Marie dit la vie la vie
tu n'as que ce mot aux lèvres
c'est vrai j'avoue la vie est le seul
refuge, je ne sais plus trop à force
si « j'écris sur vous au lieu de
mourir » ou pour rejoindre un verbe au présent
« et me sentir mille choses heureuses à la fois »
ayant atteint « la bienveillance du réel »
du genre ces bras entre nous respirés
alors c'est gagné la vie la vie
Stéphane Bouquet, scénariste, danseur, critique, traducteur, a publié plusieurs livres de poésie ou autour de la poésie (les derniers en date, Les Amours suivants et Vie commune, Champ Vallon, 2013 et 2016, et La Cité de Paroles, Corti, 2018). Les Amours suivants et Vie commune sont traduits aux Etats-Unis.
Ce livre pose une question simple qui peut se dire de plusieurs façons : qu'est-ce que vivre ensemble ? et comment s'y prendre ? Quelles sont, aujourd'hui, les utopies (amoureuses, amicales, collectives) à notre disposition pour refonder un espoir commun ?Ce livre pourrait sembler fourre-tout : il contient trois poèmes, une pièce de théâtre, trois récits. Mais son projet est plutôt de dire qu'il n'y a pas besoin, ni de raison, de tailler des territoires trop précis et étanches, des spécialités impénétrables. La porosité est l'idéal ici défendu : la frontière souple ou flexible, la limite qui n'en est pas une.
Inlassablement, à rebours de toutes les déconstructions modernes de sa longue tradition bucolique, la poésie continue d'évoquer la nature. Elle nous rappelle ainsi que nous en sommes partie intégrante.Au plus intime de la parole du poème, une note pastorale souvent continue son murmure. En son ostinato, elle témoigne du pacte pastoral immémorial qui lie poésie et nature et fait de la première une « éco-logie » au sens fort.Hantée toujours par le vieux rêve d'un Âge d'or, la poésie demeure porteuse d'une indéconstructible promesse d'habitation poétique de la Terre. S'inquiétant de l'apocalypse qui menace, elle invite à imaginer des formes de vie alternatives en même temps qu'elle cherche à inventer ces chants pastoraux nouveaux dont nous avons aujourd'hui grand besoin.
Jean-Claude Pinson est né en 1947. Après, en 1995, un premier essai sur la poésie contemporaine, Habiter en poète, suivront plusieurs livres de poésie (Fado [avec flocons et fantômes]) (Champ Vallon, 2001), Alphabet cyrillique (Champ Vallon, 2016), et, en 2018, aux éditions Joca seria, un récit en prose à caractère autobiographique intitulé Là (L.-A., Loire-Atlantique), variations autobiographiques et départementales.
Les études critiques relèvent généralement de la théorie ou du catalogue. Ce rassemblement de chroniques prétend procéder autrement, en cherchant ce qui peut éclairer une rencontre, en explorant chaque oeuvre à la lumière de l'intensité du choc qu'elle procure. Ainsi s'édifie un tableau inédit de la vitalité de la poésie, et une réflexion ouverte aux voix de la poésie nationale mais aussi internationale, trop souvent négligée dans le paysage littéraire français. L'écriture, poétique comme critique, prend dès lors exemple sur le travail de la mer, qui selon le poète grec Aris Alessandrou « ne cesse de mêler / algues et ciel / s'efforçant à trouver sa juste couleur ».
livier Barbarant a publié plusieurs ouvrages, notamment de poésie, dont l'un, Odes dérisoires et quelques autres un peu moins, a reçu le prix Tristan-Tzara. Tous sont publiés aux Editions Champ Vallon. Une anthologie Odes dérisoires et autres poèmes (anthologie) est parue dans la collection «Poésie/Gallimard» en 2016. Il a également dirigé la publication de l'oeuvre poétique d'Aragon dans la Bibliothèque de la Pléiade. En 2019 son recueil Un grand instant a reçu le prestigieux prix Apollinaire.
Féerie est un livre protéiforme, érotic-fantastique, dédié aux hommes aimés - aux amants. Il y a de vraies histoires d'amour et puis d'autres qui partent dans des délires : des délires égyptiens (Thot le dieu savant magicien), sorciers (la mandragore), indiens (Navajos), ésotériques (les fantômes), féeriques (les fées, les anges). Il y a l'univers d'Odilon Redon, Les lais de Marie de France, et tout ça fait de Féerie une sorte de livre des Merveilles.
Sophie Loizeau est poète. Son oeuvre, originale, puissante, féministe, engagée depuis le début pour la défense de la nature et des animaux, est marquée par le fantastique et le mythologique, par le désir et la sexualité.
