Sur un paquebot reliant New York à Buenos Aires, en 1939, le champion du monde d'échecs est mis en difficulté par un inconnu lors d'une partie improvisée.
L'homme, qui affirme ne pas s'être assis devant un échiquier depuis plus de vingt ans, confie au narrateur sa terrible histoire : rescapé de la terreur nazie en Autriche, il a été soumis pendant plusieurs mois à la torture psychologique d'un isolement total, auquel seul le jeu d'échecs, qu'il pratiquait mentalement, lui a permis d'échapper...
Le Joueur d'échecs, que Zweig rédigea en 1941 depuis l'exil et qu'il acheva peu de temps avant de se donner la mort, est l'unique texte de fiction dans lequel il évoque frontalement le nazisme. OEuvre d'un auteur orphelin de sa patrie comme de ses idéaux, cette nouvelle est aussi une réflexion sur le destin de l'Europe et du monde - ce monde devenu, à l'heure où écrit Zweig, un grand échiquier où « plus rien n'est à sa place ».
Illustration de couverture : Virginie Berthemet © Flammarion
Orgueil et préjugés est sans doute le plus romanesque et le plus anglais des romans anglais. L'histoire des cinq filles Bennet selon le point de vue de la cadette, Elisabeth, est une peinture des moeurs du début du XIXe siècle : la bonne société, ses codes et ses carcans, les questions de l'argent et du mariage sont au premier plan pour ces jeunes filles, dont l'avenir dépend entièrement des hommes.
Jane Austen a écrit le portrait de femmes et le contexte d'une époque, avec humour et élégance, livrant ainsi un grand classique de la littérature qu'on ne se lasse de redécouvrir.
© Domaine public (P)
Bel-Ami Alors que Georges Duroy erre dans la capitale sans un sou en poche, il rencontre un ancien camarade de régiment, qui lui propose de devenir journaliste à La Vie française... Ainsi commence Bel-Ami (1885), l'histoire d'une ambition assouvie à travers l'argent et les femmes dans le Paris fastueux des années 1880. Cynisme d'une presse en plein essor, corruption politique, stratégie amoureuse, vanités mondaines : cette plongée impitoyable dans la société parisienne de la fin du XIXe siècle fait de Bel-Ami le roman le plus balzacien de Maupassant.
"Rastignac, resté seul, fit quelques pas vers le haut du cimetière et vit Paris tortueusement couché le long des deux rives de la Seine où commençaient à briller les lumières. Ses yeux s'attachèrent presque avidement entre la colonne Vendôme et le dôme des Invalides, là où vivait ce beau monde dans lequel il avait voulu pénétrer. Il lança sur cette ruche bourdonnante un regard qui semblait par avance pomper le miel, et dit ces mots grandioses : À nous deux maintenant !".
"Dès leur parution en 1782, Les Liaisons dangereuses connaissent un engouement, une vogue qui ne se dément pas. Bonheur des mots, passion d'une intrigue conduite comme un drame classique, les Liaisons conduisent dans les méandres du coeur humain, pétri d'amour et de vanité, mais aussi au sein d'une société marquée du double sceau de la frivolité et de la destruction.
Entendre les Liaisons dangereuses, c'est plonger dans l'univers obscur des âmes avec, pour seul guide, son libre arbitre. Il faut faire table rase de tous préjugés, moraux ou idéologiques, et être prêt à frôler, jusqu'à l'ivresse, la perte...
Une lecture en forme de marche horlogère - Tout est en place pour l'exquise mécanique. Ludmilla Mikael, en très élégante mais implacable Mme de Merteuil, engage la pique acérée de sa plume avec le Vicomte de Valmont. Ce dernier, par la voix de Didier Sandre, réplique pas à pas. Il y a du duel, sous les froissements de la soie, il y a des claquements affreux dans le bruissement des parquets. Chaudes, allantes, mais déterminées comme une tactique militaire, comme un chef."
Eugénie Grandet, qui passe pour l'un des modèles du réalisme balzacien, est une histoire vulgaire, le récit pur et simple de ce qui se voit tous les jours en province écrit Balzac dans sa Préface de 1833.
C'est surtout le grand roman de l'argent et de l'avarice, incarnée par l'un des personnages les plus célèbres de La Comédie humaine, le père Grandet : Balzac, selon Lamartine, a dans cette oeuvre drôle et satirique cent fois dépassé l'incomparable Molière . Mais Eugénie Grandet est aussi le roman de l'attente et de l'ennui, l'histoire déchirante d'une Pénélope sublime, éprise de son cousin de Paris, frivole dandy à qui elle sacrifiera tout, et qui la laissera vieille fille...
