Offrir un large panorama de l'histoire, politique et militaire, économique et sociale, religieuse et culturelle, des mondes musulmans médiévaux, de l'Antiquité tardive aux débuts de l'époque moderne, telle est l'ambition du présent Atlas, qui s'appuie sur près de deux cents cartes originales, à toutes les échelles, accompagnées de textes, d'extraits de sources et d'illustrations.
Les conquêtes islamiques ont contribué à la formation d'un vaste ensemble de territoires où les musulmans ont détenu le pouvoir politique, dominant des peuples aux coutumes, langues et religions différentes. Il s'étendait sur trois continents – d'al-Andalus à l'ouest à l'Inde islamisée à l'est – et s'ouvrait sur deux espaces maritimes majeurs, la Méditerranée et l'océan Indien. Cet atlas explore les routes parcourues par les marchands, les pèlerins, les voyageurs, les étudiants et les savants ; il atteste de l'ampleur du phénomène urbain comme de la richesse des échanges dans l'ensemble de cette aire et rend compte de son insertion dans une économie-monde en formation.
Les communautés musulmanes se sont séparées en différentes branches : les sunnites et les chiites, mais aussi en une myriade d'autres courants minoritaires qui marquent, jusqu'à nos jours, la topographie religieuse. Si les luttes fratricides furent importantes, les relations conflictuelles avec différents ennemis du dehors – conquêtes et jihad, croisades et invasions – ont remanié les équilibres internes comme les frontières extérieures. L'activité diplomatique qui se déploya, à travers toute l'Eurasie et de l'Atlantique au Pacifique, la circulation des idées et des modèles littéraires ou architecturaux, témoignent, au-delà des échanges commerciaux, de l'étendue des réseaux développés au cours des siècles.
Les chercheurs qui ont réalisé cet ouvrage collectif, lancé au sein de l'équipe " Islam médiéval " du laboratoire Orient & Méditerranée (CNRS), sont spécialistes de différents champs de l'histoire médiévale des mondes musulmans. Ils et elles donnent à voir et à comprendre, dans une historiographie renouvelée, une histoire globale et connectée des mondes musulmans médiévaux.
Camicera nera des fascistes italiens ou chemises brunes des nazis, veste Mao ou béret étoilé du Che, foulard rouge des Komsomols en URSS ou bleu des Pionniers en RDA, krâma cambodgien : tous ces vêtements sont emblématiques des totalitarismes du XXe siècle. Symboles politiques, ils ont convoqué des imaginaires et véhiculé des idéologies.
L'attention souvent scrupuleuse portée par les différents régimes – fascistes ou communistes – à la codification et à l'uniformisation des apparences invite à explorer toutes les facettes de ce langage du pouvoir.
Témoin et instrument d'une volonté prométhéenne d'emprise et de contrôle, signe d'appartenance et de solidarité mais aussi de hiérarchie et de soumission, d'assujettissement et d'exclusion, le vestiaire a permis d'encadrer toutes les sphères de la vie sociale, d'exalter les valeurs et idéaux politiques, de donner à voir une communauté unie derrière son chef.
Comment les populations ont-elles vécu l'obligation de porter telle ou telle pièce d'étoffe ? Quels furent les effets réels du port de ces vêtements ? Autant de questions permettant de comprendre davantage les processus d'embrigadement et d'oppression des populations, ainsi que leurs limites.
La Méditerranée... le bleu profond des anses et le rose des toits, le sol sombre des pentes et du vignoble, le vert cendré des oliviers et la flèche sombre des cyprès, les pierres sèches et les fontaines... La Méditerranée, c'est aussi Alger la Blanche, le blanc et le bleu de tant d'îles grecques, la vision minérale des " villes mortes " du Levant, le chant des norias, la couleur chaude des sables de l'Orient profond.
Dans ce portrait à deux voix, celle d'une historienne et celle d'un géographe, se dévoile ce monde méditerranéen et la façon dont il a été pensé, façonné et sans cesse réinventé par les Anciens, les Modernes et nos contemporains. La Méditerranée, multiple et diverse, est pourtant marquée par une étonnante unité, très tôt ressentie. Comment expliquer cette conscience aiguë d'un espace, d'un milieu particulier – cette " méditerranéité " ?
Colette Jourdain-Annequin et Paul Claval retracent la manière dont les Grecs, les Romains puis les botanistes, géographes, artistes ou historiens ont perçu cette mer intérieure, en s'appuyant sur le climat, les paysages, les mythes, la cartographie, les langues, les religions, les savoir-faire ou les genres de vie partagés. Le XIXe siècle a été en cela un puissant vecteur de l'idéalisation de ce territoire, avant que Braudel ne pose les bases de toute étude sur le sujet. C'est un espace unifié par des traits largement partagés, mais aussi un lieu d'échange complexe fait de conflits ou de rivalités, qui ressort de cette étude.
