Doué pour voir, regardeur du monde, l'homme peut-il aussi l'écouter? Les écrivains, les artistes, les poètes ont célébré l'arbre et la forêt sous la forme très spécifique du paysage défini comme spectacle visuel. Qu'avons-nous oublié? La nature de ce qui «fait forêt» n'est-elle pas, de nouveau, à chercher?
Par son souci de réhabiliter l'environnement sonore de la forêt, matrice d'une perception sensorielle du monde, ce livre propose en fait une nouvelle manière de relier perception de la nature et éthique environnementale. La forêt, alors, n'est plus seulement à «regarder» : elle se branche sur du vital.
Dans l'écoute des vibrations sonores de la forêt, c'est le monde que l'on ausculte. Aldo Leopold l'avait déjà magnifiquement dit: « Lorsque nous entendons l'appel des grues, ce n'est pas un simple oiseau que nous entendons, mais la trompette de l'orchestre de l'évolution».
Par ailleurs, la biologie végétale nous a appris que les plantes ont elles-mêmes de multiples façons de percevoir l'environnement, voire d'émettre des sons. Pour entendre et respecter cette intériorité végétale, rien de tel que le mélange de poésie et de science proposé par ce livre.
Notre époque voit se multiplier, dans la confusion des repères et du vocabulaire, des conflits qui témoignent que le paysage devient un enjeu social d'une importance déterminante. Il importait de mettre en relief quelques idées fortes, combinant unitairement diverses échelles d'espace et de temps pour saisir, de manière cohérente, pourquoi la notion de paysage n'existe ni partout ni toujours, pourquoi la société française de cette fin de millénaire est si avide de paysage, pourquoi, suivant les cas, le passage d'une autoroute peut massacrer ou au contraire aviver l'identité d'un lieu...
Après un long parcours, commencé avec La Grande Touffe d'herbes de Dürer (1503), le motif de l'herbe confirme aujourd'hui sa présence dans l'art: figure interne aux écritures (La Fabrique du Pré de Ponge, L'Herbe de Claude Simon), aux peintures (Olivier Debré, Henri Cueco), «matière-émotion» pour certains cinéastes, souvent les plus grands (Malick, Pasolini, Kiarostami). À y regarder de près, l'herbe et ses intensités ne sont plus subordonnées à une représentation paysagère qui ordonne l'espace et le temps.
D'où l'hypothèse à l'origine de cet ouvrage collectif: la recherche de nouveaux fondements à notre relation avec la nature fragilise la représentation au profit de nouvelles expériences esthétiques qui se tournent désormais vers ce que René Char appelait «l'éprouvante simplicité» des motifs élémentaires: le nuage, le rocher, l'arbre, l'herbe... Mais l'herbe n'est pas seulement un motif pour l'art. Il faut la travailler, surveiller sa pousse, la faucher pour alimenter les bestiaux. Dans l'agriculture aussi, la place réservée à la prairie est l'objet de vifs et féconds débats.
Textes de Augustin Berque, Laure Chazelas, Françoise Chenet, Gilles Clément, Michel Collot, Jean Mottet, Claude Murcia, Sylvie Nail, Dominique Louise Pélegrin, Philippe Roger, Guy Tortosa, Jacques Van Waerbeke.
Parce qu'il restitue, à sa manière, les multiples dimensions du paysage, cet ouvrage met en scène, comme autant de paysages traversés, comme autant de paysages aux reliefs contrastés, les points de vue des philosophes - esthéticiens et épistémologues - , des géographes, des historiens - en l'occurrence des archéologues -, mais aussi ceux d'un ingénieur, d'un plasticien et d'un critique d'art. Une place notable a été réservée au regard, protéiforme lui aussi, des écrivains, et, comme une boucle qui se ferme, le livre se conclut par l'intervention d'un égyptologue qui répertorie les formes commençantes de la conscience du paysage dans les hiéroglyphes et dans la peinture des bords du Nil.
Qui connaît en France l'existence d'une « Convention européenne du paysage », qui fait de celui-ci « une composante fondamentale du patrimoine culturel et naturel de l'Europe » ? Aujourd'hui les paysages européens connaissent des transformations accélérées du fait de la mondialisation. Cet ouvrage permet de mieux comprendre les enjeux multiples (politiques, sociaux, économiques, écologiques, mais aussi culturels et artistiques) de cette évolution. Ce volume réunit des spécialistes de plusieurs pays et de diverses disciplines (droit, sciences politiques, sociologie, urbanisme, économie, histoire, géographie, philosophie, arts plastiques, littérature ...), offrant un très large panorama, abondamment illustré, des paysages européens et de leurs représentations littéraires et artistiques.
Aline Bergé est maître de conférences en littérature française et sciences humaines à l'Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3. Michel Collot est professeur de littérature française dans la même université et membre de l'IUF. Jean Mottet est professeur émérite d'esthétique du cinéma à l'Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne.
L'histoire récente des sciences va de la représentation de la nature, avec l'émergence des disciplines scientifiques qui l'étudient, jusqu'à une présentation de la nature opérée par les résultats et les projections des écologues. Ce processus historique se caractérise par une modification profonde de l'idée de nature depuis le début du XIXe siècle. Il aboutit à la conception de la nature comme un ensemble dynamique reliant tous les êtres vivants et leurs environnements dans un processus de changement perpétuel et autorégulé. Cette conception a des implications nombreuses en science et en technique, en éthique et en morale, mais aussi, et cela rarement considéré, en esthétique.
