Édition présentée et annotée par Jean-Pierre Guicciardi.
Le duc de Lauzun naît le 13 avril 1747, dans une famille aristocrate, appréciée de la maîtresse du roi Louis XV, la célèbre Mme de Pompadour. Proche de la Cour, il est bercé par des rêves de réussite et de gloire. Sa vie est une succession de voyages, de conquêtes amoureuses et de dépenses ostentatoires... À travers cette frénésie d'aventures, Lauzun recherche avant tout la reconnaissance sociale - dans cette moitié du XVIIIe siècle où la simple naissance ne suffit plus. Pourtant, celle-ci n'arrive pas, car il collectionne les échecs : il ne parvient pas à conquérir la Corse, n'obtient pas la confiance du roi de Pologne, ne suscite pas l'intérêt des ministres français pour ses missions d'espionnage, et ne reçoit pas les louanges de la Cour pour ses quelques faits d'armes. À trente-sept ans, le duc de Lauzun entreprend l'écriture de ses Mémoires, comme pour donner un ultime sens à sa vie, aussi intense que brève. La Révolution mettra en effet fin à sa quête puisqu'il sera exécuté le 31 décembre 1793.
Portrait d'un cavalier hors-pair, d'un séducteur légendaire et d'un diplomate ambitieux, ces Mémoires dépeignent un être aux multiples facettes, fragile et vulnérable, à la recherche perpétuelle du bonheur.
Édition établie et présentée par Philippe Artières
Victor Schoelcher est célèbre pour avoir été le principal artisan de l'abolition de l'esclavage en France en 1848. Pour mener ce combat, on sait moins qu'avant cette date, alors que c'était encore un inconnu, il effectua une série de voyages d'études à travers le monde. Sa grande enquête commence aux États-Unis, au prétexte d'un voyage commercial puis, dès 1840, ce sont les Antilles qui entrent dans sa ligne de mire, la Caraïbe française et enfin Haïti. À chaque fois, il se pose la même question : qu'est-ce que l'esclavage ? Le voyageur achève son périple en 1847 au Sénégal. Entre ces lieux identifiés du commerce triangulaire, Schoelcher se rend dans cet ailleurs que constitue l'Orient et singulièrement l'Égypte.
En 1844, il s'embarque pour découvrir l'Égypte sociale et politique. Sillonnant le pays, il livre dans cet étonnant journal de voyage une série d'observations pour caractériser les formes de l'esclavage de ce côté du monde, mais aussi produire une véritable ethnographie des populations qu'il rencontre. Il dresse ainsi le tableau inédit d'un pays à la fois couvert de lieux archéologiques et habité par une société complexe dont il tente de comprendre les rouages.
En août 1914, lorsqu'il est mobilisé, Louis Pergaud est un auteur reconnu. Il a déjà publié au Mercure de France De Goupil à Margot (prix Goncourt en 1910), La Guerre des boutons (1912) et Le roman de Miraut (1913). Il entretient aussi depuis longtemps une abondante correspondance.
Avec la mobilisation, les lettres sont désormais envoyées du front, des tranchées ou des postes de repos quelques kilomètres en arrière. Pergaud écrit beaucoup, tous les jours, à quelques amis et membres de sa famille mais surtout à Delphine, son épouse. Les mots qu'il lui adresse sont empreints d'une grande sensualité : le désir et le manque s'y lisent à chaque ligne.
À celle qu'il appelle affectueusement "ma petite gosse chérie", Pergaud raconte la réalité de cette guerre, dit crûment le froid, la faim, la vermine. Sans rien lui cacher des problèmes de la vie quotidienne, qu'il continue ainsi de partager avec elle par le pouvoir de l'écriture épistolaire, il veille cependant toujours à rassurer celle qui s'inquiète à l'arrière...
La correspondance de Pergaud est un document historique et littéraire exceptionnel duquel émerge Delphine, figure lumineuse, belle et vaillante.
Au lendemain de la bataille de Waterloo (18 juin 1815), l'écrivain écossais Walter Scott et trois de ses amis embarquèrent pour le Continent afin de prendre la mesure du 'théâtre du plus grand événement de nos temps modernes'.
Outre le poème Le Champ de Waterloo, Scott livra ses impressions de voyage dans une série de seize lettres adressées par son double fictionnel, Paul, un gentilhomme écossais, à différents membres de son entourage, sélectionnant les sujets en fonction de ses destinataires.
Dans ces Lettres de Paul parues dès 1816, Scott privilégie une forme de récit qui donne une immédiateté étonnante à ses observations très détaillées tant sur les contrées traversées que sur les événements militaires et politiques de l'été 1815. Ses contacts avec des témoins directs, la véracité objective de son matériau narratif, comme sa capacité d'analyse donnent à son récit une richesse d'informations et une profondeur d'interprétation remarquables.
Au moment du bicentenaire de la bataille, ce témoignage
qui n'a rien perdu de sa puissance évocatrice relève de ce que l'on appellerait aujourd'hui l'histoire immédiate. Il procure à son public un fort sentiment d'immersion dans une période fascinante dont on peut devenir, le temps d'une lecture, le contemporain.
Ancien esclave né en 1743 dans une plantation de l'île de Saint-Domingue (Haïti), Toussaint-Louverture prend la tête de la révolte des esclaves contre les colons blancs en 1791, soutenu par les Espagnols, mettant ainsi la plus riche des colonies françaises à feu et à sang.
Trois ans plus tard, Toussaint se rallie à la République Française qui vient d'abolir l'esclavage et devient ainsi le premier général noir de l'armée française. Ses succès militaires et son sens politique lui permettent de devenir le gouverneur incontesté de la colonie de Saint-Domingue.
Mais l'arrivée au pouvoir du premier Consul Bonaparte et le rétablissement de l'esclavage conduisent Toussaint-Louverture à reprendre les armes. En 1802, il capitule face à l'armée du général Leclerc. Capturé, Toussaint est aussitôt transféré en France et enfermé au château de Joux (Doubs). C'est là qu'il rédige ses Mémoires : il sait que ses jours sont comptés, qu'il lui faut préparer sa défense pour un hypothétique procès. Son texte doit donc être bref, précis, saillant.
Dans cette cellule, loin d'Haïti, sous l'oeil du général Caffarelli qui, missionné par Napoléon, note ses faits et gestes dans son Journal, Toussaint écrit ce qu'il veut que l'Histoire retienne de son combat.