' Dans ces pages, je réunis des histoires extrêmes de parents et d'enfants. J'en suis à moitié étranger : n'étant pas père, je suis resté nécessairement fils. '
Autour de ce sujet très personnel de la filiation, devenu avec le temps un motif récurrent de son oeuvre littéraire, Erri De Luca compose un thème et des variations pleins de finesse. On y croise de jeunes vagabonds napolitains, la fille d'un nazi en cavale, la jeunesse révoltée de Mai 68 ou encore le directeur d'un orphelinat de Varsovie.
Erri De Luca mêle dans ces récits l'intime à l'universel, et pose un regard riche et même poétique sur les rapports entre parents et enfants.
Bienvenue à Bournville, charmante bourgade proche de Birmingham connue pour sa célèbre chocolaterie. C'est à l'occasion de la victoire de mai 1945 que nous y rencontrons la petite Mary Clarke, émerveillée par les festivités organisées autour de sa maison. Elle y croise alors le chemin d'un certain Geoffrey Lamb, fils d'un collègue de son père travaillant aussi dans l'usine de chocolat. Nous retrouvons Mary et Geoffrey en 1953, fiancés et fascinés par le couronnement de la reine Élisabeth II que leurs familles respectives regardent ensemble sur le premier poste de télévision de Bournville. Treize ans plus tard, le couple a trois fils épris de football, qui s'extasient devant le match opposant les Anglais aux Allemands lors de la Coupe du monde de 1966. Nous les verrons à leur tour grandir et tracer leurs routes au fil de l'investiture du prince de Galles, du mariage de Charles et Diana, de la mort de cette dernière, de l'arrivée de Boris Johnson en politique, pour finalement retrouver Mary lors du 75e anniversaire de la Victoire, en plein confinement.
En sept parties scandant les sept temps majeurs de l'histoire de l'Angleterre moderne, Le royaume désuni mêle brillamment les destins d'un pays dysfonctionnel, d'une irrésistible famille anglaise et d'une chocolaterie.
Jonathan Coe signe ici un roman de grande ampleur dans la lignée si charming et piquante de Testament à l'anglaise et du Coeur de l'Angleterre.
En plein coeur de la Grande Dépression, George et Lennie, deux ouvriers agricoles, parcourent à pied la Californie en quête de travaux journaliers dans des fermes. Malgré la rudesse de leur quotidien, ils partagent le même rêve : s'offrir leur propre lopin de terre avec des animaux. Plus que tout, ils veulent croire qu'un jour ils récolteront les fruits de leur labeur.
Pourtant, tout oppose ces deux hommes : Lennie est un colosse à l'esprit simplet qui adule les bestioles au pelage doux, tandis que George s'avère lucide et malin. Ils sont néanmoins inséparables et George veille sur son acolyte qui ne sait pas toujours maîtriser sa force. Souvent, Lennie dérape, et les deux hommes s'empressent de plier bagage.
Lorsqu'ils sont embauchés un mois entier dans un ranch de la vallée de Salinas, ils sont convaincus que, cette fois, ils réuniront le pactole nécessaire à leur rêve. Or c'était compter sans les oeillades ravageuses de l'épouse du jeune patron, qui n'annoncent rien de bon.
Des souris et des hommes est un monument de la littérature américaine qui interroge brillamment les thèmes de l'injustice et du destin. Mais c'est avant tout le portrait d'une amitié insolite et bouleversante qui nous dévoile une Amérique encline à engendrer un monde d'exclus.
Au coeur de l'Oklahoma des années 1930, les petits exploitants agricoles se font racheter de force leurs terres et se retrouvent aux abois. Mais, miracle, l'appel de la Californie retentit : ses fruits savoureux à cueillir, son coton à récolter et son grand besoin de main-d'oeuvre. Toute la famille Joad se serre dans un pick-up pour atteindre cet eldorado avec le rêve d'y faire fortune. La Route 66 est longue, les dollars manquent rapidement, les grands-parents tombent malades, le véhicule les lâche... Enfin arrivés, les Joad déchantent : le travail manque et ils sont des milliers à en chercher. Alors que la faim les tenaille, seule la mère tient bon et pousse les siens à garder espoir. Mais est-ce seulement possible ?