Chroniques de l'Europe
Retracer six siècles d'histoire de l'Europe en quelque 120 dates et plusieurs centaines de documents : tel est le défi que relèvent ces Chroniques.
Loin d'inventorier les " grandes dates qui ont fait l'histoire ", cet ouvrage préfère mettre en lumière celles que l'on connaît moins. On y découvre, entre autres, l'adoption de l'écriture romaine dans l'imprimerie dès 1470, l'entrée de la tomate dans la cuisine européenne en 1613, l'exécution de la dernière sorcière en 1782, les luttes pour la diminution du temps de travail en 1817, le vote des femmes en Finlande en 1906, la première victime du mur de Berlin le 22 août 1961, le lancement de la fusée Europa II en 1971.
Les historiennes et historiens – des techniques, du politique, de l'environnement, des idées, du genre, des arts, de l'économie – ici réunis, ont bien voulu se prêter à un exercice original : choisir un événement qui fait sens à l'échelle de l'Europe, puis, documents et repères chronologiques à l'appui, en faire le récit et rendre compte de ses résonances à travers le temps et l'espace.
Une formidable plongée dans l'histoire longue de l'Europe à travers des figures marquantes, la circulation de savoirs, des innovations techniques ou artistiques, des tensions, conflits ou convergences. Une nouvelle façon de questionner ce qui fait date en histoire et de raconter l'Europe.
L'histoire de la science met en pleine lumière une élite de chercheurs, des pionniers, le plus souvent des hommes ; une élite encore magnifiée par le culte de l'excellence, la starification médiatique et l'hypervisibilité contemporaine. La société du savoir apparaît ainsi comme une société restreinte, une aristocratie sans peuple. Reste dans l'ombre une population qui pourtant participe à l'œuvre scientifique.
C'est à ces invisibles de la recherche que cet ouvrage est consacré. Fondé sur une documentation exceptionnelle réunie au long d'un vaste parcours dans le monde du savoir, du XIXe siècle à aujourd'hui, il donne à voir la présence nombreuse dans les institutions de la science d'ingénieurs et de techniciens, de secrétaires et de personnels de service, de précaires et de bénévoles ; il révèle aussi, derrière l'œuvre, des filles et des épouses assistant un père, un mari.
Observer l'activité de ces travailleurs en second montre qu'au-delà des tâches de service, d'exécution, de routine qui seraient le lot des " petites mains " de la recherche, se déploient des savoirs et des savoir-faire démentant l'idée d'un travail sans pensée. Écouter cette population laborieuse, c'est saisir le vécu de travailleurs subordonnés, entendre la demande de considération de l'individu laborans pour son travail et sa personne, autrement dit son désir de reconnaissance, déjà au sens le plus élémentaire : être vu, exister.
Une histoire de la science revisitée.
Le dynamisme de l'économie chinoise depuis la fin des années 1970 et sa position centrale dans les échanges mondiaux invitent à revisiter une période cruciale, celle de la fin de l'époque impériale (XVIe-XIXe siècle). Au cours de ces trois siècles, la Chine, dont l'économie est pourtant très avancée et florissante, voit se creuser l'écart avec les pays de l'Europe du Nord. Pourquoi ?
De multiples explications ont été données de cette longue divergence. Peu de place a pourtant été accordée aux véritables acteurs et aux modalités concrètes de fonctionnement des marchés. C'est cette carence que ce livre entend combler, en donnant la parole aux textes, et en suivant le parcours de trois personnages centraux : le bailleur de fonds, l'intermédiaire, et l'entrepreneur commercial. Réinterroger l'origine de la puissance chinoise, c'est aussi en discerner les lignes de fractures, les points de rupture, les faiblesses. Si la période impériale tardive voit la multiplication de riches marchands, l'entrepreneur capitaliste est absent du paysage. Le capital, fragmenté, n'est pas aisément mobilisable : il est périodiquement détruit ou thésaurisé.
À contre-courant de bien des idées reçues sur la prospérité chinoise, cet ouvrage esquisse un audacieux parallèle entre la Chine d'hier et celle d'aujourd'hui. On comprend ainsi que la richesse vient souvent des connivences avec le pouvoir politique, et non pas d'institutions facilitant l'alchimie secrète qui transforme l'épargne en capital.
