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Editions Boréal
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Fine analyste de discours idéologiques et libre flâneuse de parcours urbanistiques, Régine Robin, historienne, sociologue, écrivain, s'est toujours préoccupée, en lisant, en écrivant et en marchant, des questions politiques d'identité, de culture et de mémoire. Arrivée à Montréal en 1977, professeur et citoyenne, pugnace républicaine devenant Canadienne et prêtant serment d'allégeance à la reine d'Angleterre (elle aurait préféré le faire sur la bible de Proust), l'auteur de La Québécoite, au bout de trente ans de résidence première, évoque, convoque et disloque tout ce qui fait qu'elle est « devenue d'ici » même si, comme elle l'écrit, « je ne me suis jamais sentie chez moi ». Dans ce livre qui inaugure la collection « Liberté grande », on trouve une indéniable et cinglante analyse du nationalisme québécois et un questionnement inquiet sur la transculture et l'écriture migrante. Bilan d'une « allophone d'origine française ».
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Simon Nadeau questionne le passage à la modernité de la littérature et de la société québécoises, revenant aux oeuvres d'écrivains solitaires qui prirent ombrage des Miron et Aquin. Dans leur inactualité apparente, ces textes de Pierre de Grandpré, Ringuet, Jean-Charles Harvey, Paul Toupin, Saint-Denys Garneau, n'ouvraient-ils et n'ouvrent-ils pas encore une voie à une autre conception de l'histoire de la littérature, une autre modernité ? Ces écrivains délaissés osaient une affirmation du moi au lieu du nous. Lecteur de Goethe, de Nietzsche, de Hesse, Nadeau élargit sa réflexion en dégageant la notion de modernité d'une trop forte adéquation avec le monde dit « moderne » qui occulte le noyau signifiant de la modernité : l'émergence de l'individu, d'un espace intérieur, un terroir intime.
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En randonnée avec Simone de Beauvoir
Yan Hamel
- Editions Boréal
- Liberté grande
- 28 January 2020
- 9782764646113
Dans le gigantesque massif de prose que nous a laissé (ou légué) Simone de Beauvoir, Yan Hamel, par-delà les histoires de la vie intellectuelle et artistique parisienne, les souvenirs de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre d'Algérie, les rappels d'engagements politiques, a préféré faire ressortir les pages que la philosophe a consacrées non pas aux marches revendicatives mais aux randonnées en montagne, turban au vent, escaladant des sentiers escarpés, partant à l'aventure pédestre avec quelques compagnons, constamment téméraire, défiant le danger quand Sartre peinait à la suivre... De toutes les figures du Castor, caricaturales ou admiratives, Yan Hamel - marcheur qui a emprunté les mêmes itinéraires - en offre une fraîche, originale, singulière et drôle, celle de la trekkeuse.
« Chacun est libre d'imaginer Simone de Beauvoir comme il la désire. Des années avant la fatale journée du 14 avril 1986 qui allait l'abandonner aux griffes des vivants, elle était loin de pouvoir imaginer tout ce que nous allions faire d'elle. Les morts, enseigne avec raison la psychanalyse existentielle, sont des moulins dans lesquels on entre au gré de sa fantaisie. Depuis que la bière scellée a rejoint celle de Sartre sous la sobre pierre tombale au cimetière du Montparnasse, le souvenir, lui, ne s'arrête plus : il fuit en spirales d'images grumeleuses qui s'entraînent les unes les autres dans le tout-à-l'égout du régurgité assertif. Il m'aura néanmoins fallu choisir une perspective. Les pages qui suivent redonneront donc vie à Simone de Beauvoir, une femme qui a beaucoup marché. » -
Wajdi Mouawad signe, avec Le Poisson soi, un texte à la fois fantomatique et intime, allusif et intense sur la recherche des origines. Il renoue ainsi avec les thèmes qui ont marqué son théâtre, et plus particulièrement le cycle « Le Sang des promesses » (Incendies, Littoral, Forêts, Ciels). Enfant du Liban, vieillard en devenir, il s'inquiète de la route à poursuivre et plonge le lecteur dans les notions, par lui subtilement embrouillées, de temps, d'avancée, de passage, de marche et de la recherche d'un temps passé et d'un temps futur à ressouder pour, peut-être, arriver à les réconcilier.