Les raisins de la colère, récompensé du prix Pulitzer en 1940, est considéré comme le meilleur roman de Steinbeck et le plus emblématique de la Grande Dépression. Exil, détresse, exploitation traversent ce chef-d'oeuvre aux échos toujours parfaitement actuels, et que cette nouvelle traduction rend plus puissant encore.
Au coeur des années 1930, de nombreuses familles italiennes ont émigré dans le quartier de Red Hook, à Brooklyn. C'est là que vivent les petites Sofi a et Antonia, adorables voisines et amies absolues. Et si elles sont aussi proches, c'est qu'elles ont un point commun singulier : leurs pères font partie de la mafia. Or, en regardant chaque jour leurs mères subir une vie faite d'inquiétude, les fillettes se jurent de ne jamais épouser d'hommes oeuvrant pour la Famille.
Quand il arrive malheur au père d'Antonia, le fil de son amitié avec Sofia se fragilise, d'autant que leurs rêves se mettent à diverger : l'une voudrait faire des études quand l'autre préfère les frivolités. Mais quels chemins prendront les deux amies lorsqu'une fois adultes elles devront vraiment choisir qui devenir, et qui aimer ?
Un premier roman délicat et puissant qui dévoile la force de deux destinées inoubliables. La Famille est une magnifique histoire d'amitié féminine liée à une exploration fascinante des coulisses de la mafia, vue par des femmes.
À la mort de son épouse Birgit, Kaspar découvre un pan de sa vie qu'il avait toujours ignoré : avant de quitter la RDA pour passer à l'Ouest en 1965, Birgit avait abandonné un bébé à la naissance.
Intrigué, Kaspar ferme sa librairie à Berlin et part à la recherche de cette belle-fille inconnue. Son enquête le conduit jusqu'à Svenja, qui mène une tout autre vie que lui : restée en Allemagne de l'Est, elle a épousé un néo-nazi et élevé dans cette doctrine une fille nommée Sigrun.
Kaspar serait prêt à voir en elles les membres d'une nouvelle famille. Mais leurs différences idéologiques font obstacle : comment comprendre qu'une adolescente, par ailleurs intelligente, puisse soutenir des théories complotistes et racistes ? Comment l'amour peut-il naître dans ce climat de méfiance et de haine ?
Cette rencontre contrariée entre un grand-père et sa petite-fille nous entraîne dans un passionnant voyage politique à travers l'histoire et les territoires allemands. Plus de vingt-cinq ans après Le liseur, Bernhard Schlink offre de nouveau un grand roman sur l'Allemagne qui sonde puissamment la place du passé dans le présent, et nous interroge sur ce qui peut unir ou séparer les êtres.
M, romancière entre deux âges, s'est isolée du monde en s'installant avec son second mari au bord d'une côte océanique spectaculaire. Sur sa propriété baignée d'une lumière splendide et entourée de marais, le couple possède une dépendance soigneusement reconvertie en résidence d'artistes. M n'a qu'un rêve : y accueillir un jour L, un peintre à la renommée mondiale, qu'elle admire.
Quand il finit par accepter son invitation, M jubile. Cependant, elle déchante vite car L n'arrive pas seul - une ravissante jeune femme est à son bras. Entre-temps, la fille de M et son compagnon ont également débarqué. Les trois couples doivent alors cohabiter dans ce cadre certes enchanteur, mais qui va devenir le théâtre de multiples tensions.
D'une plume ciselée, Rachel Cusk crée un huis clos piquant et fascinant que l'on découvre en se plongeant dans le flot de pensées de M, une Mrs Dalloway des temps modernes.
Entre désirs étouffés, orgueil artistique et illusions déçues, La dépendance décortique avec beaucoup de malice le large éventail des rapports humains et la légitimité de la vocation artistique.