Ainsi que l'écrivait Sainte-Beuve, ce récit frôle le chef-d'oeuvre qui se classerait à côté de tout ce qu'il y a de mieux et de plus délicat parmi les romans en un volume.
Qu'est-ce que Candide ? Le conte le plus court, le plus comique, le plus connu des Lumières. Condamné en plusieurs pays, lors de sa parution, pour indécence et effronterie, interdit de lecture par Diderot à sa fille, le voilà qui caracole aujourd'hui en tête des best-seller de la littérature classique. On le porte au théâtre, on le met en musique, il attire les illustrateurs, inspire des cinéastes.
Qu'y trouve-t-on ? Selon Voltaire lui-même, sans doute peu sincère, une « coïonnerie ». En fait, cette fable affronte la dure question du mal. Candide, élevé par son maître Pangloss dans la philosophie de l'optimisme, rencontre à travers l'Europe et l'Amérique un déluge de calamités amères et cocasses : expulsion, guerre, tremblement de terre, autodafé, esclavage, maladies... Il finira par se forger sa propre morale - cultiver notre jardin -, loin des métaphysiques stériles :Voltaire, adversaire de la Bible, venait d'inventer une des paraboles les plus célèbres de la littérature.
Nana ruine ceux qui la désirent : le banquier Steiner, le capitaine Hugon... tous seront séduits et conduits au désespoir par la «Vénus blonde». En décrivant la vie d'une courtisane, Zola dépeint, à la manière des moralistes, la débâcle de la société bourgeoise du Second Empire en un saisissant tableau de moeurs.
Un héros qui s'éveille doit avoir la splendeur d'un soleil levant , écrivait-on l'année où fut créé Le Cid.
Rodrigue, qui par un coup d'éclat accomplit les promesses de gloire qu'il porte en lui, conquiert tous les coeurs, jusques à celui de Chimène dont il a tué le père, et se place au-dessus des lois, pourrait être ce héros mais tout aussi bien Corneille, dont cette pièce radieuse marque l'accomplissement dramatique.
Le 9 décembre 1896, un jeune homme crée le scandale en faisant jouer au Théâtre de l'OEuvre une farce truculente, Ubu roi. « Merdre ! » Sitôt le premier mot lâché, la salle siffle, hue, rit, proteste : le public est insulté, les conventions théâtrales bousculées, le grotesque s'introduit dans le théâtre d'avant-garde. En mettant en scène les tribulations du Père Ubu - personnage cynique et ordurier, prêt à tout pour s'accaparer le pouvoir -, Jarry donne naissance à un véritable mythe. Blague de potache témoignant de l'inventivité d'un lycéen rennais ou « pamphlet philosophico-politique à gueule effrontée », selon le mot d'un journaliste d'alors, Ubu roi est d'abord un feu d'artifice verbal qui, plus d'un siècle plus tard, n'a rien perdu de sa saveur.
"Ainsi parlait Zarathoustra est sans conteste le livre le plus déroutant d'un philosophe lui-même inclassable.
Nietzsche prétendait par là donner à l'humanité la "Bible de l'avenir", une Bible profane qui supplanterait toutes les autres. D'où l'étrangeté et l'indéfinissable beauté de cet hymne à la vie pleine et entière. "Peut-être Zarathoustra appartient-il tout entier à la musique : il est en tout cas certain qu'il présupposait une véritable renaissance de l'art d'écouter", écrit Nietzsche dans Ecce Homo de ce "livre pour tous et pour personne". Quoi de plus naturel alors que de faire entendre les meilleurs morceaux de cette musique inouïe ?
Le risque d'une lecture à voix haute était certes de céder à l'exaltation romantique, mais Thierry Frémont a su trouver la juste tonalité lyrique, qui permet d'exprimer l'enthousiasme sans mièvrerie.
Volume 1 : L'ouvrage débute par le déclin de Zarathoustra, qui n'hésite pas à se perdre d'abord pour mieux se retrouver par la suite. Pour devenir peu à peu ce qu'il est, à savoir le prophète de l'éternel retour du semblable, ce porte-parole exotique de la pensée de Nietzsche s'engage ainsi dans un voyage pour l'essentiel intérieur, jalonné de rêves éveillés, dans le but de sortir l'humanité de son "profond sommeil" et lui indiquer la voie de la grandeur, de la victoire sur soi."
Claude Colombini & Yannis Constantinidès
Yvain est chevalier hardi et entreprenant, envieux de réussir là où les autres échouent. Il affronte l'aventure de la fontaine qui bout ; il conquiert une femme, il conquiert une terre, il conquiert l'amour : le voici marié.
