En 2002, Annie Ernaux déclarait que « ce qui compte, dans les livres, c'est ce qu'ils font advenir en soi et hors de soi ». Dix ans plus tard, dans l'entretien qui clôt ce volume, elle revient sur ce « mouvement » qu'elle dit « emblématique de [s]on écriture ». Les études ici réunies explorent cet « engagement d'écriture » dont parle une de ses oeuvres les plus récentes. Les auteurs tentent d'y définir les contours de cette nouvelle forme d'engagement (politique, humain, social, corporel et sensible) qu'elle invente, à la lumière notamment du concept d' « implication ». Cinq dimensions fondamentales en sont ainsi analysées : la volonté d'Annie Ernaux de « descendre dans la réalité sociale » et de prendre comme sujet d'écriture ce qui est traditionnellement considéré comme « au-dessous » de la littérature ; sa position par rapport à un engagement féministe ; l'articulation entre identité et altérité dans sa dimension politique ; la présence au monde d'une écrivaine « traversée par les autres» et, enfin, la manière dont cette oeuvre engage et transforme le lecteur.
Le théâtre de la Renaissance anglaise connaît en France depuis de nombreuses années une faveur qui ne se dément pas. L'oeuvre de Shakespeare fait l'objet d'une attention incessante qui suscite des traductions et des interprétations nouvelles, des mises en scène audacieuses, dans le souci d'affirmer sa modernité. Il fallait une audace singulière et une largeur de vision remarquable pour embrasser d'un même regard la période la plus riche de ce théâtre tragique, la période shakespearienne qui s'étend de Marlowe à Webster. Il fallait une vaste culture et une acuité de l'intelligence susceptible de se déployer selon trois dimensions, littéraire, historique et philosophique, pour relier l'exploration de la temporalité à travers les formes dramatiques à une vision panoramique des traditions culturelles dont le théâtre élisabéthain est issu. Il fallait enfin un juste équilibre entre l'attention au contexte historique dans lequel toute oeuvre s'inscrit et l'aptitude à manier les instruments de la critique moderne dans la recherche d'une compréhension stimulante pour le lecteur de notre temps. C'est un moment dans l'histoire du théâtre anglais, mais aussi dans l'histoire de la conscience et de la sensibilité que Gisèle Venet a su cerner et restituer dans cette étude magistrale qui ne remonte à l'Antiquité et au Moyen Âge que pour éclairer la crise baroque et l'émergence d'un héros tragique nouveau. Robert Ellrodt
En ce début de 21e siècle, les relations sino-américaines sont devenues un pivot majeur des relations internationales. Jouissant du statut d'unique superpuissance mondiale à la fin de la guerre froide, les États-Unis ont observé, non sans une certaine appréhension, la remarquable montée en puissance de la Chine, désormais perçue par de nombreux observateurs comme la seule nation capable de détrôner l'Amérique. Le passé lourd et complexe qui pèse sur les relations entre Pékin et Washington permet d'éclairer cette nouvelle donne, notamment son caractère inédit et potentiellement dangereux si les deux pays entrent en compétition directe pour la place de première puissance mondiale. Cet ouvrage propose d'analyser la politique chinoise des États- Unis depuis le 19e siècle et de mettre en lumière l'alternance de cycles d'ouverture et de fermeture dans les relations avec la Chine. L'objectif de cette synthèse est d'offrir une perspective historique permettant de mieux comprendre les enjeux contemporains, mais aussi pourquoi le face-à-face est si inconfortable entre les deux géants.