Nageurs et nageuses de cette piscine que tous appellent "là en bas" ne se connaissent qu'à travers leurs routines et petites manies, et les longueurs, encore, encore. Ils y viennent à heure fixe pour se libérer des fardeaux de "là-haut".
Alice, tout spécialement, trouve un grand réconfort dans sa ligne de nage. Et puis un jour, une fissure apparaît au fond, dans le grand bain, en préfigurant d'autres, celles de son cerveau. Pour elle, l'inéluctable fermeture résonne comme un clap de fin. Remontent alors à la surface des souvenirs de jadis, de l'internement dans un camp pour Nippo-Américains pendant la Seconde Guerre mondiale, d'une enfant perdue très tôt, pourtant si parfaite... Mais Alice oublie chaque jour un peu plus.
Là où il faudra bien se résoudre à l'enfermer, sa fille essaie de sauver quelques lambeaux du paysage fracturé qu'est devenue leur relation lacunaire.
Le lendemain d'une grande émeute au marché, la mère de Vivek Oji découvre le corps de son fi ls allongé sur leur véranda, sans vie. Une simple toile imprimée d'hibiscus rouges recouvre son corps nu. Comment un destin si tragique a-t-il pu frapper ce jeune homme de vingt ans, promis à un bel avenir ?
La mère se met alors à explorer le passé à l'affût de bribes de réponses, de signes. Vivek était certes né avec une étrange tache près de la cheville. Puis il s'était curieusement laissé pousser les cheveux, de plus en plus long, malgré le courroux de son père. Parfois, il semblait aussi planer, ailleurs. En filigrane, son cousin prend également la parole pour nous dévoiler la part secrète de Vivek, son plaisir caché de se vêtir en femme, son attirance pour les hommes... Au fil de la lecture se compose ainsi le portrait complexe et bouleversant d'un être né dans une société nigériane et dans une famille qui ne l'acceptent pas tel qu'il voudrait être au grand jour.
D'une plume lumineuse et sensuelle, Akwaeke Emezi signe un deuxième roman d'une splendeur troublante, au style aussi doux que fiévreux. La mort de Vivek Oji mêle puissamment les questions d'identité, de genre, de tolérance et d'innocence. Mais c'est avant tout le roman bouleversant et universel d'une jeunesse injustement brisée en plein vol.
En 1984, Vladimir est convoqué dans les bureaux de la police soviétique pour une banale affaire de marché noir. Il pensait en ressortir quelques minutes plus tard, son amende acquittée, mais c'était compter sans les mystérieuses méthodes du KGB. Quelques années plus tard, cette affaire qu'il croit derrière lui le rattrape de façon inattendue, bouleversant sa vie à jamais.
Vladimir n'est pourtant pas au bout de ses surprises. En 2018, il est contacté par un certain David Kapovitch, New-Yorkais d'origine russe. La ressemblance entre les deux hommes est troublante. Pourraient-ils avoir un lien de parenté ? Leurs destins vont en tout cas se mêler, pour le meilleur comme pour le pire.
Empruntant aux codes du thriller, Le numéro un tend un redoutable miroir à la société russe contemporaine qui n'a rien à envier à celle de l'ère soviétique. Le nouveau roman de Mikhaïl Chevelev mêle enquête politique et interrogation sur la filiation, tenant en haleine jusqu'à la toute dernière page.
Voici l'histoire que raconteraient les maisons si elles pouvaient parler, ce qu'elles révéleraient des vies, des amours et des disputes, des élans et des chutes de ceux qui les ont habitées.
À travers les lieux dans lesquels il a vécu, ceux qu'il a fantasmés, ou ceux parfois métaphoriques qu'il a imaginés, se dessinent le portrait kaléidoscopique d'un homme né au milieu des années soixante-dix, mais aussi l'histoire de son pays, de la mort de Pasolini à l'enlèvement d'Aldo Moro, événements marquants d'une Italie en mutation.