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Rue des Quatre-Vents, San Telmo
Nicolas Goyer
- Editions Boréal
- Liberté grande
- 5 February 2019
- 9782764645710
À travers les oeuvres de Mario Benedetti, Juan Gelman, Tununa Mercado, Juan José Saer et d'autres, l'essayiste et traducteur Nicolas Goyer entrecroise deux questions, celle des migrations et celle de la traduction. C'est le désir des langues, écrit-il, qui l'a entraîné à vouloir saisir de l'intérieur l'histoire de l'Amérique latine contemporaine, la fracture due aux dictatures, la reconfiguration des relations humaines et du temps qui passe. Il lui fallait mieux comprendre l'historicité argentine-uruguayenne affectée par la terreur d'État implantée et entretenue par les militaires pendant près de dix ans et qui a persisté sous le manteau les années suivant leur retrait : trauma collectif, déni, silence. Il devait aller écouter cette langue.
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Se promenant dans les idées comme l'ont fait jadis tantôt un Fargue, tantôt un Straram, Maxime Catellier déambule en solitaire qui a des amis qui vieillissent, tout comme lui. Dans son présent fait de passé survécu, de futur appréhendé, de mille et une pensées sans âge, il arpente les quartiers qu'on n'a pas encore démolis, parcourt ses campagnes, les rurales et les pugnaces, avec pour compagnons Buies, Nelligan, Issenhuth, Rimbaud, Mallarmé et Dylan. Au menu des jours, espérance, destruction, dépaysement, disparition, critique, action et rêve, fiction et réel, terrorisme et pauvreté, liberté, désespérance.
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L'Homoman à la caméra
Jean Pierre Lefebvre
- Editions Boréal
- Liberté grande
- 6 September 2017
- 9782764644966
Voici un cinéaste qui a conservé son indépendance mais qui ne tourne plus. Fort de vingt-sept films, dont le premier, « L'Homoman », a été tourné en 1963 avec une Bolex à ressort et de la pellicule périmée, Jean Pierre Lefebvre livre dans cet essai sa pensée sur le langage cinématographique et évoque sa pratique forcément combative du septième art. Le réalisateur « d'Il ne faut pas mourir pour ça », de « Jusqu'au coeur » et des « Maudits sauvages », s'interroge sur ce qui, des jeux de son enfance à ses films, a pu l'orienter vers un cinéma de création-invention, celui de la poésie du regard. Loin du cinéma-spectacle. Au coeur de l'acte de créer.
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« À la claire fontaine, m'en allant promener... » Pourquoi Alexandre Soublière, qui a choisi d'aller vivre à Vancouver, s'est-il un jour surpris à fredonner cet air en déambulant dans les rues de la ville ? Quel est donc ce lien qui unit quelqu'un de sa génération - celle des trentenaires - à la culture canadienne-française des coureurs des bois, qui reprenaient le vieux refrain pour scander leurs coups de pagaie ? En outre, cela a-t-il encore un sens de se dire Québécois à une époque où, sous l'effet égalisateur d'Internet, l'idée de culture elle-même semble vouloir disparaître ? Franchissant allègrement la frontière entre la fiction et l'essai, jouant de l'humour et de la provocation sans jamais renoncer à la gravité de sa réflexion, l'auteur de Charlotte before Christ nous oblige encore une fois à nous aventurer hors de notre zone de confort.
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Un garçon désinvolte et plus très jeune rencontre dans un bar gay un ouvrier à la retraite. Va s'amorcer entre eux une indéfinissable relation qui sera directe, abrupte, cupide pour l'un, avide pour l'autre. Leurs solitudes vont s'unir et se jouer rudement mais au coude à coude. Ce sera bâtonnets d'encens et draps moites, affrontements et querelles, le décor glauque dans lequel un amour va naître, le leur. Le narrateur croit que la littérature est peut-être morte et il cherche à dire la vérité de cette liaison singulière et miséricordieuse qu'il a vécue.
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Simon Roy a amorcé l'écriture de ce livre précisément le 22 février 2022, soit un an pile après avoir reçu un diagnostic de cancer au cerveau incurable qui attaque agressivement la partie de sa tête dédiée au langage. Il fait néanmoins encore une fois le pari de l'écriture, pour se prouver qu'il est toujours vivant, et peut-être aussi un peu pour mettre la mort à l'écart.