La « face cachée du genre » renvoie à la façon dont le langage continue à être dans les études de genre un objet presque invisible. Alors que les travaux des historien-ne-s, des littéraires, des philosophes, des sociologues, des anthropologues et des politistes sont largement intégrés dans le domaine des études de genre, on constate la quasi-absence des recherches linguistiques dans ce champ qui connaît depuis quelques années un véritable essor au sein des sciences sociales.Ce livre se propose de combler ce vide en renouvelant les débats autour du langage en tant qu'outil de construction du genre, de reproduction des inégalités de sexes et de lutte contre la domination masculine.À partir de la diversité des données, des contextes et des cadres théoriques mobilisés, les textes recueillis dans ce volume interrogent les rapports entre genre, langage et pouvoir, en convoquant plusieurs champs disciplinaires tels que la linguistique, la sociologie et les sciences politiques. Comment penser la capacité des individus d'agir sur le genre à travers le langage ? Telle est la question à laquelle cet ouvrage essaie de répondre.Avec une Postface de Judith Butler.
Ce volume est le fruit d'un colloque organisé en février 2016 à la Sorbonne Nouvelle par le CERLIM. L'enjeu premier était d'offrir un état de la réflexion sur Guido Guinizzelli et Guido Cavalcanti, les deux poètes du XIIIe siècle au programme de l'agrégation d'italien en 2016 et 2017. Réunir la plupart des meilleurs spécialistes fournissait dès lors l'occasion de prendre connaissance des dernières avancées interprétatives en la matière. Le résultat est donc un ouvrage à la fois pédagogique et novateur qui, attentif aux contextes qui ont vu naître nos deux auteurs, cherche à examiner chacun d'eux pour lui-même tout en tâchant de mieux cerner la nature de leurs rapports. C'est un livre au sens propre, où circulent les voix d'un intense dialogue, parfois contradictoire, notamment en ce qui concerne le second Guido. Cela ne veut pas dire que le dernier mot soit dit. L'extraordinaire richesse et problématicité de la poésie cavalcantienne est un défi pour l'interprétation et continuera de solliciter la sagacité des herméneutes. La poésie du premier Guido reste elle aussi pleine de secrets à percer, notamment pour ce qui est de son arrière-plan culturel, scientifique, philosophique. Ce livre en appelle donc d'autres, dont il espère pouvoir nourrir la réflexion.
Cet ouvrage présente au public français un pan souvent méconnu de la production cinématographique espagnole : le cinéma fantastique. Les études réunies ici interrogent les traditions iconographiques et sociales qui dessinent les contours du genre fantastique dans le cinéma espagnol. Les deux premiers articles offrent une réflexion théorique sur la notion de fantastique et un rappel historique de l'évolution du genre en Espagne. Les articles suivants sont consacrés à l'analyse d'un film ou d'un corpus de films. Certains étudient plus particulièrement l'intertextualité et les phénomènes d'hybridation, tandis que d'autres s'attachent à mettre au jour, derrière les figures de monstres ou de fantômes, les problématiques sociales ou politiques sous-jacentes. On constate ainsi que le cinéma fantastique n'est pas simplement un genre d'évasion, mais peut aussi traduire les préoccupations actuelles de la société espagnole, notamment son difficile rapport au passé.
La modernisation au Brésil se confond avec la constitution du pays. La forme qu'elle y assume se dessine de façon décisive au moment même de l'indépendance en 1822 et se reproduit en temps que modernisation conservatrice tout au long des deux siècles suivants. C'est ainsi qu'elle donne le sentiment d'osciller entre un changement qui ne respecte que peu de limites et la persistance du passé. Cette modernisation à la fois vertigineuse et toujours incomplète a souvent été dramatique, faisant parfois disparaître les marques qui auraient permis de l'évaluer. La conscience culturelle perd alors pied lorsque l'on envisage la portée et le sens des transformations qui l'affectent. La meilleure littérature brésilienne n'a jamais cessé de travailler ces formes contradictoires. C'est sous cet angle que les examinent deux équipes française et brésilienne, dans le cadre d'un accord Usp-Cofecub, en essayant de mettre en lumière les rapports qui s'établissent entre la forme littéraire et le processus social. Elles se sont concentrées sur certains moments où ce rythme particulier se donne à voir avec plus de netteté : le début de la République, l'immigration et l'industrialisation des années 20 puis les transformations post-1945. Trois axes thématiques ordonnent la quinzaine d'études contenues dans le présent volume : regards sur la ville, écriture et idéologie, lyrique et modernité.
