Le fruit de la puanteur est un roman d'anticipation dont l'action se déroule à la fois dans la Chine du XIXe siècle et sur la côte ouest du Canada, dans un futur maintenant très proche. Les deux narratrices, Nu Wa et Miranda, sont distinctes, mais leurs histoires respectives en viennent à fusionner. Un certain flou est maintenu tout au long de l'oeuvre : s'agit-il de deux histoires singulières, l'une mythologique et l'autre futuriste ? Les protagonistes correspondent-elles à la même personne et, si oui, s'agit-il d'une créature hybride et capable de métamorphoses, parfois poisson, serpent, fille ou femme ? Une étrange maladie qui se propage dans les rêves vient brouiller les cartes. Au bout du compte, le roman peint un portrait troublant de la Chine industrielle, et un portrait tout aussi troublant d'un futur proche dans lequel le monde est gouverné par de grandes corporations, par le clonage et la bic-ingénierie.
Rappelant parfois les oeuvres de Virginia Woolf, parfois celles de Timothy Findley, parfois celles de Maxine Hong Kingston, Le fruit de la puanteur est un roman écoféministe, queer et politique qui utilise la science-fiction et les tropes des littératures de genre pour encourager une véritable réflexion sur l'identité - notamment au sein de la diaspora chinoise et de la société canadienne -, ainsi que sur la race, le sexe, le genre, les technologies, la globalisation et le biopouvoir.
«J'appelle théories caraïbes les groupes d'hommes en larmes, nègres marrons affolés d'amour qui, d'une rive à l'autre, jettent leur langue nationale dans l'eau salée, dans la bouche ouverte, sans fond, de l'abysse.»
«Voilà notre patrie», disent-ils, dans le patois des colonies.
Parole d'eau salée, étrangère à la langue et comme incantatoire, qui ne cesse de la rendre plus profonde, à mi-chemin de l'origine et du monde. Et le poète ajouta:
«Le drapeau va au paysage immonde et notre patois étouffe le tambour.»
Québec, début des années 2000. Anna nage, observe, rêve d'ailleurs; Sarah lit, bavarde, pourfend la médiocrité ambiante. La première souffre d'une rare affection aux poumons; la seconde, d'une passion incurable pour la première. Sur fond de musique new wave, elles découvrent les bonheurs de l'amitié et l'attrait envoûtant de la trahison.
Entre la véhémence d'un Thomas Bernhard et la langueur émotive d'une Marguerite Duras, Catherine Lemieux propose un premier roman maîtrisé, provocant, dont nous n'oublierons jamais les héroïnes.
Héritier d'Ann Cvetkovich et de Gloria Anzaldúa, Désormais, ma demeure est un texte libre et libéré à propos de la dépression, dans lequel se contaminent magnifiquement la poésie en prose, l'essai littéraire, le récit de soi et la photographie. L'écriture de Nicholas Dawson transforme les mots et les images en outils de transmission puissants et pousse les genres littéraires et artistiques jusqu'à leurs ultimes retranchements. « Si les formes de la vie courante ne parviennent pas à nous rendre sensibles aux souffrances indicibles qui mènent à la volonté de s'ôter la vie », écrit l'auteur, « peut-être que les formes de l'art réussissent, quant à elles, à donner une voix, à travers nos récits, à celles et ceux qui ont péri avant nous ».
Les carnets de l'underground, ce sont les notes de terrain d'un club kid de Montréal, doctorant en études médiévales, qui court du Mile End à Berlin, en passant par Manhattan, pour ne rien manquer du lifestyle sexe, drogues et musique techno. Écrits dans une langue orale, désinhibée, rythmée par une pratique de l'écriture héritée d'Instagram, les carnets sont accompagnés des illustrations affriolantes de Jacob Pyne, qui répondent parfaitement à la mélancolie parfois autodestructrice du narrateur.
Ce petit livre reproduit deux discours. Celui prononcé par Joël Des Rosiers lors de son intronisation comme membre de l'Académie des lettres du Québec précédé du discours que Pierre Ouellet a livré pour présenter la candidature de Joël Des Rosiers.
En termes très poétiques, Pierre Ouellet rend d'abord hommage à l'oeuvre majeure de l'écrivain élu à l'Académie des lettres du Québec, puis le nouveau membre de l'Académie qui, en plus d'être écrivain est médecin, rapproche dans un texte documenté, senti et touchant les deux principales activités de sa vie : la littérature et la médecine. Très ancré dans l'histoire du Québec ainsi que dans l'histoire littéraire, ce texte est une véritable pièce d'anthologie digne des meilleures pages de son auteur.