Un beau conte s'en tiendrait là. Ce n'est que le début du roman de Chrétien de Troyes. Le héros va connaître le désespoir, la folie ; il en sortira transformé, et découvrira un autre sens à la prouesse et à l'amour. Ce serait simpliste si Chrétien de Troyes n'était pas un poète qui conserve à la destinée humaine son épaisseur de mystère et fait résonner en nos coeurs le secret de mythes vieux comme les forêts celtiques.
À la demande de la comtesse Natalie de Manerville, dont il est épris, Félix de Vandenesse relate sa première passion, celle qui le lia, dans sa jeunesse, à la vertueuse Henriette de Mortsauf. Mais peut-on sans conséquence raconter un amour passé, fût-il platonique, à l'être qu'on aime ?
Ainsi que l'écrit Catherine Millet : « Je tire de ce récit une morale qui ne pourrait que décevoir une personne comme Félix, jeune et amoureuse [...]. Dans une relation d'amour, il est absolument illusoire, pour ne pas dire naïf, de vouloir être transparent l'un à l'autre. » Roman des plaisirs interdits et du désir réfréné, Le Lys dans la vallée est aussi, de tous les récits de Balzac, l'un des plus lyriques et des plus désabusés.
« Pendant un demi-siècle, les bourgeois de Pont l'Evêque envièrent à Mme Aubain sa servante Félicité. Pour cent francs par an, elle faisait la cuisine et le ménage, cousait, lavait, repassait, savait brider un cheval, engraisser les volailles, battre le beurre, et resta fidèle à sa maîtresse - qui cependant n'était pas une personne agréable. » Un coeur simple La Légende de Saint Julien l'Hospitalier Hérodias
Me voici donc seul sur la terre, n'ayant plus de frère, de prochain, d'ami, de société que moi-même.
Après le temps des Confessions vient celui des Rêveries, où Jean-Jacques retrouve la plénitude de soi et engage par l'écriture une réflexion sur l'introspection et les limites de la reconstitution du passé.
En imposant Hernani, chef-d'oeuvre du drame romantique, à la Comédie-Française, temple du classicisme, Victor Hugo fut à l'origine de l'une des plus célèbres batailles de l'histoire littéraire. « Tissu d'extravagances », fruit d'un « esprit humain affranchi de toute règle et de toute bienséance », selon la censure, Hernani marquait l'avènement d'un théâtre mariant le sublime au trivial et investi par le lyrisme, l'épique et la politique. Drame historique retraçant l'accession à l'Empire de Charles Quint, comédie d'intrigue mettant en scène un roi, un vieillard et un bandit épris de la même femme, tragédie héroïque sous-tendue par la loi de l'honneur aristocratique, Hernani incarne le mélange des genres. Consacrant le triomphe de l'avant-garde artistique, la création de cette pièce flamboyante, au printemps 1830, entérinait la révolution française du goût.
Couverture : Virginie Berthemet © Flammarion (d'après un détail de la tapisserie de la tenture de la Comédie-Française, par Jacques Ferdinand Humbert, © Roger-Viollet)
Un père à la recherche de son fils consulte un magicien qui lui offre la vision des aventures du jeune égaré, faites d'amour, de duels, mais aussi d'impostures et de trahisons...
Mêlant éloquence tragique, emprunts au répertoire de la comédie italienne et récit d'initiation, L'Illusion comique (1635), oeuvre de jeunesse, est un étrange monstre , au dire de Corneille lui-même. Identité fuyante des personnages, invraisemblances de l'intrigue et subtilité du montage illusionniste font de cette pièce baroque et capricieuse une vibrante apologie du théâtre.
En 1872, Jules Vallès, l'un des journalistes les plus célèbres de son temps, est condamné à mort pour son engagement dans la Commune de Paris ; exilé à Londres, il se lance dans l'écriture d'un récit d'enfance, à mi-chemin entre le roman et l'autobiographie : L'Enfant, premier volet de la trilogie des Mémoires d'un révolté, paraît en 1878.
Dédié à tous ceux qui, pendant leur enfance, furent tyrannisés par leurs maîtres ou rossés par leurs parents , le livre fait scandale : en relatant le quotidien d'un jeune garçon d'alors, Vallès y brosse un tableau impitoyable de deux institutions vénérées, la famille et l'école. Véritable cri d'insoumission, cette oeuvre initia un débat autour des droits de l'enfant, à l'époque quasi inexistants ; elle inspira des générations d'écrivains, de Jules Renard à Louis-Ferdinand Céline, et fut saluée à sa sortie par Zola, qui écrivit : "Je désire qu'on lise ce livre. Si j'ai quelque autorité, je demande qu'on le lise, par amour du talent et de la vérité. Les oeuvres de cette puissance sont rares. Quand il en paraît une, il faut qu'elle soit mise dans toutes les mains."