Cet ouvrage s'intéresse à la question de la concordance des temps dans des discours qui, par delà leur diversité typologique (discours grammatical, historiographique ou littéraire), ont en commun de porter sur une matière dont les rapports au temps donnent lieu à des agencements assez souvent discordants. Quelles sont ces « discordances » ? Que signifient-elles ? Est-il possible de les théoriser et de quelle façon? Ce volume interdisciplinaire réunit des contributions de chercheurs en linguistique et en littérature hispaniques venus de différentes universités françaises et étrangères. Il est issu d'un colloque tenu en mai 2008 dans les murs du Colegio de España et organisé conjointement par le Séminaire d'Études Médiévales Hispaniques de Paris Sorbonne (CLEA, EA 4083), le Séminaire Interdisciplinaire de Recherches sur l'Espagne Médiévale (GDR 2378, CNRS) et le Groupe d'Études et de Recherches en Linguistique Hispanique de la Sorbonne nouvelle - Paris 3 (EA 170).
Parmi les jeunes cinéastes espagnols qui se sont affirmés au cours de la dernière décennie, Julio Medem est apparu comme l'un des plus originaux tant par le caractère poétique et insolite de ses récits que par ses recherches plastiques. Cependant, Medem n'est pas uniquement espagnol, il est aussi basque, et son cinéma porte les traces plus ou moins manifestes des traditions et mythes basques qu'il revitalise dans ses différentes productions. Les chercheurs français et espagnols ici réunis se sont proposés d'interroger et d'éclairer son oeuvre - cinq long-métrages de fiction et un documentaire - à partir d'une démarche analytique qui associe étude textuelle et histoire culturelle. Le lecteur trouvera ainsi dans cet ouvrage deux volets : tout d'abord une étude des spécificités supposées de ce réalisateur, comme la complexité de ses trames narratives, son goût pour une certaine modernité formelle ou encore la récurrence de diverses thématiques ; puis, un questionnement portant sur la manifestation d'une identité basque revisitée, l'utilisation des mythes basques ou encore le caractère nationaliste du discours véhiculé par son documentaire.
Cet ouvrage représente le second volet des travaux du CRID (Centre de Recherche sur Idéologie et Discours) sur les Avant-Gardes esthétiques espagnoles. Il s'intéresse plus spécialement à la poésie qui a, plus intensément que les autres arts, joué un rôle dynamique dans l'Avant-Garde espagnole des années 20. L'originalité des études réunies ici réside dans la volonté d'aborder, en priorité, des oeuvres appartenant à des auteurs et des courants représentatifs de cette Avant- Garde ; l'Ultraïsme, le Créationnisme et le Surréalisme, trois «ismes» décisifs de l'histoire littéraire espagnole entre 1918 et 1930. Le but de cette recherche n'est pas de revenir sur les aspects théoriques, doctrinaux ou extérieurs de ces mouvements, mais d'analyser les «pratiques textuelles» représentatives de ces Avant-gardes, pour en apprécier véritablement les éléments de rupture ou de continuité.
Cet ouvrage réunit les quatorze articles publiés par Carlos Serrano (1941-2001) sur la personnalité et l'oeuvre de Miguel de Unamuno. Tous sont représentatifs de ce que furent la méthode et l'apport de Carlos Serrano qui, entre histoire et littérature, s'est toujours efforcé d'articuler idéologie et production littéraire, contribuant ainsi à renouveler l'histoire culturelle de l'Espagne contemporaine, dont il fut un ardent défenseur. L'intérêt de Carlos Serrano pour Unamuno, pendant plus de vingt ans, témoigne de la passion d'un chercheur pour un intellectuel et un écrivain complexe et parfois contradictoire, pour une période charnière de l'histoire politique et culturelle de l'Espagne, avec le souci permanent qui l'a toujours animé d'élaborer une démarche critique exigeante et une grande qualité d'écriture.
