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maïté snauwaert
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Toute histoire de deuil est une histoire d'amour
Maïté Snauwaert
- Editions Boréal
- 29 August 2023
- 9782764647752
Quelle que soit la relégation sociale du deuil dans les sociétés post-industrielles, le déclin des religions et la perte des rituels afférents, des voix d'écrivains se fraient un chemin pour faire entendre leur épreuve, celle radicale, sans appel et sans préparation, de la perte de l'être aimé. Par leurs textes brusques et novateurs, leur rythmique implacable et leurs contours brisés, ils montrent qu'il leur faut d'urgence témoigner, et inventer des formes pour le faire. Rompant avec la tradition littéraire qui a depuis l'Antiquité confié le deuil à la poésie, ils refusent l'élégie et son lyrisme consolateur, le poème évanescent, pour lui préférer la confrontation directe avec le corps mort, l'enregistrement des minutes suivant le décès, l'autopsie du chagrin. Ils empruntent un tour presque clinique, font concurrence à la mort, à son régime de factualité féroce. Ils refusent qu'elle ait le dernier mot, et plus encore, que la perte des proches s'enfonce dans un silence sans fin, troublé par aucun écho.
Depuis ces balbutiements de lectrice, les miens, ces premières rencontres singulières et bouleversantes, ces textes n'ont cessé de se multiplier et de se renforcer mutuellement, créant une étrange cohorte, une procession d'endeuillés : un corpus au plus beau sens du terme.
M.S.
Maïté Snauwaert regroupe des voix d'hommes et de femmes de lettres qui - dans le sillage du Journal de deuil de Barthes - ont choisi de faire entendre le choc brutal de la perte d'un être aimé. Joan Didion, Bernard Chambaz, Julian Barnes, Philippe Forest, d'autres qui, tous, se refusent à la vieille élégie consolatrice pour une confrontation brusque avec ce moment de la mort, ses minutes et l'après ; le deuil, étape ultime de l'amour, son dernier âge. -
Études françaises. Volume 46, numéro 1, 2010
Maïté Snauwaert, Anne Caumartin, Philippe Forest, Michel Biron, Robert Dion, Frances Fortier, Isabelle Daunais, Y
- Les Presses de l'Université de Montréal
- 6 March 2020
- 9782760641365
De Walter Benjamin à Thomas Pavel, le roman est considéré comme le lieu et le moyen par lesquels l'être humain résout ou du moins expérimente ce qu'on pourrait appeler le « problème de vivre ». L'orientation de l'éthique vers la notion de vie humaine au cours des dernières années suscite d'ailleurs un intérêt accru de la philosophie morale pour la littérature. Au même moment, la question de la valeur est débattue dans le champ des sciences humaines. La littérature elle-même en vient à représenter une valeur, valeur du présent et valeur de pérennité, au sein d'un processus qui institue le « contemporain » en objet d'étude. L'intérêt pour les vies vécues et les modèles d'expérience se densifie, au point qu'une valeur exemplaire est recherchée dans la littérature par les écrivains comme par les lecteurs. Un rapport à l'histoire et à la responsabilité des générations vis-à-vis de leur mémoire et de leur futur est ainsi convoqué, à travers lequel se déploie une pensée de l'historicité, à savoir de la force des oeuvres - qu'elles soient actuelles ou anciennes - pour dire notre présent.
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Revue Liberté 307 - Dossier - La moitié du monde
Maïté Snauwaert, Annelyne Roussel, Catherine Mavrikakis, Mélanie Loisel, Martine Delvaux, Marie-Andree Bergeron, Ann
- Collectif Liberté
- 24 February 2015
- 9782924414033
Des suffragettes aux féministes actuelles, chaque décennie a porté ses revendications, mais a aussi vu une pensée naître, un mouvement s'articuler et une parole être prise. Le féminisme s'emploie à lire le monde autrement. En ce début de vingt et unième siècle, nous avons voulu explorer ce que, spécifiquement, il permet de déchiffrer de la situation contemporaine. Que nous donne-t-il à voir qu'aucune autre lecture n'éclaire?