Seuls quelques peuples au monde, devenus nations, peuvent se prévaloir d'une longévité multimillénaire, de l'Antiquité à nos jours : ce sont les Chinois, les Indiens, les Iraniens, les Grecs, les Juifs et les Arméniens. Malgré des conquêtes, des assimilations partielles, ou des dominations coloniales, ces six peuples-monde de la longue durée ont réussi à maintenir – ou à restaurer – leur langue, leur culture et/ou leur spécificité religieuse, et à reconstituer un État indépendant. Chinois ou Iraniens se sont appuyés sur un vaste socle territorial et des dynasties successives. Grecs ou Indiens ont alterné morcellement politique récurrent et périodes d'unification impériale. Juifs ou Arméniens se sont très tôt dispersés dans l'espace méditerranéen et eurasien, puis mondial. Contrairement aux Égyptiens, aucun d'entre eux ne s'est transformé au contact de ses conquérants.
Quels sont les facteurs qui contribuent à expliquer une telle longévité, un tel rayonnement et une telle résilience chez ces six peuples ? Une emprise territoriale, une masse démographique, une capacité à s'insérer au sein de réseaux d'échanges mondiaux ? Quel rôle ont pu jouer les religions, les structures sociétales, les institutions politiques, ou encore les langues dans la capacité qu'ont eue ces peuples à perdurer sur près de trois millénaires ? Leur comparaison devrait permettre de mieux appréhender la signification géohistorique de ce concept de " peuple-monde de la longue durée ".
Postface de Christian Grataloup
Auteur d'une œuvre polymorphe – de la physique à la politique, de la logique à la biologie – Aristote est un savant multiple, animé de l'ambition de décrire et de comprendre tant le monde d'ici-bas, caractérisé par la contingence, que celui des astres, immuable et éternel. Dans le sillage du biological turn initié depuis une quarantaine d'années, Pierre Pellegrin met au premier plan la zoologie déployée dans les grands traités biologiques : l'Histoire des animaux, les Parties des animaux et la Génération des animaux.
Les questions de la génération spontanée, de la nécessité hypothétique, des rapports entre les parties et leur hiérarchie ou encore entre genèse et structure sont ici reprises, situées et saisies selon leur logique interne. L'originalité d'Aristote ressort particulièrement de son entreprise zoologique, qui n'avait pas de précédent et n'a trouvé un successeur qu'au tournant du XIXe siècle, lorsque Georges Cuvier, en particulier dans les Leçons d'anatomie comparée, reprit son programme, ouvrant ainsi un nouveau champ scientifique.
Par-delà les rapports des traités biologiques à la science moderne – qui animent, et parfois égarent la recherche actuelle –, cette enquête nourrie d'une exceptionnelle familiarité avec l'œuvre du Stagirite permet de mettre en évidence une " pensée aristotélicienne ", caractérisée par l'anti-réductionnisme, la confiance dans la connaissance sensible et l'anti-empirisme. Cette approche approfondie renouvelle de la sorte l'intelligence de la démarche globale d'Aristote et, en quelque sorte, la relance.
Plus que jamais l'islamisme polarise, inquiète et interroge. Dans le débat politique et intellectuel français, il occupe aujourd'hui une place littéralement envahissante. Après tant d'études et de polémiques, l'ouvrage ne cherche pas à définir une nouvelle fois "l'essence de l'islamisme' ou à peaufiner la typologie descriptive de ses différentes expressions (salafisme, wahhabisme, Frères musulmans, etc.). Il s'attache avec plus d'ambition à en proposer une histoire sociale et politique globale.
Pour offrir un tour du monde de ces mobilisations, de l'Algérie à l'Indonésie et du Nigéria à l'Iran, François Burgat et Matthieu Rey ont demandé à des spécialistes de ces diverses aires géographiques d'élargir la focale de l'analyse. Loin des clichés sur "la naissance de l'islamisme dans les années 1970', leurs travaux remontent au xixe siècle et montrent combien le processus est plus structurel. Cette plongée dans le monde islamiste s'articule autour de cinq grands moments historiques, des frémissements aux recompositions contemporaines en passant par le choc colonial et l'âge des révolutions. Dans un même mouvement, elle parvient à corréler les grandes mutations socio-économiques et politiques de la relation entre l'Occident et les mondes musulmans avec les réponses autochtones, pas seulement culturelles, à ces bouleversements.
" Vous nous en devez un " : les questions de la fécondité et de la maternité se posent de manière aiguë dans les familles royales et princières françaises, tant celles-ci doivent répondre à l'impératif de la loi salique, la reine n'étant vraiment reconnue dans sa fonction qu'après avoir enfanté.