La communication verbale repose en partie sur des savoirs et croyances partagés, et nombreuses sont les théories linguistiques qui les intègrent à leur modèle, en particulier dans le champ du discours. La question du sens préalable est en effet cruciale dans les linguistiques du texte, du discours et de l'interaction, qui prennent en compte les contextes des productions langagières. Mais qu'en est-il exactement de la forme de ces connaissances préalables, de leur contribution à l'élaboration des discours, et de leur interprétation dans l'échange intersubjectif ? Cet ouvrage propose une réponse à ces questions en présentant le concept de prédiscours, défini comme un ensemble de cadres sémantiques collectifs susceptibles d'organiser cognitivement la production, la circulation et la transmission des discours. Transmis par les canaux de la mémoire discursive et distribués dans le réseau des agents humains et artefactuels de la construction du sens, les prédiscours sont des opérateurs de cognition sociale qui permettent l'élaboration des discours.
Jorge Amado est sans aucun doute l'écrivain brésilien le plus connu en France où son oeuvre a été presque intégralement traduite. Le retentissement et les mérites de ses écrits d'une richesse foisonnante lui ont valu l'hommage de la Sorbonne Nouvelle qui lui a décerné en 1998 le titre de docteur honoris causa.. Dans son pays pourtant, si son succès a été considérable auprès du « grand public », nombre d'intellectuels et de gens de lettres ne lui ont pas ménagé leurs critiques. Un an après sa disparition, un réexamen de son oeuvre a pu paraître opportun. Cet écrivain latino-américain qui a su conquérir un large public international a marqué de son empreinte singulière la production littéraire du xxe siècle. Les quinze travaux réunis dans ce recueil, orientés suivant trois axes « L'écrivain et son oeuvre », « Lectures plurielles des romans amadiens » et « L'oeuvre amadienne en dialogue intersémiotique » prennent en compte les facettes diverses et multiples de ces écrits, discutent les problèmes de réception et de traduction et abordent le dialogue qu'ils instaurent avec d'autres formes artistiques.
Cet ouvrage considère les ressorts et les acteurs de la dynamique économique anglo-saxonne. Il montre comment les entrepreneurs et leurs réseaux contribuent à l'émergence d'une société entrepreneuriale qui met en contact les mondes anglophones et d'autres aires culturelles (l'Europe, l'Amérique, la Chine). La montée de l'entrepreneuriat en tant que phénomène socio-économique reflète de profonds changements d'attitudes qui donnent leur cohésion aux sociétés entrepreneuriales du libéralisme postmoderne ou du postcommunisme. Ce processus de transformation impulsé par les individus, les familles, les diasporas et les institutions, apparaît comme une émanation du capitalisme anglo-saxon et l'expression d'un projet politique paradoxal. Il ne se fonde pas exclusivement sur le principe économique de la « destruction créatrice » mais prend également appui sur des normes et des valeurs structurant la manière du « vivre ensemble » et des formes originales de lien social. Comme le montrent les études réunies dans ce volume, la dynamique de croissance de l'entrepreneuriat repose sur des stratégies internes aux cultures et aux sociétés, mais s'incarne également dans des expériences plus transnationales. En s'élargissant à toutes les sphères de la vie sociale pour accomplir sa visée, la pratique entrepreneuriale révèle sa fonction intrinsèque de moteur de changement social.
Dans les deux dernières décennies du xxe siècle, minimalisme désigne une partie de la création littéraire et, pour le roman, une production généralement liée aux Éditions de Minuit. La notion, qui dérive des champs de l'architecture et des arts plastiques, est ici resituée dans la perspective de l'histoire littéraire. Les années 1980 sont traversées par une tension esthétique féconde, entre réévaluation du romanesque et permanence d'une distanciation critique, héritage du Nouveau roman et sortie de l'ère du soupçon. Issus d'un colloque international organisé à Cerisy la Salle, les articles de cet ouvrage mettent en relief l'invention d'un art subtil du roman : marqué par le souci du moindre effet, il est doté d'une capacité de résonance extrême. Ces analyses interrogent aussi les pièges et les impasses de la notion, liés à l'hétérogénéité des pratiques qu'elle désigne autant qu'à sa définition problématique. En contre champ : un texte de Philippe Claudel et un entretien avec Patrick Deville.