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Spirale. No. 255, Hiver 2016
Georges Leroux, Antonio Dominguez Leiva, Maite Snauwaert, Ginette Michaud, Simon Brousseau, Sophie Menard, Marc-Alexandr
- Spirale magazine culturel inc.
- Spirale
- 12 April 2016
- 9782924359129
Le jeune penseur québécois Pierre-Alexandre Fradet et l'écrivain français Tristan Garcia nous introduisent, avec ce dossier, dans la pensée du monde sans sujet, sans humain du « réalisme spéculatif ». Plus qu'un mouvement embryonnaire, ce mouvement dépasse aujourd'hui les frontières de la philosophie et s'exprime dans les domaines les plus variés: la politique, l'art, l'écologie, l'informatique. On évoque ici les noms de ses fondateurs Quentin Meillassoux, Graham Harman, Ray Brassier et Iain Hamilton Grant, mais aussi celui Bruno Latour, dont l'Actor-Neork Theory. Ce dossier inclut un article essentiel d'Érik Bordeleau sur la fulgurante mise en scène «hyperstitionnelle» qui a bouleversé l'imaginaire de la pensée spéculative contemporaine: Cyclonopedia du philosophe iranien, Reza Negarestani.
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Revue Liberté 307 - La moitié du monde
Maïté Snauwaert, Annelyne Roussel, Catherine Mavrikakis, Mélanie Loisel, Martine Delvaux, Marie-Andree Bergeron, Ann
- Collectif Liberté
- Liberté
- 24 February 2015
- 9782924414026
Des suffragettes aux féministes actuelles, chaque décennie a porté ses revendications, mais a aussi vu une pensée naître, un mouvement s'articuler et une parole être prise. Le féminisme s'emploie à lire le monde autrement. En ce début de vingt et unième siècle, nous avons voulu explorer ce que, spécifiquement, il permet de déchiffrer de la situation contemporaine. Que nous donne-t-il à voir qu'aucune autre lecture n'éclaire?
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Revue Liberté 318 - Encombrement médiatique
Rosalie Lavoie, Jean Pichette, Rabea N''Dehe, Maxime Ouellet, Vanessa Molina, Maïté Snauwaert, Alex Noel, Marwan Andal
- Collectif Liberté
- 21 November 2017
- 9782924414347
Chaque jour, des torrents de nouvelles nous tombent dessus. Chaque minute, des trombes de données saturent notre environnement. On parlait beaucoup des pluies acides dans les années 1980... les informations qui pleuvent désormais en temps réel (mais qu'est-ce alors que le temps irréel ?) ont un pouvoir dissolvant infiniment plus grand. L'émiettement de la réalité, sa réduction en lambeaux de toutes sortes, a fini par nous faire croire qu'en traquant les moindres recoins du réel, en le serrant jusque dans ses manifestations les plus anodines, nous pourrions enfin nous approcher de sa vérité. En manque perpétuel de « nouvelles », nous empilons pêle-mêle les pièces détachées d'une actualité toujours dépassée, grisés par un meurtre sordide, une défaite du CH, une baisse du taux de chômage, la naissance d'un bébé à deux têtes, un ouragan, un autre remède miracle (toujours en phase de développement, c'est bon pour les actions en bourses), un attentat terroriste à Madrid, le possible retour des Expos à Montréal, un accident de voiture, le premier bébé de l'année (en santé, celui-là), le dernier Tweet de Trump, la mort d'une rock star, la hausse infinitésimale du salaire minimum, le nouveau disque de Céline Dion, un vol dans une succursale de la Banque de Montréal (qui n'a heureusement pas fait de victimes), une autre étude confirmant les changements climatiques, le dépôt d'un projet de loi sur la refonte de l'aide sociale, le sauvetage de 43 Syriens rattrapés par une tempête sur une embarcation de fortune, une croissance plus forte que prévue, une autre hausse de la rémunération des médecins spécialistes, la sortie du iPhone 12, une autobiographie de Woody Allen, une autre défaite du CH, un autoportrait de Justin Trudeau avec une admiratrice, des prévisions de neige pour la fin de semaine, une vente de fermeture chez Sears, des tatouages sur le torse de Justin Bieber...