Passant de l'univers macabre de Stanley Kubrick (The Shining) à celui alarmiste d'Orson Welles (dans son adaptation radiophonique de La Guerre des mondes), il continue, dans ce quatrième roman, de lier ses obsessions personnelles à celles d'oeuvres marquantes qui enfoncent la réalité au risque d'effrayer l'être humain. S'il dévoilait une fêlure familiale funeste dans Ma vie rouge Kubrick, il lie ici une vieille frousse collective et chimérique (une invasion de Martiens) à une peur hélas réelle, celle que provoque la perspective du passage vers un autre monde. Si, dans Fait par un autre, il explorait les châteaux en Espagne échafaudés par un faussaire patenté, il réfléchit dans Ma fin du monde au mensonge, blanc ou noir, qui peut parfois se cacher derrière ces deux petits mots à l'allure innocente : « Au revoir. » Enfin, il nous rappelle le devoir de léguer à ceux qui nous suivront le secret du bonheur, ou du moins le peu que notre séjour sur terre, toujours trop bref, nous aura permis d'en deviner.
Fidèle à son style fait de fragments, entre fiction et réalité, entre alarme et vacarme, sa plume file entre les mailles de la peur, qu'elle soit forte, feinte, fine, fameuse, fantastique ou fatidique, mais qui lui sera, à lui qui signe ici son dernier livre, fatale. -
La-Mèche-Noire pensait alors au monastère buissonnier, son utopie préférée. C'était sa manière à lui de répondre à la question que le Sphinx lui adressait. Ce monastère sans centre ni véritable doctrine signifiait à ses yeux cet ailleurs qui attire et qui élève sans jamais se refermer sur lui-même. Il le voulait aussi disséminé et décentralisé qu'on puisse l'imaginer. Il souhaitait que ses membres de toutes les nations soient libres et créateurs, sans ressentiment ni soif de domination. Souverains, ils s'assembleraient selon leur gré et inventeraient de nouveaux modes de vie, et mille façons de désirer, de rêver, de penser.
Mèche-au-Vent de L'Art de rater sa vie a cédé ici sa place à La-Mèche-Noire. Il est plus vieux, certes, mais il n'a rien perdu de son idéalisme, et son rejet du monde contemporain est toujours aussi virulent. Empruntant aux Mille et Une Nuits et au conte philosophique, citant Goethe ou Hlderlin, ce roman à facettes imagine et conçoit des vies autres qu'ordinaires, des compagnonnages libres, des solitudes amies, d'ardents nids spirituels, des îlots d'idéal disséminés en divers temps et lieux depuis l'ancienne Assyrie jusqu'à la Gaspésie d'aujourd'hui, au Japon, au Cameroun, en Inde. Des communautés spontanées, à l'idéal fervent, et qui ne cessent de s'inventer. -
Le compositeur Claude Vivier est un des créateurs québécois les plus reconnus à l'étranger. Il a étudié auprès de Karlheinz Stockhausen, un des géants du XXe siècle musical, et ses compositions sont régulièrement jouées par les plus grands orchestres du monde.
En mars 1983, à Paris, Claude Vivier trouvait la mort dans des circonstances tragiques. Son assassin, garçon de vingt ans qu'il avait rencontré dans un bar-café de Belleville puis invité à le suivre dans son appartement du square Gardette, n'en était pas à son premier meurtre ce jour-là. On a retrouvé, sur la table de travail du musicien, une oeuvre chorale, Crois-tu en l'immortalité de l'âme?, partition inachevée que sa mort rend prophétique.
Quarante ans plus tard, son ami Rober Racine raconte la traque obsessionnelle du meurtrier dans laquelle il s'est lancé. Qui est cet homme qui a pu infliger une telle violence à un artiste de l'importance de Claude Vivier? À un être dont toute l'existence était consacrée à la création?
Ce faisant, il livre un pénétrant témoignage sur le parcours de vie de Vivier, enfant abandonné, homme assoiffé de sexe, créateur passionné, qu'un enfant également abandonné, adolescent amoral, prostitué par cupidité, a rayé de la vie à coups répétés de lame et de lâcheté. Il propose également une poignante méditation sur les liens mystérieux unissant violence et création. -
Chaque être qui a commencé à croire en la possibilité de sa mort se réveille dans la mélancolie. Il se sent, quelque part au fond de lui-même où loge sa peine écrasante ou sa lucidité sereine, virtuellement dépossédé de ce qu'il est. L'ensemble des nécrologies qui suivent - c'est ainsi que j'appelle ces textes qui traitent d'écrivains disparus - fréquente ces profondeurs crépusculaires, mais avec des antennes permettant aussi d'attraper les clartés qui les pénètrent et parfois les déchirent, au point de nous éblouir admirablement.