Comment s'est construit l'imaginaire historique de l'Amérique, nation que l'on dit toute entière tournée vers l'avenir et le progrès ? C'est cette dynamique complexe, entre un passé souvent mythifié et ses représentations, que se propose d'explorer Refaire l'Amérique à travers douze cas analysés par des spécialistes américains, italiens et français. On y verra entre autres comment la tradition puritaine de la jérémiade donne sens au western du début du XXe siècle, comment le Parti Républicain inventa l'idée d'une « révolution conservatrice » dans les années 1980, ou encore comment l'intellectuel afro-américain W.E.B. Du Bois utilisa la fiction pour tenter d'imaginer une réponse politique et internationale au problème de la « ligne de couleur » dans son pays. Que ce soit à travers l'image, l'architecture, ou l'évolution des pratiques culturelles de ses immigrants, l'Amérique ne cesse de revisiter des pans entiers de son expérience nationale. Il lui arrive aussi, parfois, d'esquisser les formes inachevées d'une refondation : le plus souvent, celle-ci semble pourtant s'étioler sous le poids d'un certain conservatisme historique et culturel. Grâce à cette sélection de textes et d'auteurs, dont beaucoup sont traduits pour la première fois, le lecteur français pourra se familiariser avec l'évolution récente des Études Américaines, notamment leur tournant « transnational », auquel ce volume entend contribuer.
La Grande-Bretagne, berceau de la révolution industrielle et, à ce titre de la ville moderne, n'a jamais cessé d'alimenter la réflexion sur la ville. C'est ainsi qu'à la fin du XIXe siècle le mouvement des cités-jardins nait en réaction aux conditions de vie urbaines. Puis, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la création de villes nouvelles tente d'apporter une réponse à la surpopulation urbaine. Cependant, depuis les années 1960, les villes anglaises paraissent en proie à une crise caractérisée par la fuite des classes moyennes, l'effondrement de leur base industrielle et le déclin du tissu urbain, en dépit des multiples programmes urbains. Paradoxalement, bien que la base électorale du parti travailliste soit traditionnellement ancrée en milieu urbain, les engagements du parti en 1997 ne faisaient guère de place à la politique de la ville. En dépit de ce silence, trois ans après l'élection du parti travailliste, en 2000, la politique de la ville est devenue un axe fort et les villes anglaises bénéficient d'un nombre toujours croissant de mesures et de programmes. Ceux-ci ont-ils permis l'épanouissement d'une véritable renaissance urbaine au début du XXIe siècle, comme l'affirme le gouvernement, ou ne constituent-ils qu'une tentative inaboutie? C'est autour de cette question que s'articule cet ouvrage, à travers huit articles consacrés à un éventail de sujets allant de l'urbanisme et du patrimoine urbain à la condition de la jeunesse et au rôle de la culture, en passant par l'évaluation et par l'étude des deux municipalités de Birmingham et de Neston et celle de la région des West Midlands.
