"À la fin tu es las de ce monde ancien"
Et c'est peut-être pour cela qu'Alcools nous marque autant, nous a accompagné de ces musiques à syncope étrange, et pourtant tout ancrées dans nos perceptions les plus fines.
Une borne dans l'élan moderne de la poésie, peut-être à partir de cette rature dans le manuscrit conservé à la bibliothèque nationale, ce "soleil cou coupé" qui surgit pour conclure, après le grand défilé des villes d'Europe.
Oeuvre qui se débarrasse en cours de route de toute ponctuation pour nous arriver avec plus de lumière.
Comment ne pas en disposer à sa guise sur nos appareils numériques ?
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Le grand hymne au désir de notre littérature.
Machine perverse, des êtres qui s'affrontent, manipulent, trament leurs rendez-vous dans les couloirs. Mais toujours pour la passion, toujours pour l'amour, dans ces temps où il est contraint et forcé par les normes sociales.
Un grand ébranlement de la liberté d'écrire.
Mais quelle formidable machine narrative : 175 lettres, et tout l'arsenal possible, lettres incluses dans une autre, lettre ouverte par erreur, lettres qui se croisent, lettres portées directement, ou bien dictées. C'est le relief même créé par ce jeu d'envois indirects, pourtant tout lestés de la parole réelle des protagonistes, qui fait qu'on dévale dans l'histoire - même les notes de l'auteur, sur les lettres qui manquent, par exemple, ajoutent à la mécanique. Normal, puisqu'on nous prévient d'emblée qu'il s'agit... d'un roman.
Et peut-être n'a-t-on pas assez insisté sur ces dates discrètes au bas ou en haut de chaque lettre : du 3 août au 14 janvier, soit six mois de ce bouquet de lettres creusant une même intrigue - histoire en temps réel.
Et qui prend un nouvel intérêt aujourd'hui : au moment où la correspondance privée devient un rouage essentiel de la société, naît une forme littéraire qui en reprend la matérialité et la temporalité. Lire aujourd'hui le plus exemplaire et sauvage des romans éspitolaires, c'est s'interroger sur les formes littéraires qui nous sont promises, à nous qui utilisons d'autres façons d'échanger que la lettre postale.
Mais bien sûr, entre Merteuil et Valmont, on peut oubier tout cela : Sade sortira bientôt armé à l'horizon, et ce livre fonde une bonne partie de la littérature qui le suit.
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On ne sait pas par où entrer, pas dans le livre, mais dans ce qu'on pourrait en dire - de tels monuments, et que l'on pense tous connaître, on pourrait facilement en rester à leurs portes, ne pas les pousser, et aller voir plus loin, les mains dans les poches, avec cette démarche que l'on peut avoir quand on se sent un peu bête quand même de ne pas oser .
Ici, avant même de tourner la première page, on sait qu'il va être question de la mine, de la terre, et de ceux qui vont dessous y chercher ce qui nous chauffera, ce qui les chauffera, leur donnera de quoi manger, aussi.
Ici, avant même de lire la première phrase, on pense à ceux qu'on a connus un siècle après les temps de cette histoire, et qui étaient presque toujours les mêmes que ceux que l'on va croiser dans Germinal, que l'on pouvait reconnaître, dans les cafés, les rues des villes, à leurs yeux comme maquillés par la poussière du charbon et que les douches, les larmes, ne parvenaient pas à enlever de leurs regards.
Mais il faut prendre le risque de lire ce texte, vraiment, de le lire, d'oublier tout ce qu'on sait et d'entrer avec eux dans ces galeries plus sombres que tout ce qu'on pouvait imaginer, au risque de s'y perdre, au risque d'y suffoquer, au risque d'y aimer, et en sachant que tout cela nous arrivera parce que ce dont il est question dans Germinal, ce n'est pas de ceux qui meurent dans l'obscur, ce n'est pas de la révolte qui gronde au ventre des exploités, ce n'est pas, enfin, de la vie et de la mort d'un monde pourtant toujours là.
Non, ce dont il est question dans ce chef d'oeuvre, c'est de nous, tout simplement, de nous et de ce que nous portons en-dedans sans nous en savoir dépositaires.