Étudier les grossesses des princesses et des reines, depuis la consommation du mariage jusqu'à l'accouchement, le retour de couches et les premiers mois de l'enfant, permet de rendre compte de la centralité de cet objet à la cour. Les corps de ces femmes sont scrutés quotidiennement, afin d'y déceler les signes de la gestation d'un héritier pour le royaume. Les retards de règles sont une affaire publique, commentés jusque dans les ambassades européennes. Les ventres arrondis deviennent un outil politique pour fédérer les sujets autour de prières et de cérémonies religieuses, pour retarder une décision, détourner, parfois, le regard de l'opinion.
L'auteure montre également comment circulent les savoirs sur la grossesse et la maternité qui se constituent aux XVIIe et XVIIIe siècles. Ceux des sages-femmes et chirurgiens accoucheurs d'abord, qui rivalisent pour ausculter et accompagner ces parturientes. Et ceux des princesses elles-mêmes, ensuite, qui échangent directement certaines de leurs connaissances et expériences, parfois au-delà des frontières. La cour apparaît alors comme un véritable laboratoire des pratiques périnatales.
Dans ce passage de l'intime, non au public, mais à l'officiel, l'auteure repense le rôle (politique) des reines qui tentent de faire respecter leur pudeur, négocient avec l'étiquette, voire mettent en place des pratiques de restriction des naissances pour ne plus être pour le royaume des " moules à enfants ".
" Liberté au dedans, protection au dehors, tels sont les éléments de la régénération. " C'est par cette formule lapidaire, qu'en 1814, à la chute de l'Empereur, Louis Becquey, en charge de la politique commerciale de la France, fixa un cap à la construction d'une nation bâtie sur le socle des richesses matérielles. Le protectionnisme était devenu la ligne générale de la nation. Il avait pris naissance dans un patriotisme révolutionnaire hostile à l'Ancien Régime tenté par le libre-échange. Réponse à la menace d'une hégémonie de l'Angleterre, il appelait à " mobiliser les bras " et conjuguer sans contradiction le culte de la liberté et celui de ses limites.
Loin d'être un obstacle au libéralisme, la ligne de douane a longtemps dessiné l'espace dans lequel les manufacturiers acceptèrent de prendre les risques du marché. Quand elle devint une entrave au développement, l'État, convaincu qu'il n'existait pas d'harmonie spontanée entre les intérêts privés et l'intérêt général, la fit céder au profit d'une ouverture sur le grand large. La Troisième République confondit d'abord le libre-échange avec les libertés retrouvées. Mais, face à la menace du boulangisme et à celle d'une nouvelle mondialisation, elle se rallia au " protectionnisme rationnel " de Jules Méline, condition alors de la cohésion politique des Français et tranchée profonde de la défense de la République.
PLATEAU VOLANT MOTOLAVEUR PURÉE MINUTE
Au Salon des arts ménagers | 1923-1983
" Plateau volant, motolaveur, purée minute ", cette triade fait écho à la célèbre Complainte du progrès (Les Arts ménagers) de Boris Vian, diffusée au Salon des arts ménagers de 1956, dans laquelle le poète énumère avec humour les appareils plus ou moins fantaisistes qui envahissent le quotidien : repasse limace, atomixer, draps qui chauffent... Ce titre fait cependant référence à des objets qui ont véritablement figuré au Salon. Ils incarnent l'esprit d'invention et la projection dans la modernité qui ont toujours été sa marque de fabrique. À la croisée des sciences, de l'industrie et de l'esthétique, et au-delà de l'événement commercial, c'est bien une forme de révolution sociale que ce Salon a instaurée.
Pendant soixante ans, le Salon des arts ménagers a accueilli des millions de curieux venus découvrir les nouveautés en termes d'équipement domestique, d'habitat, d'organisation et de confort du foyer. Dès son origine, les innovations présentées sont photographiées dans un but documentaire et publicitaire : des dizaines de milliers de clichés ont ainsi été produits, témoignant de l'importance du visuel dans la construction d'un imaginaire de l'intérieur idéal. La société entière défile au Salon, pour se montrer, pour présenter, pour revendiquer aussi, comme la suffragette et féministe Louise Weiss en 1936, qui sous forme de performance, y fait la cuisine pour que soit accordé le droit de vote aux femmes.
Cette " visite " du Salon des arts ménagers, grande fête populaire et spectacle de la société de consommation en devenir, conduit à une réflexion sur nos pratiques quotidiennes et sur l'avenir de nos sociétés dites développées.