Tout est là, tout le temps. On se tient au courant. Il faut être de son temps. Il faut être informé. La vitalité de notre démocratie en dépend. Après tout, l'espace public de débat et la liberté d'expression ont été conquis de haute lutte. Un legs des Lumières toujours menacé qu'il nous faut veiller à préserver.
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Georg Christoph Lichtenberg connaît bien les Lumières. Il en est un enfant. Jusqu'à sa mort, en 1799, il ne cessera de jeter ses pensées dans des cahiers qui en accueilleront finalement environ 8000. Dans le cahier D, à la 474e entrée, il écrit : « Efforce-toi de ne pas être de ton temps ». Nous sommes quelque part entre 1773 et 1775. Les Lumières ont suffisamment éclairé le monde pour qu'un esprit comme le sien ait compris que la raison n'épuise pas la réalité. Ce qui n'empêche pas cet écrivain, qui est aussi le dix-septième enfant d'un pasteur allemand, d'être passionné de physique, de mathématiques, de sciences naturelles.
« Efforce-toi de ne pas être de ton temps. » Il ne faut pas l'être pour exhumer aujourd'hui un tel aphorisme. Mais peut-on l'être vraiment à une époque qui tue le temps ? Un siècle (moins des poussières) après cet appel de Lichtenberg, Nietzsche décrivait le journaliste comme le « maître de l'instant ». Formule qui témoigne encore une fois de l'acuité de son regard prophétique. S'il n'a évidemment jamais vu la grand-messe quotidienne de l'info télévisée à laquelle tous communiaient hier encore, Nietzsche saisit déjà, en 1872, qu'un tremblement de terre est en train de ruiner un rapport au temps jusque-là incapable à ses yeux de saisir le présent. Mais la destruction des idoles est depuis passée par là : nous sommes sortis des vérités campées dans l'éternité. Nous sommes de plain-pied dans l'actualité, dans un présentisme, comme le disent certains historiens, qui bousculent tout ce qu'on pouvait penser de la réalité. Qui, plus fondamentalement, remet peut-être en cause l'idée qu'il soit même possible de penser le monde dans lequel nous vivons.
Les médias sont en crise. Une crise économique, entend-on le plus souvent, d'abord liée à un modèle d'affaires périmé. Quand les revenus publicitaires se retrouvent massivement dans les filets de quelques gigantesques prédateurs des réseaux sociaux, il n'en reste plus beaucoup pour les médias « traditionnels », au premier chef la presse écrite. Cela apparaît difficilement contestable, en effet. Mais à trop regarder la crise par ce bout de la lorgnette, on manque peut-être l'essentiel. Et si les « maîtres de l'instant » étaient, en partie du moins, les artisans de leur propre malheur ? À les en croire, l'information ne circule jamais assez vite ; aussi le virage numérique apparaît-il comme une bouée de sauvetage, précisément parce qu'il permet de rejoindre partout et rapidement ceux et celles qui veulent être informés. Les médias nourrissent ainsi une dynamique d'immédiateté qui, comme l'indique bien le terme, valorise ce qui est ou se rapproche de l'immédiat. Des médias contre la médiation, en somme, qui scient la branche sur laquelle ils se sont construits.