Daniel Bourrion
Il n'a rien perdu de sa magie. Et même, à mesure qu'on s'éloigne de l'époque, la phrase en est si belle... Qui de nous pour ne pas se souvenir de l'aventure du Grand Meaulnes ?
Sans doute, pour ceux de ma génération, c'était plus facile : les écoles primaires étaient les mêmes, et il y avait un forgeron maréchal-ferrant dans la rue principale du village (à Saint-Michel en l'Herm, il s'appelait Jubien).
La vie n'avait pas tant changé, lieux, circulations, objets, du temps du Grand Meaulnes à nos années cinquante. La bascule est venue après, radicale. Michel Chaillou citait souvent cette phrase extraordinaire, où le seul adjectif ordinal suffit à conditionner et le mystère et le rêve : Et, toute la nuit, nous sentions autour de nous, pénétrant jusque dans notre chambre, le silence des trois greniers - pourquoi trois ? Tout tient à ce trois. Mais le mot grenier qui était pour ceux de mon âge associé à un univers bien concret, une odeur de pommes séchant tout l'hiver du côté maternel, et celle des pneus Michelin neufs du côté paternel, que représente-t-il lorsque nous intervenons en collège, ou cherchons à reconstruire la même bascule fantastique avec l'univers urbain des collégiens d'aujourd'hui.
Mais tel est le mystère de la lecture et du conte que les adolescents d'aujourd'hui, lorsqu'ils se glissent dans le Grand Meaulnes à leur tour, y installent des rêves qui ne sont pas les nôtres - mais le fonctionnement du rêve, sa machine à merveille, l'étrangeté de Frantz, le mystère d'Yvonne, si.
Je crois que j'ai relu le Grand Meaulnes à chaque étape de ma vie. Maintenant encore, tous les deux ans, trois ans. Et toujours des découvertes : récemment, Pierre Bergounioux cite souvent la construction séquentielle des premières pages, la mère du narrateur mise littéralement à l'ombre, remplacée par la mère d'Augustin, et cette terrible phrase qui est la première que le narrateur entend - si on met Augustin Meaulnes en pension ici, c'est que son frère s'est noyé, le narrateur prenant ainsi la place du mort.
C'est une trappe à mystère - la fête qu'on ne retrouve plus, chacun la porte en soi à jamais. Une écriture séquencée comme le cinéma, qui n'existe presque pas encore, pour la plus belle leçon de rêve et d'adolescence
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Un livre qui sent le soufre. Qui se lit en deux heures brûlantes, d'un trait. D'ailleurs, pas de chapitre, rien que ces paragraphes découpés comme on fait au cinéma, plan-séquence, cadrage, scénographie, gros plan, voix.
Trois personnages, dont un qu'on ne fait qu'apercevoir à la fin. Les autres ne comptent pas.
L'auteur a 18 ans.
Donc, une fille, deux garçons, une histoire d'amour et évidemment qui finit mal. Sauf que derrière il y a la guerre, les blessés, l'absence et l'incertitude.
C'est bien la fin d'un monde. La fin de l'ordre bourgeois, les amours réglementées, et comment les corps y mettent le feu.
Raymond Radiguet meurt deux ans plus tard, en 1923. L'oeuvre s'arrête en une poignée de livres. Elle nous dérange encore. Une littérature est née, qui reprend pour notre monde moderne la subversion essentielle.
Le diable au corps : pas une ride.
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Léautaud résume ainsi cette farce de Jarry : « Ubu roi est une oeuvre d'élèves de collège écrite au collège pour ridiculiser un professeur par Jarry et deux de ses camarades, et représentée en famille chez la mère de Jarry, laquelle a confectionné elle-même le chapeau de la marionnette d'Ubu. »
Annonciateur du surréalisme, c'est provocant, satirique, absurde, parsemé de retentissants « Merdre ! », complètement grotesque et jouissif.
PÈRE UBU
Ventrebleu, de par ma chandelle verte, j'aime mieux être gueux comme un maigre et brave rat que riche comme un méchant et gras chat.
Comment, pris à nouveau par la magie profonde et simple de "La mare au diable", on ne penserait pas d'abord à l'émotion que dut éprouver George Sand elle-même écrivant, à ces mots qui se déroulaient implacables et justes, si doux ou si tranquillement violents - son oeuvre ici culmine.