Un livre qui fait honneur aux lettres québécoises. Il inaugure aussi la nouvelle collection t minuscule des Éditions Triptyque.
Montréal, automne 1947. Léopold Gauthier, vétéran de la Seconde Guerre mondiale et ancien détective de la Sûreté de Montréal, a de la difficulté à réintégrer la vie civile. Après sept ans d'absence, Léopold devrait être heureux de son retour, de revoir sa conjointe Suzanne...mais quelque chose cloche.
Lorsqu'on demande à Marcus O'Malley, l'ancien partenaire de Léopold, d'enquêter sur le meurtre brutal d'un étudiant du collège Jean-de-Brébeuf, Marcus prie son vieil ami de lui prêter main- forte. Suzanne Gauthier, devenue reporter de crimes pour la Gazette, encourage Léopold à accepter l'offre de Marcus.
S'improvisant détective privé, Léopold se joint donc à Marcus. Mais lorsque les victimes commencent à se multiplier, l'enquête se transforme en course contre la montre pour arrêter le tueur qui cible les élèves des collèges de Montréal...
Portrait pluvieux d'une époque aux cicatrices nombreuses, furieusement parfumé de whisky et de cigares, Brébeuf joue avec les codes d'un genre littéraire bicentenaire et attribue aux femmes une place de premier plan.
Nous avons écrit ce livre avec nos corps. Nous avons parfois failli y laisser notre peau. Nous avons parfois failli y laisser notre santé mentale, également, puisque nous avons choisi d'y creuser des sujets qui nous révoltent, nous obsèdent, nous font violence. Nous avons aussi été affectés par l'extérieur, par l'état actuel du monde, par les meurtres et agressions qui se sont produits pendant que nous rédigions le livre. Il n'était pas possible d'écrire sans dire« je», sans parler d'une même voix au «nous», tout en rendant cette voix fluide, fluctuante, insaisissable. Nous avons écrit à partir des effets politiques de ce que nous sommes, tout en brouillant les pistes - rien, ici, n'appartient plus à l'un qu'à l'autre. Nous écrivons ensemble.
Métaspora
essai sur les patries intimes
J'appelle métaspora la perversion digitale de la nostalgie. En plus d'être une expérience du don et de l'émotion, la métaspora est aussi une catégorie esthétique, un emblème du Beau.
La métaspora, par ses effets dans l'art et la littérature, s'autorise d'une pensée de Jorge Luis Borges : « De toutes les villes du monde, de toutes les patries intimes qu'un homme cherche à mériter au cours de ses voyages, Genève me semble la plus propice au bonheur. »
Si le concept de diaspora s'étaye d'un retour des souvenirs, réels ou fantasmatiques, du fait de se ressouvenir d'une origine perdue, celui de métaspora cherche à rendre l'avenir présent. Il s'agit d'un ensemble d'actes rendant actuels les événements à venir.
La métaspora procède d'une logique d'improvisation de l'espace et du temps, d'une logique de recréation, placée sous le signe du provisoire, de l'éphémère. C'est l'art de l'indétermination. Logique de spatialisation qui traduit ce que les égarés en particulier, et tout égaré contemporain en général, vivent dans le réseau globalisé dans lequel ils sont insérés.
Les essais rassemblés dans le présent volume cherchent à accréditer l'idée que l'écrivain enrichit son intimité avec les lieux où il vit et où il a vécu dans la mesure où il garde une conscience aiguë de sa condition itinérante, de sa dignité d'étranger souffrant. Lieux, visages, objets, sons, autant de « patries intimes » qu'il transporte partout avec lui.
C'est ce mouvement d'espérance en la primauté du voyage qui les conduit, ses contemporains et lui, à se constituer en métaspora, c'est-à-dire à devenir les cosmopolites de leur propre culture, des étrangers à leur propre nation.
Paru il y a 175 ans, en 1837, « Le scholar américain » de Ralph Waldo Emerson (1803-1882) est le texte fondateur de l'identité culturelle états-unienne. Les États-Unis en avaient alors assez de se « nourrir des restes flétris de moissons étrangères », ainsi que l'écrivait Emerson. Or, nous aussi « avons trop longtemps prêté l'oreille aux gracieuses muses de l'Europe ».
Femme de peu de durée, l'auteure s'attache à faire l'inventaire d'un monde qui se dérobe sous ses doigts : objets épars et incomplets, restes d'émotions, bouts de récits entendus ou inventés, bribes de conversations.
La poésie de l'inventaire est celle de la liste et du défaut, de l'ascèse et de la fabrication. L'écriture qui demeure se fait alors décompte (inventaire), possibilité (invention) et argument (inventio).
En novembre 2007, l'écrivain et compositeur Antoine Ouellette est dia-gnostiqué Asperger, un syndrome appartenant au spectre autistique.