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À force de penser les médias comme simple lieu de circulation de l'information, on finit par oublier qu'ils sont le fruit historique de la création d'un espace public de débat porté par un idéal, soit permettre à la société de se prendre en main, en quelque sorte, d'assumer qu'elle est le fruit de son propre travail. Les Lumières ont un sens parce qu'elles permettent d'éclairer un parcours qui n'est jamais donné d'avance, certes, mais qui peut se tracer en dégageant un horizon qui est d'abord un horizon de pensée. Cela signifie qu'on évalue, qu'on interroge, qu'on critique, qu'on sous-pèse, qu'on défriche un espace à la fois physique et mental. Simple reconnaissance du fait que la réalité humaine n'est pas de l'ordre du fait, de l'objectivité, mais de la pratique, qui suppose toujours déjà une présence, un sujet, une subjectivité à l'oeuvre dans le monde.
Les médias, ou les médias dits « sérieux », outrés, à juste titre, par les « faits alternatifs » et autres bêtises trumpiennes, réaffirment qu'ils ont un rôle essentiel à jouer en démocratie et qu'ils entendent bien s'y tenir. Fort bien. Mais pourquoi ressortir le vieux disque usé du professionnalisme qui passerait par l'objectivité et la vérification des faits, comme si c'était là l'alpha et l'oméga d'une pratique, osons encore une fois le rappeler, qui s'est construite comme un idéalisme en acte, dans le dessein de transformer le monde en contribuant à le penser plutôt qu'en s'inclinant servilement devant lui ?
Dans sa Critique de la raison cynique, Peter Sloterdijk rappelait, en 1983, que le mouvement des Lumières a introduit « un filtre contre l'inondation [...] de la conscience individuelle par une infinité d'informations d'un même niveau, équivalentes et indifférentes, venant des sources les plus diverses ». Plutôt que de se perdre dans les détails, il s'agissait de se donner les moyens de ressaisir par la pensée une histoire qui s'écrit. Mais ce rationalisme, dont Lichtenberg voyait déjà l'étroitesse dans sa prétention à la toute-puissance, a fini par reconduire ce qu'il combattait, comme on le constate aujourd'hui. Dans les médias, cela se traduit par le recyclage du projet de saisir la réalité dans une perspective synthétique, globale, afin d'en faire la sommation empirique d'une infinité de faits reliés par une conjonction prétendument neutre, le « et ». On parle de ceci et de cela, on saisit l'immédiat jusque dans ses moindres singularités, sans contexte, sans avant, sans après, chaque fait étant emmuré dans un silence qui est la condition de sa saisie « objective » depuis une position d'extériorité. Ce dispositif de mise à plat de la réalité, où tout devient indifférent et interchangeable (d'où le cynisme si prégnant dans le milieu journalistique) se croit du coup immunisé contre le péril idéologique. Curieux aveuglement. C'est en avalisant le fétichisme des faits et la réification d'un monde du coup vidé de toute ouverture sur l'histoire qu'on croit échapper à l'idéologie. Que cela signifie-t-il, concrètement ? Qu'on ne peut, par exemple, faire des liens entre la croissance, célébrée dans les pages économiques, et les désastres environnementaux, traités quelques pages plus loin. Comme l'écrit encore Sloterdijk, les médias « englobent tout parce qu'ils n'appréhendent rien ; ils parlent de tout, ne disent rien de rien ».
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La circulation vertigineuse de l'information, rendue possible par la révolution numérique, accentue bien sûr de façon exponentielle la production de faits qui s'empilent partout dans l'espace médiatique. De là à conclure qu'il s'agirait essentiellement d'un effet des seules technologies de l'information, il n'y a qu'un pas... qu'il faut pourtant éviter de franchir. Il suffit pour s'en convaincre d'examiner de plus près l'idée maîtresse, celle de l'objectivité, ayant présidé à la professionnalisation du journalisme dans le premier quart du XXe siècle.