L'abbaye de Fontevraud est exceptionnelle à plusieurs titres. Fondée par un homme, elle a accueilli essentiellement des femmes. Réunissant au départ moines et moniales de toutes conditions, aristocrates et misérables, elle a mis en péril l'ordre social. Plus grande
cité monastique d'Europe au XVIIIe, elle a été transformée en prison après la Révolution. Comment expliquer le destin si singulier de ce lieu, inscrit aujourd'hui au Patrimoine mondial de l'Unesco ?
En 1101, quand Robert d'Arbrissel, seul roturier parmi les fondateurs d'Ordres au XIIe siècle, décide de créer Fontevraud, il y organise une vie de pauvreté, de pénitence et de prière, et demande aux femmes de le gouverner. C'est donc à une abbesse, et non à un abbé, que l'on doit la règle du monastère et le contrôle du recrutement des frères. Fontevraud devient une abbaye puissante, en raison de son rapport avec Aliénor d'Aquitaine, reine de France puis d'Angleterre, son mari Henri II Plantagenêt et son fils Richard Cœur de Lion. Tous trois y reposent, dans leurs majestueux gisants. Gardant la cicatrice de la guerre de Cent Ans, elle suivit ensuite l'ascension des Bourbons.
Ce livre raconte, sur près de huit siècles, l'histoire de ce monde sans extérieur dont l'organisation figure le temps qui s'y écoule heure après heure, jour après jour, mais aussi de ces hommes et ces femmes qui l'occupent et le font vivre.
Faire l'histoire d'un livre emblématique du XIXe siècle, de sa conception par son auteur à sa réception par le public, c'est ce à quoi s'attelle ici Jean-Charles Geslot, en dressant le tableau vivant d'un monde de l'édition en pleine mutation.
Le livre en question est une Histoire de France : paru en 1858, il a connu un succès digne de Michelet ou de Lamartine, et été plusieurs fois réédité jusqu'à la Première Guerre mondiale. Son auteur, Victor Duruy, historien, ministre de l'Instruction publique, participe ainsi à la construction et à la diffusion du récit national, en profitant de l'essor de l'édition scolaire et de la vulgarisation historique.
Dénouant, étape après étape, tous les fils de ce qui fait le livre, l'auteur mène l'enquête, dans les bureaux de l'historien et de l'éditeur comme dans les ateliers des fabricants d'encre et de papier ; il nous décrit à l'œuvre chiffonniers et imprimeurs, brocheuses et relieurs, et nous fait entrer dans les librairies et les bibliothèques ; il va à la rencontre des lecteurs et des lectrices, écoliers et professeurs, citadins et paysannes, érudits et même bagnards, de Chartres à Nouméa, de New York à Saint-Pétersbourg, et nous plonge dans les débats de l'époque opposant critiques et journalistes sur leurs visions de la France.
Proposant une synthèse originale, cet essai d'histoire culturelle nous plonge dans les modes d'élaboration et de circulation du livre et les pratiques de lecture du second XIXe siècle.
L'article, le graphique, la fiche, le poster, le cahier de laboratoire sont quelques-uns des nombreux outils du travail scientifique étudiésdans cet ouvrage qui offre une histoire matérielle de la culture savante entre le XVIe et le XXIe siècle. Il rend manifeste, de la médecine à l'archéologie, de la géographie à la chirurgie, ce que l'on ne voit pas ou plus dans les résultats : la masse imposante de l'outillage à disposition, sa grande diversité, son accroissement constant. S'y ajoutent les ressources des savants eux-mêmes, celles de leurs sens éduqués ou amplifiés par de multiples instruments. Les configurations fascinantes que ces outils et leur emploi créent entre écrit, image, parole, regard et geste révèlent le caractère composite, multimédia et multisensoriel, de l'ordre raisonné du savoir. Explorer la science dans sa matérialité éclaire d'un jour nouveau des pans entiers de l'histoire intellectuelle. Les outils de travail ne sont pas de simples à-côtés des idées. Ils participent étroitement à la connaissance, entre objectivité scientifique et éléments empruntés à l'expérience des sens. Un essai d'anthropologie des savoirs qui porte un regard original sur l'ordinaire de la science.
Les incroyables découvertes paléontologiques et préhistoriques de ces derniers temps permettent de mieux comprendre l'origine africaine de l'Homme, survenue il y a 3 millions d'années, due à une simple nécessité d'adaptation à un changement climatique. Elles racontent les quelques millions d'années qui la précèdent comme ceux qui la suivent.