Qu'on n'y cherche pas un siècle enfui, ni les souvenirs exotiques du Berry rural. Sand sait ce qu'elle fait : écrire la friction d'un code social, basé sur la nécessité d'une économie rurale dure et pauvre, avec les lois éternelles de l'amour entre les êtres.
Le génie de Sand, ici, c'est bien sûr les personnages. Trois au centre, cinq ou six autour, un cheval.
Il se passe quoi: quasi rien. Des conversations où dire ce qui compte ne se peut pas.
Le génie de Sand, c'est de transformer cette simplicité même en récit épique : dans trois chapitres miraculeux, on va s'agarer au crépuscule, l'homme, la jeune femme, l'enfant. Un brouillard, un feu qu'on allume, la proximité et la détresse. Meaulnes en naîtra presque d'un simple décalque.
La loi rurale, au lendemain, reprendra ses droits. Mais eux trois seront armés. On la croisera alors, la "mare au diable" - mais quel enchantement, sinon quelques paroles maugréées par une vieille sourde?
Le génie de Sand, c'est que la légende devient la couleur de l'ensemble du livre, important sa menace et ses merveilles.
Une femme, un homme, un enfant, et le code qu'on violente.
Tout est beau, ici. Mais indispensable : à relire d'un trait. En oubliant tout ce qu'on a pu vous en dire, qui vous en a éloigné.
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Un conte comme tous les contes : souhaitez ce que vous voulez, et ça va vous arriver. La mort des autres, le grand amour...
Seulement, il y a un prix : cette peau qui rétrécit... Et votre vie qui finira avec elle.
Pourquoi pas. Seulement c'est le Paris qui explose, juste avant que Haussmann le repeigne. Le jeu, la prostitution, l'industrie, la presse, toutes les figures du moderne sont dans l'ombre des ruelles, larvées. C'est la Peau de chagrin qui va lever le couvercle pour les nouveaux démons.
Vous entendrez Baudelaire à chaque figure du récit : Dans des fauteuils fanés des courtisanes vieilles... Son Paris il l'a appris dans ce livre. Conte moderne, qui commence par une tentative de suicide avant la rançon à payer. Le mystique contre la bourgeoisie ? Mais c'est elle qui gagne.
Et peut-être pour Balzac aussi, la peau de chagrin... Ce sera son premier succès, mais considérable, immense. Il écrira bien d'autres et d'autres livres, les rassemblera dans le magistral édifice de la Comédie humaine, mais une seule fois il rencontrera de cette façon l'inconscient de son époque. Livre fétiche, page turner : une fois débutée la machine vous êtes pris. Et c'est bien pour cela qu'il fallait la version numérique.
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Edgar Poe n'est pas un auteur rare. On en trouve des versions numérisées depuis le début de l'Internet littéraire.
Ce qui est rare, c'est son statut dans notre bibliothèque, dans nos dettes de lecteur.
Ainsi, Le scarabée d'or est le premier titre d'Edgar Poe que j'ai lu, je devais avoir 10 ou 11 ans, minuscule petit livre relié (je crois que c'est d'abord le format qui m'a paru mystérieux) dans l'armoire vitrée de mon grand-père maternel.
Et puis, lu d'une traite, cette impression, récurrente avec Poe, qu'on n'a jamais rien lu de tel. À cause de la traduction de Baudelaire, ses curieuses harmoniques, ses amplifications discrètes, ou sa propre dévotion, ou sa simple magie du rythme ? Ça doit probablement compter.
Mais tout simplement parce que c'est Poe. Ce format bref, destiné à la publication magazine, et son propre goût pour le bizarre.
Et qu'on s'y reconnaît de suite : ce sont les codes et canevas des récits d'aventure, des récits fantastiques, des enquêtes de détective, ou des livres de voyage. Seulement, à un moment donné, discrètement, le code est mis en cause : on ne parle plus que d'un seul thème, le cerveau, et ses possibles dérèglements, et ce en quoi alors, en retour, cela affecte la perception du monde et même c'est là le fantastique singulier de Poe, la réalité même.