Formulée de façon particulièrement nette chez Walter Lippmann, dans The Public Opinion, en 1922, l'idée d'objectivité a contribué à donner à la pratique journalistique ses lettres de noblesse. Aux yeux de Lippmann, la complexité de la société du XXe siècle rend obsolète l'idéal d'un citoyen « compétent », apte à participer aux débats publics. Selon lui, le journalisme fait désormais face à un problème touchant le statut même de la connaissance. Dans l'introduction de son livre, intitulée « The World outside and the Pictures in our Heads », Lippmann se demande comment faire le pont entre la réalité et la représentation qu'on s'en fait. La science lui apparaît comme la seule façon d'atteindre la vérité, parce qu'elle seule peut représenter la réalité de façon objective ; il fait donc de cet idéal d'objectivité le socle d'une professionnalisation du journalisme, qui se présente ainsi comme un projet de connaissance.
En s'appuyant sur le savoir développé par des « experts », le journalisme participe à une redéfinition fondamentale de l'idée d'espace public qui s'était développée au XVIIIe siècle. Aux errances et stéréotypes de l'opinion publique, qui voit les simples opinions primer sur la vérité, Lippmann oppose le savoir des experts, réputés aptes à saisir les problèmes sociopolitiques dans toute leur complexité et à offrir des solutions. Dans cette perspective, le journaliste devient un intermédiaire entre le savoir objectif produit par ces experts et une opinion publique à laquelle il lui incombe de transmettre ce savoir. La professionnalisation du journalisme apparaît donc indissociable de celle du politique, pris en charge par des experts chargés de gérer les problèmes sociaux. L'idée de démocratie s'en trouve ainsi bouleversée. Étant donné que le peuple est réputé incapable de se gouverner lui-même, il devient inutile de former l'opinion publique à travers le débat public. C'est sur ce terreau que pourra se développer l'idée d'une « fin des idéologies », l'information devant s'opposer, par définition, à l'idéologie.
Bien sûr, ce que Lippmann avait identifié comme un problème épistémologique comprend une tout autre dimension. Bien plus qu'un simple projet de connaissance, la professionnalisation du journalisme apparaît comme un projet politique, ou plutôt comme un projet de prise en charge techno-scientifique de la réalité sociale. En clair, loin de favoriser le débat public, politique, dans lequel les finalités mêmes du vivre-ensemble pourraient être discutées, la professionnalisation du journalisme va favoriser la dépolitisation de l'espace public, ou de ce qui en tient désormais lieu. En subordonnant le travail des journalistes à la parole des experts, Lippmann promeut en quelque sorte une privatisation de l'espace public. Le débat public cédant la place à la transmission d'informations, rien d'étonnant à ce que le simple citoyen se sente de moins en moins concerné par les « affaires publiques », devenues des affaires d'« experts ». Cette désaffection à l'égard de l'espace public s'accompagnera d'ailleurs en retour d'un intérêt croissant pour les affaires privées. La publicisation de l'espace privé fait ainsi écho à la privatisation de l'espace public, dans un mouvement d'ensemble qui tend à brouiller la frontière entre les deux.
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Cette transformation de l'espace public-privé modifie en profondeur le statut de la parole. En clair, un nouveau régime discursif se met en place, qui tend à renvoyer les mots et les choses dans deux ordres de réalité complètement disjoints. C'est dans cette logique que les faits, ou les actes, comme l'écrit Karl Kraus, féroce critique autrichien des médias, peuvent « prendre la parole » et même se substituer à elle. La parole ne disparaît pas pour autant, mais elle se trouve en quelque sorte frappée d'insignifiance, sans portée réelle sur le monde. Comme le dit encore Kraus, en 1915, notre monde devient un « immense dépotoir de phrases ». S'il voulait « déjournaliser la langue », c'était donc pour lui permettre de retrouver sa place dans le monde et sa capacité à informer la réalité, au sens fort du terme, c'est-à-dire lui donner une forme.
La suite des choses, depuis un siècle, allait cependant emprunter une voie tout à fait opposée. Étrangement, c'est dans un livre publié dès 1890 que le déclin de la parole journalistique, et l'empilement des faits qui allait en résulter, a peut-être été le mieux décrit. Concluons donc avec des extraits de ce livre de Gabriel Tarde, Les lois de l'imitation, dont on ne sait trop s'il faut saluer le caractère visionnaire ou déplorer la description clinique, « neutre » (journalistique ?), de ce qu'il pressentait.