L'auteur témoigne ici de son expérience et offre une visite guidée du monde autiste. Il souhaite aussi informer et sensibiliser sur un sujet tabou, la « folie », afin de donner un message d'espoir aux personnes marginales et marginalisées de notre société.
Les autistes fascinent, troublent et dérangent. Victimes de préjugés (non, l'autisme n'est pas une déficience intellectuelle), d'intimidation dans les écoles, de discrimination dans la vie adulte : on voudrait tant les guérir de qui ils sont! Mais qu'est-ce vraiment que l'autisme et le syndrome d'Asperger ? Comment cela se vit-il au quotidien ? Quelles sont les faiblesses et aussi les forces de l'autisme ? Comment un autiste peut-il s'exprimer en art ? La science commence à réaliser que l'autisme serait non une maladie mais une autre forme d'intelligence, porteuse d'une culture et de valeurs différentes. Leur nombre étant en augmentation, les autistes pourraient représenter l'amorce d'un changement évolutif dans l'histoire humaine. Encore faudrait-il que l'acceptation soit au rendez-vous.
Avec une intrigue aux multiples enchevêtrements et portée par des personnages plus grands que nature, Madeleine nous berce dans une atmosphère onirique et emplie de mystères. Monique Le Maner signe ici une oeuvre remarquable, qui nous confirme une fois de plus l'habileté et la force de son écriture romanesque.
Dans ce sixième roman mettant en scène les aventures de Josette Marchand et de Vincent Bastianello, l'auteure explore différents aspects de la tension entre intimité et distance, entre pouvoir et soumission lorsque des croyances
sont présentées comme des faits rédempteurs. Quand Josette, massothérapeute patentée et expérimentée, accepte une mission, elle s'y
consacre corps et âme. Et d'autant plus sérieusement lorsqu'il s'agit de démasquer des manipulateurs pour sauver une jeune fille sous influence. Mais doit-elle respecter son engagement de ne pas impliquer dans l'aventure son ami Vincent, inspecteur au SPVM, même si elle découvre des pratiques
illicites, voire criminelles? Josette parviendra-t-elle à démêler les bonnes intentions des mauvaises?
À moins d'être un Leonard Cohen sur le tard, le poète ne saurait reprendre jusqu'à l'épuisement combien il aime et combien il aimerait être aimé tout autant en retour. Il sait regarder autour de lui, sait tendre la main tout comme il sait gueuler ses détestations. Il rêve parfois, construit ses carapaces, donne la parole à qui veut se confier, prête aussi sa voix, de sorte qu'à l'usure le lecteur ne sait plus quel timbre est le sien ou tel autre. Ce brouillage profite à la confusion des haleines.
Afin d'atténuer cette confusion, le recueil est divisé en deux parties : l'« haleine amène » suivie de l'« haleine amère ». Bien malin qui saura démêler ce qui appartient en propre à chacune. Mais là aussi réside tout à la fois le secret à peine révélé du poème et l'accueil imprévisible de la lecture. D'où le titre: Doublures. Mais le grain de la voix porteuse est évoqué par les sous-titres.
Il y est question de gageure, de mise, de coup de dés, du dieu Janus, du bout de la langue, de la maladie, et encore plus.
La Minotaure est un roman dans lequel une narratrice particulièrement terrifiée par l'idée de vivre témoigne de son enfance à travers des notes pour comprendre la source de ses effrois. La plupart de ses courts textes sont adressées à Maude, une amie décédée. Ce (faux) dialogue lui permet de tisser des liens entre son enfance et son âge adulte, et entre sa vie et sa mort qui, croit-elle, la guette à cause de cette tentation d'exister.
Les poèmes de Wbatever, un iceberg dressent un portrait de l'amour 2.0 : l'intensité nerveuse du désir et la peine devant l'indifférence de l' autre, les deuils prolongés par les images qui ravivent les souvenirs en jaillissant sur l'écran d'un cellulaire, l'émoi de l'attente et de la perte. Les scènes qui composent ce recueil suivent la lente destruction d'un amour qu'une photo de bébés loutres trouvée sur Buzzfeed ne sauvera pas. Du cinéma répertoire sur Roncesvalles au bord du canal Lachine à Montréal, en passant par les rues grises de Toronto, le Dollorama, un restaurant de soupe Pho et la Norvège qui est l'autre bout du monde, l'histoire d'amour queer de la poète mêle polyamour, monoparentalité, douleur chronique et pauvreté.