Le scarabée d'or ne propose pas les mêmes chamboulements théoriques qu'on peut tirer de Usher, Le puits et le pendue, Descente dans le maelstrm, Metzengerstein ou Manuscrit trouvé dans une bouteille. Mais c'est un récit plus long que les autres, presque un premier élan vers le grand récit de navigation vers l'Antarctique rêvée, Arthur Gordon Pym. Mais c'est aussi un peu permanent avec le langage, l'art épistolaire, les énigmes codées, et le célèbre manuscrit à déchiffrer.
Peut-être un des plus beaux exemples de pure littérature.
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L'immensité Hugo, tout entière dans le visage d'un homme : Gwynplaine, le défiguré. Celui dont le rire a été sculpté dans sa face pour toujours.
Jamais Hugo n'a été aussi loin dans le fantastique. Le naufrage de la chaloupe sur les écueils de la Manche, l'enfant sous le gibet, la scène de torture dans les cachots de la tour de Londres, le saltimbanque avec sa roulotte et son loup dans l'Angleterre de la reine Anne...
Il y a bien sûr l'amour, les méchants, l'aventure et les hasards. Et les magnifiques monologues de Gwynplaine face aux Lords, ou les improvisations d'Ursus pour son loup.
Hugo écrit en exil. C'est sa dette à l'Angleterre qu'il paye, c'est sa dette à la mer, où commence et finit le livre.
Qui aime Hugo connaît les splendeurs, les terreurs, les grimaces et les rêves de L'homme qui rit.
Et pour le découvrir ou le relire, le voici en numérique...
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Un continent de lave poétique, prose, versets, animaux, fous, devins, imprécateurs, mis au service de celui qui, après s'être retiré au désert, revient vers les hommes, et que "commence son déclin".
Le Surhumain, la guerre, la pauvreté, la violence, le désir, la ville, les îles, le corps : tout ici s'agrège et s'entrechoque, et c'est toute notre civilisation et son histoire qui vient se lire elle-même.
On n'en a jamais fini de se plonger dans ce texte, d'y mesurer son propre chemin intérieur, de s'y ébrouer - et de s'enfuir. A la fin, plus rien qu'un âne qui brait inlassablement.
On a la chance que la première traduction, celle de Henri Albert, au tournant du XXe siècle, soit elle aussi devenue ce monument incontournable.
Ce sont des forces pour le présent. Forces mauvaises et forces belles, mêlées indissolublement.
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Une période où Flaubert ne va pas bien. Échecs relatifs de ses livres, et la petite fortune qui lui permettait d'être à l'abri des misères du siècle, bien écornée par le soutien à apporter à sa nièce Caroline, qu'il a élevée.
C'est dans ce passage à vide, avant le grand rebond satirique de Bouvard et Pécuchet, qu'il s'attelle à trois miniatures essentielles. Non pas qu'il s'agisse de nouvelles ou récits brefs : la vie exemplaire de Félicité, la servante de Un coeur simple, est un livre à lui tout seul, une des plus grandes démonstrations de la prose française. Et peut-être jamais Flaubert n'a-t-il été aussi loin dans la précision du concret, le goût des choses (si elles sont dites), ainsi le fameux perroquet, la procession, et cet incroyable portrait de la relation maître à domestique.
Et dans la Légende de Saint-Julien l'Hospitalier, on retrouvera comme ces vieux vitraux d'église, et toutes les fantasmagories qui hantent Flaubert (la scène de chasse en ouverture) depuis sa tentative des Tentations de Saint-Antoine, comme dans Herodias on retrouvera les ors romaines de Salammbô.
Et tout cela comme un poème. Textes qu'on s'imagine toujours connaître, et qu'on redécouvre dans leur étonnante puissance à chaque relecture. C'est violent.
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Le droit à la paresse de Paul Lafargue, gendre de Karl Marx, a toujours tenu un rôle privilégié beaucoup plus pour notre imaginaire qu'en tant que texte sociologique ou politique. Alors, on pourrait se dispenser du travail ?
Ces théories ont pris tout récemment une nouvelle actualité, et nos modes de vie nous conduisent en permanence à nous en reposer la question. Le chômage massif et organisé comme permanence sociale, la brutalité des licenciements, l'histoire de la protection sociale en France et ses côtés parfois anachroniques. L'émergence de la culture des loisirs et la marchandisation du temps libre, c'est tout cela que nous faisons résonner dans le titre paradoxal de Lafargue.