[...] On a pu observer que certains journaux donnent quotidiennement des courbes graphiques qui expriment les variations des diverses valeurs de la Bourse et autres changements utiles à connaître. Reléguées à la quatrième page, ces courbes tendent à envahir les autres, et bientôt peut-être, dans l'avenir à coup sûr, elles prendront les places d'honneur, quand, saturées de déclamations et de polémiques comme les esprits très lettrés commencent à l'être de littérature, les populations ne rechercheront plus dans les journaux que des avertissements précis, froids et multipliés. Les feuilles publiques alors deviendront socialement ce que sont vitalement les organes des sens. Chaque bureau de rédaction ne sera plus qu'un confluent de divers bureaux de statistique, à peu près comme la rétine est un faisceau de nerfs spéciaux apportant chacun son impression caractéristique, ou comme le tympan est un faisceau de nerfs acoustiques [...] Dans les civilisations naissantes et inférieures, telles que la nôtre (car nos neveux nous jugeront de haut, comme nous jugeons nos frères inférieurs), les journaux ne fournissent pas seulement à leur lecteur des informations propres à exciter la pensée; ils pensent pour lui, décident pour lui, il est formé et conduit par eux mécaniquement. Le signe certain du progrès de la civilisation chez une classe de lecteurs, c'est la part moindre faite aux phrases et la plus grande part réservées aux faits, aux chiffres, aux renseignements brefs et sûrs, dans le journal qui s'adresse à cette classe. L'idéal du genre, ce serait un journal sans article politique et tout plein de courbes graphiques, d'entrefilets secs et d'adresses. -
Spirale. No. 247, Hiver 2014
Brigitte Haentjens, Rose Marie Arbour, Maite Snauwaert, Guylaine Massoutre, Martine Delvaux, Julien Lefort-Favreau, Juli
- Spirale magazine culturel inc.
- Spirale
- 21 February 2014
- 9782924359044
DOSSIER - Féministes ? Féministes !
sous la direction de Martine Delvaux
Peut-on être féministe aujourd'hui ? De quelle façon peut-on endosser, agir, interroger cette prise de position ? Quels sont les enjeux qui sous-tendent à la fois sa remise en question et son assertion ? Devant la re-montée des féminismes militants ici et ailleurs, le dossier «Féministes ? Féministes !», sous la direction de Martine Delvaux, souhaite figurer le passage de l'interrogation - peut-on, doit-on encore être féministe aujourd'hui ? -, à l'affirmation de cet engagement en tant que citoyennes, artistes et intellectuelles...
PORTFOLIO - Rose-Marie E. Goulet -
Spirale. No. 249, Été 2014
Brigitte Haentjens, Gilles Lapointe, Alice Michaud-Lapointe, Gilbert David, Daniel Laforest, Maite Snauwaert, Bertrand R
- Spirale magazine culturel inc.
- Spirale
- 28 August 2014
- 9782924359068
Que traduit-on quand on traduit la littérature du Canada anglais en français? Peut-on continuer à parler sans rire de deux solitudes, de grands espaces, de nature sauvage, ou de mésentente sur le bilinguisme officiel comme étant des conditions suffisantes pour résumer des oeuvres qui circulent et résonnent aujourd'hui en dépit de ces poncifs? Sous la direction de Daniel Laforest et Maïté Snauwaert, ce dossier rassemble des points de vue et des lectures qui appellent à une transformation nécessaire des discours critiques sur la littérature au Canada. Hors dossier, une chronique signée Brigitte Haentjens, un entretien avec Marie-Hélène Falcon et un portfolio consacré à l'artiste multidisciplinaire Patrick Beaulieu, entre autres.