L'écologie a largement inspiré des figures esthétiques nouvelles. Des artistes, urbanistes ou designers relient esthétique et écologie par des réalisations concrètes : coulées vertes, installations éphémères en matériaux naturels, esthétisation directe des objets et des vivants, oeuvres in situ dans les espaces naturels, etc. Ce qui se joue implicitement dans ces oeuvres est symptomatique de la diffusion de la responsabilité écologique.
Ces expériences se rattachent au champ du savoir, de la technique, de l'industrie et de l'aménagement du territoire, l'esthétique n'est donc plus décorellée de notre rapport quotidien au monde. Rassemblées sous la notion d'esthétique verte, c'est un processus vers une réconciliation avec notre environnement qui se déploie.
Mais le changement est progressif, complexe, et des formes d'appréhension de la nature différentes voire opposées coexistent. En les distinguant, l'importance de l'écologie en art et dans la culture commune s'en trouve renforcée.
Enfin, l'expérience esthétique peut servir de levier à la transition de notre rapport au monde ; c'est à partir de cette expérience sensible, ancrée dans l'individu vivant, que se développent les convictions nouvelles et les comportements qui constituent aujourd'hui une culture écologique. L'esthétique verte décrit aussi comment ce levier est activé auprès du public, par la sensibilisation, l'art ou la publicité.
Loïc Fel est né en 1981. Docteur en philosophie de l'Université de Paris-1-Panthéon-Sorbonne, il est responsable du développement durable en agence de publicité.
Dès les premières représentations du paysage en peinture, en Flandre comme à Venise, l'arbre occupe une place privilégiée: associé à quelques autres motifs (le rocher, le chemin, le nuage...), il fait le paysage. Et jusqu'à l'aube du XXe siècle, l'arbre reste à l'ordre du jour du travail des peintres. Avec l'art moderne et le regard en mouvement, l'arbre en plein épanouissement cède la place à des fragments, des traces, des reconstructions d'arbre. Qu'en est-il aujourd'hui? Il y a une vingtaine d'années on pouvait encore vivre avec les arbres, l'eau, le vent... Ces mots essentiels évoquent de nos jours la pureté d'un monde qui n'est plus le nôtre. Pourquoi, alors, en ces temps de détresse, avons-nous choisi de garder les yeux sur l'arbre? Comment comprendre l'insistance du meilleur cinéma (Tarkovski , Erice, Kiarostami, Godard, Denis, Recha...) pour le rencontrer ? Jamais l'arbre n'a été aussi nécessaire à l'homme, mais jamais l'homme n'a exercé sur lui autant de pression de destruction. Dans quelle mesure le « paysage-catastrophe » des dernières tempêtes a-t-il contribué à modifier notre rapport imaginaire à l'arbre? Cet ouvrage se propose de faire le point sur les changements subis par l'image de l'arbre au sein de notre culture visuelle. Car nous pensons le futur en images, et pour comprendre ce qui se joue entre l'arbre et nous, les auteurs réunis dans ce livre ont choisi d'interroger le cinéma, la peinture et la photographie. L'image de l'arbre semble indispensable face aux bouleversements de notre monde. Mais quelle sorte d'image·?
C'est au prix d'une généralisation hâtive d'un trait de la sensibilité de son temps que Chateaubriand déclare : "Tous les hommes ont un secret attrait pour les ruines". S'il est en effet des époques où le spectacle des ruines a fait naître une émotion et un plaisir singuliers, il en est d'autres où il n'a suscité qu'indifférence voire horreur. Tout permet de désigner la Renaissance comme le moment où le goût des ruines s'est manifesté pour la première fois en Occident. Cette apparition elle-même peut être interprétée comme révélatrice de l'émergence d'une nouvelle forme de conscience historique.Située à la croisée de l'histoire de l'art, de l'esthétique et de la philosophie de l'histoire, cette étude s'attache à l'examen du traitement poétique, pictural et philosophique du motif de la ruine, du début du XIVe siècle à la fin du XVIe siècle et appréhende, à travers lui, la transition d'une approche théologique et allégorique de l'histoire à une conception séculière, prenant pour modèle le cycle biologique de la croissance et du déclin.
Dans la première moitié du XIXe siècle, le paysage sublime est le lieu commun du paysage romantique. Dans sa redéfinition du sublime comme expérience, le romantisme va davantage développer une esthétique du paysage qu'une topique de la puissance naturelle (le volcan, la cataracte, l'orage ou la tempête) ou de la représentation de l'infini (Dieu, la mer, la montagne). Cette poétique du paysage peut s'interpréter dans le sens d'une révélation du Chaos : magnifique confusion et profusion de l'existant, mais aussi radicale négativité de l'être. C'est ainsi que le paysage sublime ouvre sur une philosophie de la nature qui en révèle la fondamentale indétermination ontologique. La composition du paysage trouve ainsi son écho dans la construction du personnage. et notamment dans la figure du héros romantique, taraudé par une indétermination native, hanté par une liberté inconditionnelle et radicale. Pour le romantisme, le paysage naturel n'est donc pas étranger à l'investissement éthique ou à la contemplation métaphysique, c'est même au sein de cette grande nature correspondant à sa démesure que l'homme romantique va définir son projet : élan génial et enthousiaste, révolte ou renoncement ?
Dans le cadre des réflexions sur le paysage français, l'État français a demandé à trois personnalités étrangères de porter un «regard neuf, extérieur sur les paysages français contemporains». Ces trois experts, un ingénieur aménageur japonais, un urbaniste néerlandais et un historien des jardins anglo-américain, ont voyagé en France pendant quinze jours selon l'itinéraire de leur choix; les trois rapports issus de ces voyages font la matière du présent volume.