Andrea Bajani joue avec le silence apparent des maisons pour narrer avec une précision poétique les histoires qui composent l'essence même d'une vie. De Rome à Turin, de Paris aux paysages montagneux des Alpes, ce carrousel de maisons défile, aléatoire, charriant en même temps que son lot de souvenirs une profonde réflexion sur la mémoire et le temps.
Aux confins de l'Empire russe, dans la Polésie de la fin du dix-neuvième siècle, les hommes des shtetls abandonnent parfois leurs femmes pour se fondre dans la foule des grandes villes. Lorsque Mendé Speisman, désespérée par le départ de son époux, se jette dans la rivière Yasselda, sa soeur Fanny Keizman prend les choses en main : elle ira elle-même retrouver son beau-frère, quoi qu'il en coûte. Celle que l'on surnomme die wilde Khayeh, la bête sauvage, s'éclipse au milieu de la nuit avec l'aide de Zizek, le taiseux passeur du fleuve, laissant derrière elle mari et enfants.
Le duo s'engage dans une aventure qui, très vite, les dépasse. En route pour Minsk, ils seront rejoints malgré eux par deux compagnons peu recommandables : un chantre errant juif au grain de voix strident et un ancien camarade d'armée de Zizek, tenant désormais une auberge aux allures de bordel. Pris en embuscade, poussés au meurtre, poursuivis par la police secrète du régime tsariste, sortiront-ils indemnes de cette virée rocambolesque ?
Avec humour et panache, Yaniv Iczkovits place au coeur de son roman une héroïne inoubliable, capable de manier le couteau comme personne, et signe une fable décapante, véritable ode au courage féminin.
Deux anciens camarades d'université se croisent par hasard à l'aéroport de New York : un écrivain raté et un magnat de l'art contemporain, Jeff. Leur vol est terriblement retardé, et Jeff propose à son ancien comparse de le suivre dans son lounge première classe pour tuer le temps ensemble. Mais cette invitation est loin d'être désintéressée. Jeff se révèle aussitôt être un homme qui a besoin de parler, de vider son sac, et surtout de dévoiler un secret de jeunesse qu'il n'avait encore jamais confié. Un secret qui a changé le cours de son existence.
Alors que les heures défilent, ainsi que les cocktails, se déploie une fascinante histoire d'obsession et de manipulation qui a permis à Jeff d'atteindre les sommets du monde de l'art alors que rien ne l'y destinait. Tout aurait commencé un matin d'hiver, sur une plage californienne, vingt ans plus tôt...
Bouche-à-bouche est un roman haletant dont la construction ingénieuse promet de déboussoler. Entre faux-semblants et paranoïa, glamour californien et huis clos, le lecteur plonge dans un intrigant puzzle littéraire.
Manuel Duarte est un écrivain sexagénaire en panne d'inspiration dont la vie affective et matérielle part à vau-l'eau. Menacé d'être expulsé de son appartement dont il ne peut payer le loyer, il déambule dans le Leblon, quartier huppé de Rio de Janeiro, tandis qu'autour de lui la ville périclite. Bolsonaro vient d'arriver au pouvoir, porté par une élite violente et égoïste. Duarte pose sur ce monde grotesque, à la fois réel et fantasmé, un regard distancié, qui donne une saveur terriblement comique à son récit.
La narration, entre le roman épistolaire et le journal intime, forme un puzzle exquis que le lecteur prendra sans aucun doute plaisir à faire, assemblant ainsi les morceaux d'une trame qui semble conduire Duarte à sa perte, inexorablement.
Farce sombre, ce roman de Chico Buarque est une critique subtile et mordante du Brésil d'aujourd'hui, un portrait de première main d'un pays hanté par ses vieux démons (la dictature, les inégalités sociales, le racisme, le fanatisme religieux). C'est aussi un conte plein d'humour, souvent noir, empreint d'un rire contagieux qui conquiert le lecteur à chaque page.
Quelque part sur le front de l'Est, alors que la fin de la guerre semble se profiler, un homme se retrouve enrôlé dans un groupe de soldats soviétiques et est envoyé en reconnaissance dans une ville d'eaux dévastée.