Pourtant, comme nous sommes proches des analyses de Engels sur la classe ouvrière anglaise, la mise au jour des mécanismes de l'exploitation la plus sauvage du travail humain dans les filatures, mines, hauts-fourneaux.
C'est à ceux qui posent comme idéal que l'ouvrier, l'enfant, l'ouvrière n'aient à travailler que douze heures par jour que s'en prend Lafargue. Les concepts de temps et de consommation qu'il établit, à nous de les relire de façon active.
Écrit dans l'écho de la Commune à laquelle Lafargue participe, dans la dureté de la répression ouvrière de ces années 1880, le Droit à la paresse est dans ma bibliothèque numérique depuis bien longtemps.
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On est en 1794. Après un siècle d'exploration du monde, de passion de la découverte, la Terreur, l'incertitude.
Cela ne compte pas. Le monde au-dehors est balayé. Il suffit d'un rai de lumière dans le rideau, de la flamme longtemps regardée dans la cheminée.
De l'art d'être avec soi-même, ou pluôt de cheminer vers soi-même.
L'auteur a 27 ans, un duel paraît-il l'a contraint à rester 42 jours aux arrêts dans sa chambre, et c'est son frère, le philosophe Joseph de Maistre, qui le publiera.
C'est la magie spécifique à ce texte (double texte, puisque Voyage autour de ma chambre est suivi de Expédition nocturne autour de ma chambre, puisque ses contemporains n'allaient pas le laisser s'en tirer à si bon compte, avec juste ces 40 chapitres (parfois tout brefs, le plus court fait... une ligne) de son livre étonnant.
Dans la douceur et la fascination que nous pouvons avoir à lire ou relire Voyage autour de ma chambre, je crois que c'est cette symbolique si forte de l'espace renversé qui nous entraîne : dans les quatre pas qui nous séparent des murs où on se calfeutre, le monde entier résonne - et cela peut constituer pour chacun la totalité du monde.
Il faut rêver un peu ? Justement, c'est l'art des grands textes, de nous le permettre... Et peut-être que le monde qui nous entoure, ici et maintenant, rend très actuelle cette belle et active méditation.
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Zola a mauvaise presse : on le trouve trop lourd pour notre goût nouvelle-cuisine de la littérature. Ses personnages, trop soumis à leurs pulsions, violentes ou lubriques. On le remet en perspective après Flaubert le ciseleur, Maupassant le jongleur, et on voit les lourdes ombres du XIXe finissant, l'affaire Dreyfus, le capitalisme sauvage, nous promettre une lecture bien trop sérieuse et appliquée pour ce qu'on en voudrait.
Mais on est tous tombés dans Zola à l'adolescence. Et précisément pour les mêmes raisons, les mêmes ciels lourds d'orage, cette même sexualité à fleur de phrases et de visages, et la violence d'un monde si près du nôtre, qu'il l'enfante.
Alors, quand on rouvre la grande pyramide des Rougon-Maquart, on ne sait pas trop, parfois, par où l'aborder. La violence crue et sourde de Germinal, la figure hâve de l'artiste de L'Oeuvre, la boue partout dans La terre, ou les échappées mystiques ou presque érotiques du jardin de l'abbé Mouret ?
Zola, c'est tout cela à la fois, indissociable. Mort d'une asphyxie accidentelle à 62 ans, il n'a pas su produire lui-même la conclusion - y en avait-il une, ou bien : ne sommes nous pas nous-mêmes cette conclusion, parce que rien de ce que Zola décrit ne nous est épargné ?
Le commerce dans le Bonheur des dames, la Locomotive de la Bête humaine sont des autres versants de cette même grande bascule : l'invention de notre société moderne - Baudelaire en prenait les symptômes, Zola doit la charrier dans sa masse.
Voilà un livre de jouissance, de plaisir de la langue, un livre d'accumulation - et aucune grâce qui nous soit faire, lorsqu'on fabrique le boudin dans la charcuterie. Mais c'est le peuple, le grand peuple de Paris, le peuple avec son verbe. La métropole est née, elle a passé les deux millions d'habitants : il faut la logistique qui les nourrisse.
