontalis, est un « agir », le transfert est une passion, au point que, comme Freud l'a souligné dans ses Observations sur l'amour de transfert, « la scène a entièrement changé, tout se passe comme si quelque comédie eût été soudainement interrompue par un événement réel, par exemple comme lorsque le feu éclate pendant une représentation théâtrale ».L'idée de transgression n'est toutefois pas à proprement parler un concept psychanalytique, puisqu'elle concerne la normalité et la normativité sociale ; elle n'intéresse la psychanalyse que dans la mesure où la différenciation du psychisme en instances donne à l'interdit un statut psychique, interne, lié au développement du Surmoi. La transgression ainsi comprise concerne toutes les dimensions de la vie humaine : création, sublimation, sexualité, que le sujet soit pris isolément ou dans le réseau de ses appartenances groupales et institutionnelles.