[...]
J'ai cru que les rayonnements de ces écrivains et de leur mort pourraient, en définitive, être dirigés comme s'il s'agissait - quoi d'autre sinon - de signaux pour ceux qui doivent encore décoder ce qui tient en vie.
Marie Uguay, Marguerite Yourcenar, Louis-René des Forêts, Primo Levi, Arthur Buies, Robert Walser, Louis Hémon, W. G. Sebald, Catherine Pozzi, Stefan Zweig, Jean Follain, Jules Supervielle, voilà autant d'écrivains chez qui la mort, venue tôt ou tard, choisie, infligée ou assumée, aura « fait son nid », selon l'image de Saint-Denys Garneau qui traduit bien, selon Thomas Mainguy, « l'attraction qu'exerce en nous sa présence et son essor ». Lecteur délicat, l'essayiste qui les regroupe ici, soutenu par les amitiés nées dans l'acte de les lire, a longuement fréquenté les oeuvres de ces disparus et, dans les profondeurs crépusculaires de leurs textes, il a réussi à attraper les clartés qui les pénètrent, parfois les déchirent, et qui l'ont ébloui.
Les douze méditations sur la littérature qu'il nous offre, unies entre elles par des poèmes aussi courts qu'admirables, tressent un lumineux fil d'Ariane pour guider nos pas dans l'opacité de ce qu'on appelle la vie. -
Je me passionne depuis toujours pour les chiffres, du moins, pour l'accumulation et la mise en forme de données. J'aime les chiffres, j'aime les « bases de données ». Je suis surtout attiré par les données qui ne servent à rien et dont on peut tirer des statistiques lumineuses mais tout à fait inutiles.
À cet attrait, l'auteur succombe en menant à fond (perdu) comptes et décomptes des données superflues que l'être humain peut établir, de manies compilatrices en comptabilités inutilisables, assumant son délire jusqu'à considérer qu'édifier un muret de bûches procure un plaisir équivalent à celui de composer un ouvrage d'art et jusqu'à s'étonner, lui qui tient ses « éphémérides de bouche », notant scrupuleusement où et avec qui il prend chacun de ses repas, que l'on ne connaisse pas en détail le menu de la Cène. Nabokov disait que « l'imagination n'est fertile que lorsqu'elle est futile ». Ici, elle fertilise follement. Pas que maniaque, l'auteur, balèze, évoque la Terre, le Climat, le Temps et la Vie.
Dans cette suite d'essais tout sauf ordinaires, Michel A. Bouchard se fait le conteur des compteurs, le recenseur de notre monde. Si une telle ferveur pour les chiffres et les données impressionne, elle n'a d'égale qu'un amour pour une planète dont l'infinie beauté se révèle dans tous ces hasards, coïncidences et petits riens sur lesquels l'humain, malgré ses talents de grand destructeur, n'a aucune prise. La chute d'une tuile du haut d'un hôtel devient ainsi prétexte à réfléchir aux météorites et aux grandes extinctions, et l'achat d'un cerisier japonais à la pépinière du coin ouvre une perspective sur l'évolution du climat depuis douze siècles.
Porté par une prose aussi leste que badine, Les Actes inutiles nous invite à nous arrêter pour compter et contempler ce que nous avons pris l'habitude de tenir pour acquis. -
La géométrie des ombres
Issenhuth Jean-Pierr
- Editions Boréal
- Liberté grande
- 23 October 2012
- 9782764632000
Poète, professeur, critique, petit-fils d'un charpentier alsacien, Québécois depuis des lustres, plus paysan qu'homme de lettres, Jean-Pierre Issenhuth a publié des carnets (Chemins de sable, Le Cinquième Monde) qui rassemblent ses réflexions de jardinier et de promeneur, débusquant dans la littérature et la physique contemporaine les voix qui ouvrent des pistes, lisant le monde tel qu'il va, ruminant ses humeurs humanistes et misanthropes dans une cabane construite de ses mains. L'auteur est paradoxalement un ennemi de la littérature se nourrissant de littérature, « un ermite activement préoccupé de communauté », pour qui « la contradiction est le fond des choses, leur beauté, leur vérité possible et leur moteur ». Disparu en juin 2011, il laisse avec La Géométrie des ombres son testament de journalier du verbe.