Au milieu des décombres, comme si le temps s'était arrêté, se dresse une imposante demeure miraculeusement épargnée par les combats. L'homme y pénètre et s'y aménage un refuge inespéré, allant jusqu'à se prendre pour le maître des lieux lorsque l'on vient frapper à la porte.
Entre mensonges, mystères et faux-semblants, les premières journées passées dans cette maison préservée, d'une invraisemblable quiétude, ne peuvent toutefois éloigner durablement le chaos de la guerre et la noirceur de l'âme humaine. L'écriture de Hermans, cette "poésie noire" selon la formule de Milan Kundera, frappe à la fois par sa beauté et par sa violence, et l'élève au rang de classique de la littérature néerlandaise du XXe siècle.
Nous sommes en 1997. Après avoir passé quelques années à l'écart pour se faire oublier, loin de Londres et du bruit du monde, Tomás Nevinson accepte une nouvelle mission et redevient un agent des services secrets britanniques. Il doit se rendre dans une ville du nord-ouest de l'Espagne pour identifier et neutraliser une femme originaire d'Irlande du Nord qui s'y cacherait sous les traits de trois personnes différentes. On sait qu'elle est rusée et dangereuse ; on sait que son nom est associé à des attentats sanglants de l'IRA et de l'ETA, et qu'elle pourrait, elle aussi, reprendre du service à tout moment si l'une des organisations terroristes le lui demandait. Tomás Nevinson va devoir la confondre, mais la tâche ne sera pas aisée, car s'immiscer dans la vie d'autrui n'est pas sans risques, surtout quand on ignore jusqu'où cela peut nous entraîner.
Derrière ce jeu de masques, qui se double d'un jeu de séduction, Javier Marías nous offre une réflexion passionnante sur ce qui peut être fait au nom du bien commun et sur la difficulté à déterminer ce qu'est le mal et comment l'on peut ou l'on doit le combattre. ' Tu ne tueras point sauf si... ' : voilà l'impératif moral qui hante les jours et les nuits de notre protagoniste, un héros aux mille visages, comme les grands comédiens, qui croyait avoir déjà tout vécu et à qui, apparemment, plus rien ne pouvait arriver.
En avril 1901, il se murmure que la peste s'est déclarée à Mingher, une île au large de Rhodes sur la route d'Alexandrie. Deux éminents spécialistes des épidémies sont dépêchés sur place par le sultan Abdülhamid II. La maladie infectieuse est rapidement confirmée mais imposer des mesures sanitaires représente un véritable défi, en particulier lorsqu'elles se heurtent aux croyances religieuses. Dans cette île multiculturelle où musulmans et orthodoxes tentent de cohabiter, la maladie agit comme un accélérateur des tensions communautaires. Et si l'union était rendue possible par la construction d'une identité nationale. Affaiblie par les contagions croissantes mais vive dans ses élans révolutionnaires, Mingher, "perle de la Méditerranée orientale", va connaître des mois décisifs pour son histoire et voir son destin bouleversé.
Avec un talent de conteur hors pair, Orhan Pamuk fait de cette île imaginaire, minutieusement dépeinte, le théâtre d'une grande fresque historique où s'amorce la chute de l'Empire ottoman. Mêlant habilement fiction et réalité, atmosphères funestes et élans amoureux, Les nuits de la peste est un roman grave et tendre qui nous montre comment une situation de crise peut devenir le terreau d'une révolution politique.
La deuxième épée est le récit d'une expédition vengeresse en solitaire, longuement mûrie mais toujours retenue. Tout au long d'une journée et jusqu'au lendemain matin, nous suivons à travers "l'Île-de-France, pays en soi, île-pays", en passant par Port-Royal-des-Champs, un homme dans ses préparatifs de meurtre vers l'endroit où aura lieu la vengeance de sa mère insultée publiquement par une autre femme.
"Meurtrier je me sentais et me savais né... mais nullement vengeur."