« Je n'écoute soudainement plus les conversations autour de la table. Je suis absorbé par le sentiment de culpabilité qui grandit en moi, à la faute que j'ai commise, au pourboire que j'ai omis de donner au jeune garçon. Je revois son regard perdu et désemparé au moment de refermer la porte et je comprends maintenant tout le sens dont cet air était fait ; il attendait sa récompense, son dû. »
je ne savais même plus
ce que toucher veut dire
ni le nom des caresses en français
au matin
à la fenêtre
j'avalais ma portion d'existence
j'essuyais les carreaux
de l'intérieur seulement
prête à tout pour aimer
sans être aperçue
j'arrosais mes plantes
avec les eaux de pluie
ces restes d'un passé où
attendre avait creusé un étang
dans la cour
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Je te donne mes eaux douces, mes carnets de présence, mes enfants
jamais nés. Une oie blanche affolée entre mes côtes flottantes.
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Dans ce livre exploratoire de la mémoire où s'entrecroisent fiction et souvenirs, Macha, début trentaine, raconte les lieux qu'elle a habités et traversés depuis son enfance : des grandes maisons de Vineuil et de Kinshasa, en passant par l'appartement de Brazzaville, celui tout petit de Paris, la gentilhommière normande, jusqu'à la maison hantée d'Orléans et la cage de Verdun, on découvre avec elle les plages, la vie d'expatriée, la pauvreté, la peinture, le racisme et l'antisémitisme, le rejet à l'école, les premiers émois et les premiers effrois, la faim, le manque.
L'alternance des souvenirs et des plans des maisons dessinés par l'auteure donnent une vie, un corps à chaque endroit. Les croquis, faisant office de cartes, contiennent des anecdotes manuscrites faisant écho au texte.
Comment chacun de ces lieux a-t-il modelé le corps et l'imaginaire de Macha?
Voici rassemblés douze textes qui explorent et déconstruisent ensemble l'idée du « bad boy ». Ce livre-performance, où la fiction se mêle à la réalité, donne à lire des voix fortes, subversives, troublantes, mais surtout, authentiques et vraies.
Vernissage, c'est l'histoire de Simon-Pierre, jeune trentenaire qui évolue dans le milieu des arts québécois dans les années 2010. Notre protagoniste ne se sent ni tout à fait accompli, ni même tout à fait adulte. Alors que le développement de sa carrière et de sa vie sentimentale est au ralenti, on le suit dans une fracassante débandade qui finit de crever l'abcès de ses désillusions : en effet, il commet une bourde qui lui vaut l'attention médiatique tant escomptée, mais pour toutes les mauvaises raisons. Victime de la fulgurance des réseaux sociaux, s'embourbant dans un scandale politique, il perd le contrôle de la situation et trouve refuge dans des élans de débauche qu'il n'avait jamais osés auparavant - jusqu'à une intervention policière impromptue qui le force à reconsidérer son destin et qui change aussi le fil de l'histoire. Un autre parcours apparaît alors, celui de Béatrice, avec sa propre trajectoire compliquée qui se déploie en parallèle de celle de Simon-Pierre...
Dans ce roman bardé de surprises, de faux dénouements et d'intrigues, avec un rythme effréné et une langue survoltée, Benoît Côté dresse un vaste portrait de notre époque contemporaine dans laquelle les grandeurs et les misères des jeunes adultes s'entrechoquent : désordres amoureux, nouveaux paradigmes familiaux, enjeux environnementaux, santé mentale, déceptions inhérentes au développement de soi, confusion quant à son rôle au sein de la société. Un roman palpitant qui emprunte aux motifs du thriller, et dont les réponses tant attendues n'arriveront qu'à la toute fin.
Cruauté, fraudes, drogues, invasions de domicile, meurtre de chiots. Les braises exorcise les pulsions les plus sombres en donnant à lire des scènes décadentes, à la fois surréalistes, inquiétantes et familières. L'auteur met en scène un esprit mauvais, un personnage sans nom, décalé et déviant, qui s'adresse à un improbable double de lui-même. Cette correspondance à sens unique est un violent coup de bélier, un délire exalté contenant les souvenirs d'un homme aigri et marqué par une enfance atypique. Élevé par un père caractériel, presque inadéquat, le narrateur tire à bout portant sur tout ce qui bouge, déblatère sans relâche, pointe un long doigt tordu sur ceux qui l'entourent, n'épargnant rien ni personne. De cet homme broyé en dix mille morceaux émerge le portrait d'un redoutable monstre, un ennemi en tout point semblable à celui qui dort en chacun de nous. Porté par le lyrisme et la prégnance des images, ce récit semi-fictionnel est un lent démembrement, une exécution sauvage, et surtout un rappel qu'on ne peut échapper à soi-même éternellement, au risque de voir les fondements de son identité s'effondrer.