Depuis 1990, le genre policier connaît un large succès aussi bien dans le monde de l'édition qu'auprès du public italien. Cette date marque un renouveau de ses formes, auquel a contribué, entre autres, la création du Gruppo 13 à Bologne. À côté du giallo s'est affirmée progressivement la catégorie plus hybride du noir. Le genre policier entend sonder le mystère, démasquer l'opacité du réel en pénétrant les non-dits de l'histoire pour en proposer une lecture dérangeante ; surgissent alors d'autres questionnements relevant, quant à eux, de pulsions plus subtiles, voire inconscientes. La perspective historique et herméneutique a élevé le roman au statut de nouveau roman social, capable, sous le couvert de situations vraisemblables, de simuler la réalité pour la comprendre autrement. L'écriture d'enquête se présente de plus en plus en Italie comme le champ de toutes les expérimentations grâce à l'utilisation de canaux de communication favorisant une réception plus large, mais aussi à l'hybridation avec d'autres formes d'expression (cinéma, théâtre, musique, télévision, BD). Cet ouvrage vise à comprendre les nouveaux enjeux du giallo/noir à l'origine de son succès. On y voit comment, à travers l'écriture de l'énigme, le giallo explore les côtés obscurs et complexes de l'Italie contemporaine.
Le Système monétaire européen (SME) fut instauré en décembre 1978, au coeur d'une période de tourmente monétaire et de marasme économique, afin d'assurer une certaine stabilité des taux de change et de faciliter les échanges, la croissance et l'emploi en Europe. Les relations que le Royaume-Uni a entretenues avec ce système sont atypiques, puisque la livre ne fut intégrée au mécanisme de change du SME que tardivement et temporairement, d'octobre 1990 à septembre 1992. L'analyse révèle des contradictions permanentes. Les décisions des gouvernements Thatcher et Major ont contredit les professions de foi gouvernementales qui les précédaient et n'ont pas parues justifiées par les contextes économiques dans lesquels elles furent prises. En suivant les événements dans leur ordre chronologique, cet ouvrage explore les décisions relatives à la participation de la livre au mécanisme de change du SME, pour déterminer ce qui relève de choix indépendants et ce qui procède d'obligations, économiques ou politiques, qu'elles aient été intérieures ou extérieures. Il tente ainsi d'identifier, au-delà de l'impression dominante de pragmatisme, une idéologie consciente et spécifique qui aurait pu guider les gouvernements Thatcher et Major.
Ce volume rassemble les contributions de chercheurs de différentes aires culturelles autour de la notion d'événement, objet porteur de sens différents et, de ce fait, transversal à différentes disciplines des sciences humaines et sociales (histoire, sociologie, sciences du langage, sciences de la communication, sciences politiques...), ici représentées.Si, comme dit le dictionnaire d'usage, l'événement est « ce qui arrive », c'est également « ce qu'il devient » au fil du temps, c'est-à-dire comment on le raconte, le nomme, le qualifie, le mémorise, et comment il se transforme lorsqu'il est « saisi » par la langue et la communication et qu'il devient ainsi objet de discours. Car l'événement, c'est également «ce qui est important pour l'homme».Dire l'événement, c'est s'interroger sur ce qu'il représente, au-delà de l'expérience individuelle et du ressenti émotionnel : ce qu'il en reste dans l'histoire d'une société et chez ses acteurs, ce qu'il devient dans les mémoires collectives lorsqu'on en use comme un précédent pour envisager l'avenir, ou bien lorsqu'on l'oublie ou qu'on le nie. Dire l'événement, c'est finalement contribuer à le construire, à le représenter et à s'interroger sur ses référents, ce que cet ouvrage s'emploie à comprendre et à expliquer autour de cinq thèmes porteurs d'interrogations transversales : l'événement dans l'espace social ; la médiatisation des événements ; l'histoire, l'oubli, la mémoire ; le nom d'événement et le non-événement ; la langue et l'événement... L'événement est une notion qui devrait intéresser tout citoyen curieux de comprendre ce qui se passe dans le monde et l'environnement dans lesquels il vit et avec lesquels il interagit.