Sur le chemin, tout est possibilité de diversions, de bifurcations mais aussi de "Zeitnot", la sensation d'urgence... elle surgissait sans cause, par derrière. En général, elle ne faisait que m'effleurer, pour me libérer aussitôt, chassée comme sorcière par la contre-magie de la raison."
Toute la vie par les chemins interdits. Et maintenant dans la vallée de la mort. Hors la loi. Contre la loi. Et que cela me semblait juste !"
Mais y arrivera-t-il ?
"Et soudain la boule roula, les billes roulèrent - dans une tout autre direction que celle envisagée au début de cette histoire."
Ce nouveau récit de Peter Handke condense la force littéraire de l'écrivain autrichien. Par une attention exceptionnelle portée aux détails du monde réel, La deuxième épée déploie une poétique de l'instant et offre une lecture qui suspend le temps.
Fraîchement débarqué à New York pendant une permission, Wesley, jeune matelot, se joint dans un bar à une bande de joyeux lurons. Fasciné par leurs courants de pensée, il s'enivre, entre autres, de leur conversation. L'un d'entre eux, Bill, est particulièrement touché par Wesley et son existence si libre. Au petit matin, sur un coup de tête, Bill décide de dire adieu à sa vie de professeur à Columbia afin de rejoindre la marine avec Wesley.
Les voici tous deux partis pour une grande aventure existentielle, d'abord sur la route sans un sou dans le but d'atteindre Boston, puis pour s'embarquer sur le Westminster, direction le Groenland.
Alors que, aux yeux de Bill, l'inconnu qui l'attend sur l'océan commence à faire émerger des doutes, Wesley se perd dans Boston, pourchassé par son ancienne femme... Se retrouveront-ils sur le navire pour poursuivre leurs idéaux, et leur amitié naissante ?
Premier roman de Jack Kerouac écrit à la main à l'âge de vingt et un ans, L'océan est mon frère dévoile déjà toute sa virtuosité. Entre l'écriture survoltée, les dialogues enflammés et l'exploration impertinente des notions de liberté et de fraternité, nous voyons ici émerger l'immense artiste.
Si nous pouvons sentir, connaître et étudier notre corps, l'âme en revanche se refuse aux définitions. Que recouvre-t-elle précisément ? Est-elle présente tout au long de notre existence, ou se révèle-t-elle seulement à certains moments ?
Telles sont les questions que se posent les personnages qui peuplent ce livre, à des instants à la fois exceptionnels et quotidiens : un médecin légiste s'interrogeant sur des traces visibles, une épouse esseulée qui se découvre des propriétés physiques étonnantes, un jeune homme qui se fond dans un paysage bien-aimé. En un subtil jeu d'échos, ces points déposés à la lisière entre la vie et la mort tracent une esquisse surprenante et délicate du passage dans l'au-delà.
Dans ce livre hors du commun nimbé d'une lumière apaisante, Ludmila Oulitskaïa fait scintiller des éclats de vie qui dessinent un atlas de l'âme.
"Alors oui, ici, il y a des histoires, un tas d'histoires, mais pas du genre qui s'entassent dans les livres et les bibliothèques, qui se lisent et qui durent, qui passent de génération en génération, non, ici, les mots sont arrachés par le vent à l'instant où ils sont prononcés."
Les vainqueurs suit la vie d'une famille emblématique de la Norvège, de la côte du Helgeland jusqu'à Oslo, de l'été 1927 au printemps 1990. La première partie raconte la vie de Marta et de son père Johan, petit paysan-pêcheur sur l'île de Herøy, contraint de placer sa fille comme domestique chez une riche famille d'Oslo qui choisira la collaboration à l'heure de la Seconde Guerre mondiale. Dans la seconde partie du roman, le narrateur est Rogern, un des fils de Marta. Le gamin, qui grandit dans la cité nouvelle d'Årvoll, pose un regard aussi vif que truculent sur le bond monumental fait par le pays au cours d'un demi-siècle.