Parmi ses derniers livres : La Femme lit, Flammarion, 2009 ; Caudal, Flammarion 2013 (prix François Coppée de l'Académie française 2014) ; Lys, avec des dessins de Bernard Noël, Fissile 2014 ; Ma Maîtresse forme, Champ Vallon 2017 ; Les Loups, Corti 2019.
Sous la forme d'un abécédaire, dont les 33 lettres de l'alphabet russe sont les étoiles, un voyage, réel autant qu'imaginaire, en Russie (ou plutôt en « Soviétorussie » comme disait Marina Tsvétaïeva).Revenu d'on ne sait où, le poète Lermontov est le maître à danser de cet opéra-ballet linguistique. D'autres revenants (un sosie de Leopardi, un double de Kojève, un pseudo Beaudelaire...) lui donnent la réplique, tandis qu'un narrateur du nom d'Aïe Ivanovitch assure la mise en scène.Entremêlant micro-fictions, bribes de poèmes, fragments autobiographiques, dialogues et jeux sur les langues, Alphabet cyrillique est un livre au genre délibérément indécis. C'est aussi à l'occasion un abécédaire enfantin, contenant un bestiaire, un livre sur l'art d'être grand-père et même à l'occasion un manuel de russe pour grands débutants, doublé d'un cahier de solfège et de chant pour l'éternel étudiant en art de vivre qui sommeille en chacun.
Ma maîtresse forme souligne non seulement la primauté de la nature mais aussi la nécessité vitale de l'écriture, et plus particulièrement en poésie. Montaigne dit que chacun s'il s'écoute découvrira en lui un caractère dominant (forme sienne, maîtresse forme, forme universelle). C'est au moyen de celle-ci que la nature se fait sentir en nous. Et c'est bien la nature, la terre matricielle, qui se fait entendre ici: la terre, la forêt, les bêtes, puis l'écriture et ses lieux, l'enracinement et la filiation, le souvenir et le deuil, et enfin les invisibles. Mais le point central de ce livre est qu'il est conçu comme un livre bilingue, où une langue serait écrite et l'autre entendue, entendue en quelque sorte de la bouche même de l'auteure, avec tout ce que l'écoute peut avoir de singulier.
"La forêt est le lieu d'un peuple devenu
Invisible. Peut-être est-il vrai que jamais,
Aujourd'hui comme hier, il n'eut d'existence,
Ce qui pourtant en aucun cas ne saurait être
Ni constituer une excuse suffisante,
Acceptable pour quiconque a entendu : Il
Etait une fois, c'est-à-dire hors du temps,
Une fée, une bête, un roi, une reine, un
Prince, un château dans les ronces au fond des bois,
Taillé comme un diamant où dort une fille
Sur laquelle veille un loup devenu un saint
Par le jeûne et l'abstinence, abattu d'un coup
De hache par un bûcheron, ressuscité
Et depuis conduisant les âmes dans la nuit."
Vendredi 30 juin 2006.
Le journal en sonnets de Robert Marteau (1925 - 2011) se poursuit par La Venue (années 2005-2006), huitième recueil de Liturgie (après Liturgie, Louange, Registre, Rites et offrandes, Le temps ordinaire, Ecritures, Salve). Outre son oeuvre poétique, Robert Marteau est également l'auteur de nombreux écrits en prose - romans et essais - ainsi que de traductions, notamment de l'espagnol et de l'anglais.
Né en 1925 en Poitou, fils de forestiers, ROBERT MARTEAU est décédé en 2011. Son oeuvre est importante et multiforme : il a publié de nombreux recueils de poèmes (Travaux sur la terre, Salve...), des romans (Le Jour qu'on a tué le cochon, Des chevaux parmi les arbres...), des ouvrages en prose (Fleuve sans fin, Sur le motif...), des textes sur la peinture (Le Louvre entrouvert, Le Message de Paul Cézanne)...
En 2003, il a reçu le Prix de poésie Charles Vildrac de la SGDL pour Rites et offrandes.
L'Histoire de France est, à la manière d'une lanterne magique, une machinerie à images. Ainsi celle des figures royales comme cette Reine Claude dont la mort est la trame du récit: mort d'une reine, d'une femme, d'une mère, avec la petite fille toujours en elle. C'est une ombre essentielle envoûtée de son immense soleil, qui la protège, la dévore aussi un peu: le Roi François. Par le récit se révèle le coeur de ce qui nous aura fabriqué un destin - une famille, toujours royale - avec la folle tentative de retrouver la chair vive derrière les haillons du temps passé. Bref, une histoire de famille.