L'ambition de ce livre est d'éclairer cette extraordinaire période qui voit la matière vivante se faire matière pensante. On y apprend que la lignée des Préchimpanzés et celle des Préhumains se sont séparées il y a une dizaine de millions d'années, la seconde s'établissant dans un milieu moins boisé que la première. On y voit ces Préhumains se mettre debout, marcher mais grimper encore. Six genres et une douzaine d'espèces illustrent ainsi cette extraordinaire radiation qui s'épanouit de 7 à 2 millions d'années dans l'arc intertropical, du Tchad à l'Afrique du Sud en passant par l'Éthiopie, le Kenya, la Tanzanie et le Malawi. Puis ces premiers humains, longtemps inféodés à la savane d'Afrique, en sortent et c'est en Israël, en Géorgie, en Turquie, au Pakistan, en Inde, au Laos, en Indonésie, en Chine, mais aussi, de l'autre côté, en Italie, en France, en Espagne, qu'on va les retrouver et les suivre, à partir de 2 millions d'années au moins en Asie, à partir d'un généreux million d'années en Europe... Et on y voit ensuite l'Homme moderne naître à son tour en Afrique, s'y déployer et en sortir il y a 200 000 ans. Cette belle histoire est bien entendu accompagnée de multiples événements qui tous posent de nouvelles questions qui la compliquent et l'enrichissent.
Les conteurs, tous acteurs, sont Zeresenay Alemseged, Lee R. Berger, José Braga,
Michel Brunet, Ronald J. Clarke, Yves Coppens, Anne Dambricourt Malassé,
Fabrice Demeter, Robin Dennell, Yohannes Haile-Selassie, Sonia Harmand,
Israel Hershkovitz, Dirk L. Hoffmann, Jean-Jacques Hublin, Marie-Hélène Moncel,
François Sémah, Brigitte Senut et Amélie Vialet.
Par quels processus de nombreux fonctionnaires allemands, en dépit d'un passé professionnel dans le régime nazi et parfois de compromissions dans ses crimes, ont-ils été d'abord sanctionnés dans le cadre des politiques de dénazification imposées par les Alliés après 1945, puis réintégrés précocement dans la démocratie ouest-allemande où ils construisent une " seconde carrière " ? Tel est l'objet de cette enquête, qui étudie avec brio ce double processus d'épuration et de désépuration.
En mai 1949, l'article 131 de la Loi fondamentale de la République fédérale d'Allemagne accorde aux " fonctionnaires professionnels " qui étaient en poste au 8 mai 1945 la garantie de leurs droits acquis et prévoit qu'une loi fédérale réglera leur statut. Cette loi est promulguée le 11 mai 1951. Elle n'est que le premier jalon d'une législation généreuse consacrée aux 131er, allant des lois d'amnistie et de clôture de la dénazification jusqu'à la fin du gouvernement de Willy Brandt en 1974. Comment définir ce groupe ? Quelles sont les représentations associées à ces 131er ?
Ce livre analyse, à l'échelle des individus, les conséquences professionnelles, financières et sociales de ces lois. Si les dispositifs de clémence apparaissent de plus en plus scandaleux à l'opinion, tous les " anciens " n'ont cependant pu y prétendre. Une épuration professionnelle a bien eu lieu et a contribué à ce que la RFA parvienne, principalement à partir des années 1960, à affronter son passé.
Un combattant à l'Élysée
Député à vingt-cinq ans, premier socialiste à recevoir un portefeuille ministériel, ministre de la Guerre en 1914, représentant du Gouvernement dans l'Alsace redevenue française, président du Conseil puis président de la République en 1920, Alexandre Millerand a mené sa carrière politique à la vitesse " d'un boulet de canon ", selon l'expression de son camarade Viviani.
Pourtant, malgré une œuvre incontestable de pionnier, il est aujourd'hui le grand oublié du roman national, à la différence de ses amis, Clemenceau, Poincaré, Briand ou Jaurès. L'engagement de celui qui s'illustra comme un des premiers adversaires de Boulanger et un défenseur de Dreyfus a été mal compris. Dépassé à gauche alors qu'il défend l'idéal républicain et un socialisme du gouvernement, il l'est aussi à droite, son patriotisme ayant été largement utilisé et manipulé par l'extrême droite. Son idéal de gouvernement au centre est rejeté par les partis politiques, qui le chassent brutalement du pouvoir en 1924, le précipitant dans une retraite volontaire de vingt années.
Grâce à l'exploitation d'archives inédites, Jean-Philippe Dumas retrace le parcours de cet homme politique tout entier d'exigence et de refus du compromis. À travers le regard toujours vif de celui-ci, il relit l'histoire de la Troisième République, mais surtout fait revivre une pensée essentielle sur la France, la République et la nation.