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Après trente-cinq ans d'enseignement de la littérature, Yvon Rivard réfléchit sur ce métier, qui est idéalement un métier de partage et d'éveil du désir. Si l'enseignement est une histoire d'amour, c'est que la connaissance et l'amour obéissent au même désir inconscient d'échapper à la mort en laissant le mystère du monde, la beauté et l'étrangeté des êtres et des choses, élargir le regard et la pensée : « Plus le professeur éveille ce désir, plus il s'expose à être pris et à se prendre pour Dieu. » L'auteur aborde ici la question risquée de l'éros pédagogique en s'appuyant sur des oeuvres qui, toutes, se posent, au fond, la question du bien et du mal.
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La litterature à l'éprouvette
Jean-François Chassay
- Editions Boréal
- Liberté grande
- 1 November 2011
- 9782764631317
Professeur de littérature québécoise, spécialiste de littérature américaine, romancier et essayiste, le quinquagénaire à tous crins qu'est Jean-François Chassay n'avait pas quitté l'incubateur qu'il projetait déjà, si l'on en croit l'infirmière de service, de faire se croiser dans l'espace immatériel de ses futures lectures tubes et cubes, narrateurs et respirateurs, science pure et littérature altérante. Ce Cosinus prématuré était né pour porter le sarrau de prof ou de médecin, d'ingénieur ou d'inventeur; bref, tel Sartre qui voulait être Stendhal et Spinoza, il entendait devenir Ferron et Vian, ou alors Marcel Aymé et Kurt Vonnegut. Il n'aura pas connu de guerre, sinon celle des nerfs devant la bêtise, il n'aura pas inventé la bombe, sinon celle glacée des soupers de fête, mais en grand artificier, comme sa Littérature à l'éprouvette le prouve, il est devenu spécialiste en amorçages et désamorçages dans les interactions quasiment insaisissables et pourtant réelles entre les cultures scientifique et littéraire.
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La main gauche de Jean-Pierre Léaud
André Habib
- Editions Boréal
- Liberté grande
- 29 September 2015
- 9782764644096
Il y a les cinémathèques pour les conserver et les programmer, mais qu'est-ce qui demeure en chacun de nous des films que nous avons vus pour la première fois au cinéma ? Que reste-t-il de nos amours cinématographiques ? André Habib se livre à une exploration docte et maniaque de ces restes de cinéma qui s'accumulent, en désordre, dans la mémoire du cinéphile, la sienne et celle d'une vingtaine d'autres fous de cinéma qu'il a interrogés et pour qui le septième art est une passion, un vice impuni. Universitaire mais mordu, il signe un essai sur la cinéphilie qu'il considère comme une discipline anarchique.
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Dr House, l'esprit du shaman
Martin Winckler
- Editions Boréal
- Liberté grande
- 16 April 2013
- 9782764642016
Médecin, écrivain, spécialiste des séries télévisées, il n'en fallait pas plus pour que Martin Winckler, le romancier de La Maladie de Sachs, se penche sur le cas du Dr House qui, à l'étonnement ou à l'effarement de téléspectateurs scotchés à leurs petits écrans durant huit saisons, a pratiqué au service (selon le jargon du métier) des « moutons à cinq pattes », chez les patients au diagnostic difficile. Mal rasé, boîteux, cynique, inspiré et désemparant, ce personnage est livré à l'examen analytique, éthique et spirituel du Dr Winckler qui, tout écrivain qu'il est, envisage et situe son sujet d'étude dans la lignée des héros (un Sherlock Holmes, par exemple) que la fiction offre à nos passions de lecteurs.
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Un defaut de fabrication. elegie pour la main gauc
Bertrand Gervais
- Editions Boréal
- Liberté grande
- 21 January 2014
- 9782764643167
« Mon père voulait ce qu'il y avait de mieux pour son fils, même s'il fallait pour cela aller contre sa propre nature. Nous avions une belle maison blanche dans un quartier cossu, une Cadillac décapotable, des vêtements à la mode, il fallait que le tableau soit parfait. » Ce qui clochait ? Le fils était gaucher. Dans un enchevêtrement de mémoire, d'essai et de fiction, Bertrand Gervais témoigne de la première dictature qui peut s'abattre sur un enfant, celui qu'on forcera à devenir droitier. S'accoudant avec d'admirés gauchers contrariés (Alechinsky, Barthes, Perec, Serres), il s'interroge sur la part qui revient à ce conflit intime dans le processus de création et d'écriture. Élégiaque et perspicace.