Les études réunies sous le titre La beauté et ses monstres sont nées d'un constat de rupture entre l'idéal platonicien qui posait l'alliance étroite du Beau et du Bien et les pratiques esthétiques des XVIe, XVIIe siècles. La poétique baroque, expression d'une crise de la pensée analogique et de l'idéalisme platonicien, procède en effet d'une reconnaissance implicite de la dangereuse contiguïté entre le beau et le monstrueux et trouve son originalité créatrice dans la mise en mouvement de formes « dépravées », dans l'invention de formes qui contreviennent aux lois de la « proportion ». Métamorphoses et anamorphoses jouent de cette virtualité du monstmeux latent en toute forme parfaite qu'un rien peut déformer, déjouant toute tentative de figier des rhétoriques littéraires ou d'immobiliser des genres dans une codification rigoureuse. De même, par l'attraction qu'elle exerce, tant physique que métaphysique, la beauté a suscité la défiance devant l'envers toujours possible de cet attrait, la séduction par une beauté frelatée ou trompeuse. L'étrange et fascinante intimité entre la beauté et ses monstres fonde de la cohérence d'une dynamique de recherche par-delà la variété des angles d'analyse adoptés et la contiguïté entre le beau et le monstrueux apparaît bel et bien comme facteur supplémentaire d'unité dans l'expression de la sensibilité baroque. Ce volume, à ce titre, est une contribution à l'histoire d'une esthétique liée à cette sensibilité et aux paradoxes par lesquels elle trouve à s'exprimer, paradoxes qu'implique la saisie unifiée d'éléments contradictoires. C'est une illustration de plus, s'il en fallait, d'une crise de la représentation qui a trouvé dans une esthétique de la discordia concors ou de la coincidentia oppositorum sa réponse la plus pertinente, sa « monstrueuse beauté »
Ce livre démontre l'unité du questionnement de Rilke sur ce qu'est une image, en confrontant systématiquement la poétique et l'esthétique, en pensant ensemble l'image en poésie et l'image en peinture. Il apparaît que la figure selon Rilke procède d'un travail de la figurabilité, d'une "pensée des yeux", qui met en jeu une dialectique de la figuration et de la défiguration, du lire et du voir, de la forme et de l'informe, de la parole et du silence, de l'apparition et de la disparition.
Le "syndrome du Vietnam" a été tel que le Président Bush n'a pu engager la nation américaine dans la guerre du Golfe qu'après avoir rejeté dans son discours officiel - comme pour l'exorciser - le souvenir obsédant de l'enlisement au Vietnam. Quels que soient les sentiments que l'on puisse avoir sur les fondements idéologiques des notions de leadership, de nouvel ordre international, de juste cause, la nation américaine est caractérisée par sa phobie des conflits irréductibles et ce sont bien la lassitude et la déception qui l'ont emporté dans la "crise de conscience" de l'"Amérique impériale". Ce livre projette une image radioscopique de la mentalité et des comportements des Américains à l'époque de la contestation des années soixante.
Le Vieux Monde a beaucoup écrit sur le Nouveau. Il ne s'est pas privé de le juger, et de le juger mal. Dès le départ, le continent et ses habitants ont été affublés d'un nom erroné. Plus tard, le "Siècle des Lumières" a énoncé d'incroyables contre-vérités. L'ethnocentrisme européen était triomphant. En outre, les préjugés anti-espagnols venaient déformer un peu plus les images fantasmatiques. Aujourd'hui, les sciences mesurent mieux leurs limites ; nous savons que l'Amérique n'est pas encore découverte. À chaque étape, l'Histoire Naturelle aura été un élément-clé du débat. Jamais les savants n'auront été des hommes de cabinet qui s'imaginent travailler loin des contingences : le patriotisme, l'idéologie, la politique ou tout simplement le bonheur esthétique étaient au rendez-vous. L'ambition personnelle ne pouvait pas être toujours absente ; en revanche, l'abnégation et l'enthousiasme sont souvent venus à bout de difficultés matérielles de tout ordre. Vaille que vaille, les créoles eux-mêmes prirent peu à peu la mesure de leurs richesses. Tout cela explique qu'une équipe d'hispanistes spécialisés dans l'Amérique Hispanique ait voulu apporter sa pierre sur un pareil chantier. Les textes que nous publions ont été présentés et discutés à la Sorbonne en séminaire. Un volume est déjà paru en 1986.