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Études françaises. Volume 57, numéro 3, 2021
Laurent Demanze, Dominique Viart, Emile Bordeleau-Pitre, Julien Lefort-favreau, Maïté Snauwaert, Marie-Pascal Huglo
- Les Presses de l'Université de Montréal
- 12 May 2022
- 9782760646810
Ce dossier s'intéresse aux puissances du romanesque chez Maylis de Kerangal. Si ses récits racontent des aventures hors du commun, ils n'idéalisent pas le réel pour autant et nous plongent au coeur du monde contemporain - pas toujours là où on l'attend. Au plus près des gestes, des matérialités, des savoirs, des paysages, des corps et des perceptions, les récits de Maylis de Kerangal sont porteurs d'un élan romanesque indissociable d'une écriture puissamment visuelle dont la frappe émotive et la découpe intrigante sont susceptibles de donner une profondeur (imaginaire, temporelle) au moindre des agissements comme à la plus ambitieuse des entreprises. Nous nous attachons aux romans, aux récits et aux reportages littéraires de l'auteure afin de bien prendre la mesure des modalités du romanesque de son oeuvre. Un texte inédit de l'écrivaine et une importante bibliographie complètent ce dossier.
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Études françaises. Volume 57, numéro 3, 2021
Laurent Demanze, Dominique Viart, Emile Bordeleau-Pitre, Julien Lefort-Favreau, Maite Snauwaert, Marie-Pascale Huglo, Sy
- Les Presses de l'Université de Montréal
- 11 November 2024
- 9782760645844
Ce dossier s'intéresse aux puissances du romanesque chez Maylis de Kerangal. Si ses récits racontent des aventures hors du commun, ils n'idéalisent pas le réel pour autant et nous plongent au coeur du monde contemporain - pas toujours là où on l'attend. Au plus près des gestes, des matérialités, des savoirs, des paysages, des corps et des perceptions, les récits de Maylis de Kerangal sont porteurs d'un élan romanesque indissociable d'une écriture puissamment visuelle dont la frappe émotive et la découpe intrigante sont susceptibles de donner une profondeur (imaginaire, temporelle) au moindre des agissements comme à la plus ambitieuse des entreprises. Nous nous attachons aux romans, aux récits et aux reportages littéraires de l'auteure afin de bien prendre la mesure des modalités du romanesque de son oeuvre. Un texte inédit de l'écrivaine et une importante bibliographie complètent ce dossier.
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Numéro 129, 2022 Raconter la/sa mort dans les arts narratifs contemporains
Lucie Guillemette, Karine Gendron, Maite Snauwaert, Frederic Weinmann, Isabella Huberman, Aileen Ruane
- Tangence - Tangence
- 24 October 2024
- 9782925015277
Le dossier de ce numéro de la revue Tangence, dirigé par Karine Gendron et Maïté Snauwaert, porte sur la façon de raconter la mort dans les arts narratifs contemporains. L'article de Frédéric Weinmann a pour objet d'études trois romans revenant sur un conflit historique dans la perspective d'un narrateur mort. Karine Gendron, elle, se penche sur trois romans québécois contemporains racontés à la première personne par un enfant-narrateur décédé, figure singulière que l'article cherche à approfondir. Ensuite, l'article d'Isabella Huberman analyse la représentation des spectres de l'hydro dans une oeuvre d'art public, Iiyiyiu-Iinuu de l'artiste cri Tim Whiskeychan, et une oeuvre littéraire, Ourse bleue de l'écrivaine métisse crie Virginia Pésémapéo Bordeleau en s'attardant à la question de la relation avec les morts. Après, Aileen Ruane explore les personnifications de la Mort dans les pièces de deux autrices féministes : Woman and Scarecrow (2006) de la dramaturge irlandaise Marina Carr et La vie utile de la dramaturge québécoise Évelyne de la Chenelière (2019). Enfin, Catherine Parent étudie Le Journal de Marie Uguay et l'expérience intime que vit l'écrivaine alors que la mort promise par la maladie permet l'émergence d'un rapport à soi transformé.