À l'heure où les thèmes mis en avant par Millerand, la laïcité, le patriotisme, la modernisation des institutions, mais aussi le paritarisme, sont au cœur des débats qui passionnent la société française, il est plus que jamais nécessaire de faire appel à l'expérience d'un homme qui a conduit le pays aux moments les plus dramatiques de son histoire.
D'où vient l'expression " devoir de mémoire " ? Comment s'est-elle imposée dans notre langage courant ? À partir de nombreux entretiens, d'archives inédites et de sources numériques massives, Sébastien Ledoux retrace la trajectoire de cette formule qui éclaire la relation souvent douloureuse que la France entretient avec son histoire récente. Forgé à l'orée des années 1970, le terme investit le débat public dans les années 1990, accompagnant le " syndrome de Vichy " et la réévaluation du rôle de la France dans la mise en œuvre de la Solution finale, avant d'être repris pour évoquer les non-dits de la mémoire coloniale. Doté d'une forte charge émotive, il traverse les débats sur la recomposition du récit national, la place du témoin, le rôle de l'historien, la patrimonialisation du passé ou la reconnaissance des victimes, qui traduisent un tournant majeur et accouchent de nouvelles questions dont l'actualité est toujours brûlante. Ce sont les mutations de la société française des cinquante dernières années qui sont ici analysées par le biais de ses nouveaux rapports au passé que le " devoir de mémoire " est venu cristalliser
La fascination publique pour César semble éternelle. Personnalité hors norme, faiseur de mondes, il a suscité une littérature immense souvent bien éloignée de la réalité du personnage. L'historien Yann Le Bohec, grand spécialiste de l'armée romaine, réunit et met à jour ici ses recherches sur le fameux chef de guerre.
Ni biographie, ni étude globale, ce livre s'attache à la seule facette militaire du pontifex maximus. S'appuyant sur une immense connaissance des textes anciens, l'auteur met à profit les études et les fouilles des sites les plus récentes, afin d'affiner la chronologie et de mieux connaître les parties en présence, leurs forces matérielles et morales.
Yann Le Bohec nous offre ainsi des mises au point magistrales sur la manière dont César a conduit ses troupes, avec une force psychologique rare et le soutien des dieux et du droit. Suivant d'abord la chronologie, il explore ensuite certains aspects primordiaux de la guerre : la poliorcétique, le rôle des esclaves, la guérilla... sans oublier, bien sûr, Vercingétorix et Alésia. Il apporte enfin des éléments pour contribuer à l'histoire militaire de la guerre civile, qui opposa César à Pompée.
Un livre pour redécouvrir César, stratège et meneurs d'hommes.
Orléans 1911
Sociologie d'une ville
En 1911, Orléans semble endormie. L'antique cité des Capétiens, la ville libérée par Jeanne d'Arc en 1429, l'entrepôt de toutes les marchandises du royaume au xviiie siècle, est devenue une ville moyenne de la IIIe République. Mais la vieille cité des bords de Loire n'en connaît pas moins les mutations profondes de la Belle Époque, marquée par les grands percements et les remuements urbains.
L'ordinaire de cette ville est un trésor pour l'historien du social. Antoine Prost, qui la connaît intimement, la dissèque avec l'expertise du clinicien ; il trouve en elle la substance d'une époque.
En cinq chapitres, il révèle la mécanique et les dynamiques, mais aussi les permanences profondes de cette société orléanaise. À l'aube du XXe siècle, dans une France qui s'industrialise, Orléans est une ville où le XIXe siècle ne semble pas terminé, et où le prolétariat n'a pas encore remplacé l'ouvrier urbain d'antan (serrurier, menuisier, mécanicien). L'analyse statistique lui permet de saisir la place des hommes et des femmes dans leurs quartiers, les trajectoires des rentiers, des bourgeois comme des artisans et des ouvriers. Dans le maquis des dénombrements, des recensements, Antoine Prost démêle les statuts des occupants, traque les départs, les alliances, les destinées et montre le lien entre le bâti, le domicile, et le milieu social. Il brosse le rare et nuancé portrait d'une ville en pleine métamorphose, mais qui reste attachée à la célébration de sa sainte Jeanne d'Arc, ferment de son identité. Une leçon d'histoire sociale en pratique.
Europe contre Europe
Entre liberté, solidarité et puissance
LAURENT WARLOUZET
Politique agricole, relance économique, vaccin contre le Covid-19, législation environnementale, etc. : l'Union européenne joue un rôle essentiel et controversé dans la vie de ses habitants depuis des décennies. Sur toutes ces questions, trois modèles s'affrontent : l'Europe du marché, l'Europe solidaire et l'Europe puissance.