Parue en 1991, cette fresque romanesque a connu un immense succès ; elle est unanimement considérée comme un classique de la littérature norvégienne, un livre qui définit une génération. On retrouve dans Les vainqueurs tout le talent de l'auteur, qui sait si bien mêler la vision d'ensemble et le détail pour faire vivre avec émotion la grande Histoire et les destins de gens modestes.
Louise Glück, se tenant à l'écart du courant américain de la poésie confessionnelle, compose des recueils polyphoniques où le je n'est jamais réductible à une seule identité, mais où chacune des voix participe à un vaste ensemble poétique. Dans Meadowlands s'entrecroisent ainsi celles des protagonistes de L'Odyssée, dans une réécriture du mythe qui laisse la part belle aux personnages secondaires - Télémaque, Circé, Pénélope -, et celles d'un homme et d'une femme d'aujourd'hui, au bord de la rupture. De cette confrontation entre l'atemporel et le contemporain, Glück tire un champ magnétique d'une rare puissance, une poésie au pouvoir de suggestion nouveau.
Mais c'est bien par le prisme du langage que la dissolution d'un mariage est scrutée ici, dans une poésie habitée par le souci de précision et de clarté, révélant les silences, l'incommunicabilité au sein même du dialogue. D'une lucidité bouleversante sans jamais toucher au pathos, Meadowlands est comique et déchirant à la fois dans sa distance avec le quotidien et dans sa densité métaphorique, ancrée sur les rives de la Méditerranée.
Meadowlands, publié aux États-Unis en 1996, est le recueil qui suivit la publication de L'iris sauvage.
Conçu comme une redoutable machine narrative, Temps sauvages nous raconte un épisode-clé de la guerre froide : le coup d'État militaire organisé par les États-Unis au Guatemala en 1954, pour écarter du pouvoir le président légitime Jacobo Árbenz. Ce nouveau roman constitue également une sorte de coda à La fête au Bouc (Gallimard, 2002). Car derrière les faits tragiques qui se déroulent dans la petite République centroaméricaine, le lecteur ne manquera pas de découvrir l'influence de la CIA et de l'United Fruit, mais aussi du ténébreux dictateur de la République dominicaine, Trujillo, et de son homme de main : Johnny Abbes García.
Mario Vargas Llosa transforme cet événement en une vaste fresque épique où nous verrons se détacher un certain nombre de figures puissantes, comme John Peurifoy, l'ambassadeur de Washington, comme le colonel Carlos Castillo Armas, l'homme qui trahit son pays et son armée, ou comme la ravissante et dangereuse miss Guatemala, l'un des personnages féminins les plus riches, séducteurs et ambigus de l'oeuvre du grand romancier péruvien.
Averno. Petit lac volcanique à l'ouest de Naples. Chez les Anciens, il est considéré comme une entrée des Enfers, lieu de passage entre deux mondes. C'est là que Perséphone jeune fille fut enlevée par Hadès, et qu'elle quitta définitivement l'enfance.
Revisitant l'histoire de Perséphone et de sa mère la déesse Déméter, Louise Glück compose un recueil entremêlant brillamment plusieurs fils narratifs, où le mythe et l'ordinaire se confrontent et se confondent. Les voix multiples qui habitent ces poèmes creusent dans leur mémoire propre comme dans celle de l'humanité pour questionner l'amour, les liens familiaux, mais aussi le risque de la solitude et de l'oubli. Lamentation sur la perte aux accents de lieder mahleriens, Averno est aussi une interrogation sur l'art et ses capacités à saisir un indicible présent.
Les amples séquences poétiques d'Averno résonnent longtemps de la tonalité propre aux vers de Louise Glück. Des touches d'ironie, distillées au détour d'un enjambement, d'une ellipse, n'empêchent pas la vertigineuse profondeur de ses réflexions lapidaires, embrassant le destin humain dans une indéfectible quête d'universalité.
Averno est le dixième recueil de Louise Glück. Il fut publié aux États-Unis en 2006.