Perceval vit à l'écart du monde, ignorant de tout, et même de son nom. Un jour, dans la forêt, il croise cinq chevaliers revêtus de leur armure : émerveillé, il décide de rejoindre la cour du roi Arthur pour devenir un des leurs. Ainsi débutent les aventures de Perceval, qui affrontera cent ennemis, rencontrera l'amour et tentera de percer le mystère du graal.
Comment un enfant rustre et naïf va-t-il devenir un parfait chevalier ? C'est toute l'histoire de ce roman d'apprentissage avant la lettre. Car Perceval ne parviendra au plein accomplissement de sa personnalité qu'à condition de connaître les codes en vigueur. Et même alors, il devra s'en détacher pour accéder à une plus haute vérité.
Par cette fresque aux allures de roman policier, Balzac dépeint et fustige les incohérences sociales, politiques et judiciaires de son époque. Paru sous forme de feuilleton entre 1838 et 1847, Splendeurs et misères des courtisanes est un roman foisonnant de personnages hauts en couleur mêlant intrigues amoureuses et policières dans le Paris interlope du XIXème siècle. Le jeune et beau Lucien, monté à la capitale avec des ambitions littéraires sera confronté aux milieux du crime et de la prostitution, tombera sous l'emprise d'un ancien bagnard dont les intentions équivoques le conduiront loin de ses rêves initiaux...
"Que philosopher c'est apprendre à mourir". Emprunté à Cicéron, ce titre célèbre de l'un des Essais de Michel de Montaigne résume l'enseignement attendu du stoïcisme - l'école philosophique dont Sénèque, homme d'État et écrivain latin (4 av. J.-C. - 65), fut l'un des plus éminents représentants. Pourtant son petit traité De la brièveté de la vie n'a rien de tragique, et s'il nous invite à méditer sur l'imminence de la mort, c'est bien plutôt pour nous apprendre à vivre. Vivre véritablement, c'est-à-dire en philosophe. Jean-Pierre Cassel fait plus ici qu'interpréter le texte : il incarne à proprement parler Sénèque. L'acteur fait siens le souffle et la chair du philosophe et sa seule voix, sereine et ferme, donne à entendre la pratique philosophique stoïcienne dans une interprétation sobre et délicate. Claude Colombini-Frémeaux
Les Affinités électives (1809), récit de la maturité de Goethe, est l'un des chefs-d'oeuvre de la littérature allemande. Roman social offrant une peinture critique de l'aristocratie terrienne à l'aube du XIXème siècle, Les Affinités électives est en même temps un roman d'amour, décrivant avec un détachement scientifique les mystérieux phénomènes d'attirance et de répulsion qui se jouent entre les êtres comme dans la nature, mais aussi, et surtout, une oeuvre tragique et mélancolique, une histoire de passion et de mort, qui s'achemine vers un désastre programmé.
Le détachement ironique du narrateur, les ambiguïtés du récit, la subtilité de la construction font de ce livre un des premiers grands romans modernes.
La femme de trente ans évoque la condition féminine au travers du récit d'un mariage qui échoue. Julie de Chastillon est une jeune femme poussée trop vite dans le mariage et en quête permanente d'une rencontre amoureuse digne d'être vécue, elle devient adultère. Entre les déceptions dans l'intimité conjugale et le devoir de garder les apparences en société, Balzac nous fait le récit parfaitement réaliste d'une jeune femme "à qui le mariage ne [...] réussit point". Il est le peintre des femmes et révèle dans un décor brutal, ce que certaines n'osent pas avouer. Parue en 1842, La Femme de trente ans appartient aux "Scènes de la vie privée" de La Comédie humaine.
La Phénoménologie de l'esprit n'est pas seulement un ouvrage décisif dans l'histoire de la philosophie : c'est aussi, aux côtés du théâtre de Shakespeare ou de La Divine Comédie de Dante, l'une des oeuvres majeures de la culture occidentale. Achevée dans l'urgence, parue en 1807 dans une Europe agitée par les guerres napoléoniennes, elle eut un succès tardif : en France, il fallut attendre le XXe siècle pour qu'on reconnût en elle le sommet de la philosophie idéaliste allemande - à la fois une remémoration dense et fulgurante de toute la philosophie, et le début d'une nouvelle façon de penser la vie, l'histoire et la pensée elle-même.
La présente traduction restitue la dynamique poétique propre à ce moment où s'expose pour la première fois la démarche dialectique de Hegel : en s'attachant à préserver l'économie et la fluidité singulières de la langue de l'auteur, elle offre une nouvelle lecture de ce texte capital.
Illustration : Virginie Berthemet © Flammarion