À partir d'archives inédites, Laurent Warlouzet revisite l'histoire du continent au prisme de la lutte homérique entre ces trois visions depuis 1945 : l'Europe du marché, souvent dénoncée pour ses dérives ultralibérales, surtout depuis la tragédie grecque du début des années 2010 ; l'Europe solidaire, celle des législations sociales et de la promotion de l'égalité hommes-femmes, qui a conduit la majorité des syndicats britanniques à appeler à voter contre le Brexit ; l'Europe puissance, enfin, évanescente sur le plan militaire, mais s'exprimant dans les projets de politique industrielle communautaire ou dans la lutte contre les GAFAM, et voulant s'imposer face à ses concurrents, États-Unis, Russie ou Chine.
Cette nouvelle histoire de l'Europe, vivante, heurtée et mouvementée, nous montre que l'organisation de l'Union ne suit pas une logique mécanique et univoque. En exhumant des projets abandonnés mais sérieusement envisagés, elle propose aussi autant de futurs possibles dont les Européens pourraient se saisir.
La domination masculine est un fait quasi universel : plus de 80 % des groupes humains sont patrilinéaires et à fort pouvoir masculin. Le Néolithique, qui voit l'émergence de l'agriculture et de l'élevage, est sans doute une des périodes parmi les plus importantes pour comprendre comment et pourquoi nos sociétés sont encore aujourd'hui ainsi configurées. Examiner comment se constituent et interagissent les deux catégories sociales fondamentales que sont celles des femmes et des hommes lors du passage au statut d'agriculteurs-éleveurs sédentaires représente un enjeu majeur dans la recherche des origines des inégalités.
Les rapports de genre au Néolithique ont été encore peu explorés. Il faut néanmoins se montrer prudent, et fonder les conclusions sur ce que disent les données mobilisées. Or, le genre n'a d'existence que s'il s'accomplit, s'il est visible. Il se matérialise par des attributs, des postures et des gestes, par des habitudes, par la manière de conduire des activités. Cette matérialité bénéficie à la discipline archéologique dont le support principal est l'analyse des productions matérielles des humains sous toutes leurs formes : parures, costumes et outillages, modes alimentaires, activités de subsistance, etc.
L'une des premières cultures néolithiques européennes, le Rubané, se prête parfaitement à une telle approche : de nombreux caractères de cette société sont connus et peuvent être mobilisés pour faire ressortir les premières informations qu'il est possible d'énoncer sur les conditions des femmes au Néolithique.
Nous connaissons tous le cyclope de L'
Odyssée, mais combien d'entre nous savent que ses traits rappellent ceux de Tepegöz dans
Oghuz, une épopée turque ? Ou que Shakespeare a repris l'intrigue de
Hamlet dans une chronique de Saxo Grammaticus, historien danois du XXIIe siècle ? Ou encore que Mélisande, l'héroïne de Maurice Maeterlinck, par sa longue chevelure évoque la Raiponce du conte des frères Grimm ? Ce sont ces filiations, ces entrelacements que mettent en évidence les
Lettres européennes.
" L'Europe n'a pas réussi à penser sa littérature comme une unité historique et je ne cesserai de répéter que c'est là son irréparable échec intellectuel ", écrit, en 2005, le romancier tchèque Milan Kundera. Irréparable ? C'est le défi que cet ouvrage veut relever : retracer l'histoire de la littérature du continent Europe, de l'Antiquité à nos jours. Période après période, chaque chapitre effectue un tour d'Europe, donnant un aperçu des évolutions littéraires les plus importantes de l'époque, suivi de l'étude d'un genre littéraire caractéristique, puis d'une présentation de quelques-uns des auteurs phares d'alors, dont le rayonnement éclaire encore notre littérature. Cette troisième édition est enrichie d'un chapitre consacré à l'écriture du XXIe siècle, composé de courts portraits d'écrivains d'aujourd'hui.
Une grande traversée de la littérature européenne, de Homère à Zadie Smith,en passant par Dante, Goethe, Baudelaire, Dostoïevski, Virginia Woolf, Cavafy, Auður Ava Ólafsdóttir et Olga Tokarczuk.
Cet ouvrage, fruit de la collaboration de plus de 200 universitaires, critiques littéraires et écrivains de toute l'Europe, est dirigé par Annick Benoit-Dusausoy, professeure agrégée en classes préparatoires au Lycée Saint-Louis à Paris, Guy Fontaine, créateur de la résidence d'écrivains européens villa Marguerite Yourcenar, Jan Je˛drzejewski, professeur de littérature anglaise et comparée à l'Université d'Ulster et Timour Muhidine, maître de conférences en langue et littérature turques à l'INALCO.