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Écrits la nuit, dans sa garçonnière de la rue Wolfe, ces essais de fiction que l'homme de théâtre laissa au tiroir forment un précis d'érotomanie à l'usage ou à l'usure de tous, filles et garçons, hommes et femmes, loups solitaires et rats sociables, baiseurs d'occasion et veuves euphoriques, oiseaux de nuit et matineux, amoureux fous et misanthropes, adultères et onanistes, hétérosexuels au long cours. Explorateurs des frontières, routards au pays du désir, ces spécimens qui descendent d'Aristophane et relèvent de Laclos, de Marivaux et de Ionesco sont autant de créatures inquiètes traversant à cloche-pied la vie des amours ludiques et hasardeuses. Courtes scènes, brèves rencontres, fiascos, extases, confessions, aveux, ivresse, ironie, aigreur, lucidité.
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Sous les apparences d'un roman (et c'en est tout de même un), voici un récit sur une expérience radicale, un renversement des valeurs, une échappée du monde contemporain tel qu'il va. Le lecteur découvrira qu'il est possible de rater sa vie avec art, qu'il n'y a pas qu'une seule façon de réussir et qu'une autre façon de vivre, de sentir et de penser peut être explorée. C'est ce que fait le personnage fantasque de Mèche-au-Vent, qui accomplit sa révolution à travers de petits gestes et une suite d'écarts. Simon Nadeau, après L'Autre Modernité, revient avec une histoire posée entre mythe et réalité, celle d'un déserteur de l'intérieur qui sacrifiera la réussite sociale sur l'autel de sa liberté, subversive et joyeuse.
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Après De préférence la nuit, Stanley Péan revient avec autant d'entrain, de savoir historique et de ferveur pour défendre et illustrer le monde du jazz. Cette fois-ci, rien que des femmes : une galerie de seize musiciennes qui ont connu la gloire avant de tomber dans l'oubli, autant de destins d'artistes qui ont été injustement négligées, mésestimées, cancellées par les historiens patentés du jazz, des hommes en grande majorité. Pianistes, chanteuses, compositrices, trompettistes (ainsi qu'une tromboniste et une harpiste), elles ont tout donné d'elles à cette musique issue de la rude histoire des Noirs, faite de petites victoires contre d'insensées discriminations, une épopée des plus dignes dans laquelle ces grandes oubliées méritent la reconnaissance. Ma Rainey, Lil' Armstrong (épouse de Satchmo), Valaida Snow, Hazel Scott, Mary Lou Williams, et bien d'autres, toutes artistes accomplies et à découvrir en les imaginant dans leurs habituelles robes de satin noir.
Que Stanley rappelle qu'il m'a écouté à -
Quand le jazz est là, Stanley Péan n'est pas loin qui hume, admire, se livre à la passion de cette musique qui s'écoute de préférence la nuit. L'écrivain et l'homme de radio forment un duo pour entrer à pas cadencés dans l'univers enivrant de ces musiques et dans le monde troublant de ces musiciens dont les vies furent exaltantes et tragiques, éthyliques et dévouées, inspirées et cahotantes, tristes et triomphales.
Qu'est-ce que le jazz ? La question est aussi ancienne que cette musique. Il y a autant de réponses qu'il y a de musiciens jazz, mais ceux-ci préfèrent généralement laisser parler les notes. Si Stanley Péan se risque à l'écriture, c'est pour mieux retourner à l'écoute. Ce recueil n'a donc pas pour vocation de disséquer et de définir les multiples esthétiques du jazz ni de convaincre qui que ce soit de leur valeur. L'auteur s'intéresse plutôt aux propos qu'on tient sur le jazz et sur quelques-uns de ses artisans parmi les plus illustres, à la représentation qu'on en donne dans des oeuvres de création, qu'elles fussent cinématographiques, littéraires ou théâtrales.
Stanley Péan raconte des trajectoires de vie, entremêle musique, littérature et cinéma, prend la mesure d'un art aussi fertile et déroutant que le siècle qui l'a vu naître. En point d'orgue, « Black and Blue », un rappel de l'histoire des Afro-Américains dans laquelle ont surgi et grandi en mesure leurs doléances musicales. À l'image du jazz, ces essais sont spontanés et réfléchis, organiques et raffinés.