Sur du papier d'amour - des lettres ! - ou à la plage, mots périssables, les revoici aux fenêtres via la focale de la vitre ou par l' oeil amoureux noir de Franz Kafka, les revoici après le lent travelling des balançoires, les Ô d'automne et d'écriture, cherchant dans l'impasse le rapprochement des corps, contre le froid la sève qui reprend, les mots, langue aimée, perdue dans les allées de l'Europe, entrée puis sortie du théâtre, qui ne tiennent qu'à un film, amour des mots - continuons.
C'est un texte sur l'enfance, la part de solitude qu'elle peut contenir, une enfance que l'entourage semble mal comprendre, un peu comme si l'enfant était plus intelligent que les adultes.Alors, il y a la campagne, dans un pays de montagne à vaches, que l'enfant ne réalise pas être l'Auvergne, car lui et elle ne font qu'un, ou presque, cette campagne de paysans, avec qui il entre en profonde sympathie, car sans doute elle le guérit, par l'évasion qu'elle lui offre. Il y a aussi la salle de classe, l'école, où se fond l'univers, des lieux où monde intérieur et extérieur se mélangent dans une confondante, mystérieuse et dangereuse confusion. La solitude se remplit d'un imaginaire où affleurent de petites mythologies enfantines, où viennent les Confédérés, le Tour de France, les champions du passé, bien sûr l'Histoire.Alors la fuite peut s'organiser vers les mystères familiaux, généalogiques que les multiples deuils ne cessent d'activer, les figures tutélaires, les vivants prestigieux et les morts jamais inquiétants, que l'enfant comprend être ceux par qui les interrogeant, il obtiendra les réponses que les adultes ne sont pas capables, englués qu'ils sont, de lui donner.Alors s'organise le grand voyage vers la mère de la mère, trop tôt disparue, et par l'oncle, et par ce monde cévenol, il remonte le temps pour y puiser de quoi construire son identité, sa vie, son futur. Avec la branche maternelle qui rend tout son prestige, toute sa superbe, mais un peu dans les douleurs, - tout de même.
"Je mets en mon carnet ce que je ne sais pas;Ce que chacun de mes pas me découvre alorsQu'en marchant le ciel et la terre devant moiS'entrouvrent peuplés d'imprévus, d'événementsMinuscules : migration d'oiseau, criquetVert escaladant une herbe, avion en hautChien qui aboie : à tout instant l'éternitéQui frappe à la porte au moment même où le picNoir tape du bec pour extraire de l'écorceLes parasites dont il se nourrit. La pie,La buse, chacune à sa chanson, s'ingéniant -L'une sur l'arbre, l'autre en suspens sur son erre -Entre elles à garder la distance. Un rayonDe soleil soudain répand l'ombre peint les fleurs(Vendredi 13 août 2004.)Salve (2003-2004) est le septième recueil de Liturgie, le journal en sonnets de Robert Marteau (1925-2011).
« Je me suis souvent promené sur cette berge à la recherche d'un coin de pêche. Je rêvais de goujons. Un brochet qui croisait dans ce coin, les pêcheurs le surnommaient le Couturé ou Jojo l'esquive. Je donnerais tous mes livres d'insectes, mes boîtes de soldats, pour servir de porteur à leur attirail de pêche. Celui qui court chercher la bière fraîche et le casse-croûte, pour s'approcher quand l'un d'entre eux aura ferré Le Couturé. Buste tiré en arrière et canne pliée comme un arc, à tout rompre. Ils n'ont jamais voulu de moi. »Jean-Louis Giovannoni est l'auteur d'une quinzaine de recueils de poésie, d'essais (Traité de la toile cirée, Deyrolles) et de « romans intérieurs » comme Le Journal d'un veau (Léo Scheer).
On essaye d'écrire un livre. Du moins on le croit. On l'inscrit dans la logique des livres antérieurs. On se dit, espérant encore, celui-là sans doute ira plus loin.Malgré tant de pages rien ne bouge. On voulait des vers brefs, des poèmes secs, renversant les formes anciennes, mais tout se défait au fil des années, l'écriture erre selon sa guise, malgré la volonté, le désir.Au bout du compte que reste-t-il sinon les débris du combat ? un livre allant se défaisant, une espérance mouvement, et elle va piétinant.Qui fut dehors fut aussi dedans,dans le même temps.A quoi bon se convaincre d'illusions. Sortir ce n'est qu'« Achille immobile à grand pas ».Pourtant on insiste, on va, on ira encore, au prix de quels piétinements,dans le délabrement des formes, le délabrement des livres,et de la vie, là-bas, toujours si incertaine.Sortir dit-on.