La force musculaire et le bonheur de Zola, c'est d'aller là, et d'en faire roman. Il faut y revenir, et une fois le livre démarré, accepter de ne plus s'arrêter.
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La série Zola de publie.net est numérisée, révisée et préparée par Daniel Bourrion.
Marie-Madeleine Pioche de la Vergne, comtesse de Lafayette, fait paraître anonymement La princesse de Montpensier en 1662 : elle a 28 ans.
La princesse de Montpensier meurt à 24 ans, dans la France déchirée par les guerres entre catholiques et protestants, dans cette époque rude qui a vu surgir Agrippa d'Aubigné : qu'on se reporte à son Printemps et ses Stances pour savoir comment on osait aimer.
C'est un livre bref, tendu, compact. Presque une seule phrase. Cela va vite. On ne s'écarte jamais de la tragédie principale, celle de quatre personnages, et quelques utilités. L'amant de coeur, mais rapprochement interdit, et course l'un vers l'autre qui fournira le drame, et la chute - lui s'en sortira mieux. Le mari, et l'ami du mari. Tous et quelques d'autres obnubilés par la beauté de cette fille, et qui s'autorisent d'en annihiler le destin.
C'est pour cette technique ébouissante et tendue du récit, sur destin de femme en temps de guerre et l'ombre de la Saint-Barthélémy, qu'il faut se réapproprier l'histoire à même le texte.
Tel homme politique a beaucoup fait pour la Princesse de Clèves, l'hommage dépasse ici la langue.
MD
Au départ, en 1760, l'histoire réelle d'une religieuse de Longchamp.
Mais, pour qui a lu Sévigné ou Saint-Simon, combien d'histoires identiques pendant des décennies et décennies ? Jeunes femmes enterrées vivantes dans des couvents qui font leurs affaires de la dot déposée pour le placement. Sombres raisons d'héritages et de partage de bien. Libre disposition des êtres.
La réalité que dévoile Diderot, c'est là, la convocation de littérature. La violence simple, coercitive. Puis la tentative de faire passer l'autre pour fou. Puis la torture même.
Enfin, la perversion du système en lui-même. Et le fond sous-jacent de l'homosexualité dans sa répression tout aussi brutale.
Pas besoin de vraie publication (ça attendra la mort de Diderot, en 1790), pour que la Religieuse devienne ce brûlot où c'est tout simplement de la liberté à disposer de son corps et de sa vie, qu'il est question.
Le réquisitoire contre l'église catholique vient battre ce qu'elle est dans notre époque même, les faits divers en déchirent assez souvent l'actualité. Mais le saisissement narratif qu'impose Diderot, le basculement dans le dialogue, le tranchant des êtres, la lecture haletante qu'il provoque - c'est littérature.
FB
Cette collection de classiques, depuis le début, c'est ma bibliothèque numérique personnelle, constituée au fil des années. Mon cabinet de curiosités, les textes auxquels je suis le plus attaché.
Nous proposons simultanément deux textes majeurs de Marivaux, mais beaucoup, beaucoup trop méconnus. Pourquoi, parce que révolutionnaires avant l'heure, instables, malsains ?
Parce que, dans ces deux pièces brûlots, écrites et jouées à 20 ans d'intervalle, en 1725 et 1744, Marivaux, le roi du travestissement, des fausses apparences, le funambule des jeux de dialogue, prend pour thème l'ordre social lui-même, et la domination d'un homme sur un autre homme.
Pour chaque texte, une idée de départ renversante : dès leur naissance, deux garçons et deux filles ont été élevés dans des murs, sans aucun contact avec l'humanité. Le Prince vient assister au lâcher des fauves : on les met en présence, on les confronte à un miroir - ce qui fonde notre humanité part-il d'un principe naturel ? Et s'ils réinventent nos perversions, cela les justifie-t-elle ? Voilà pour La Dispute, dont Koltès a fait l'exergue à son Solitude dans les Champs de Coton. Ou bien, voici des naufragés dans une île où les maîtres deviennent esclaves, et les esclaves, maîtres. C'est une république, mais on ne peut s'enfuir. Comment chacun va-t-il se glisser dans la peau du rôle contraire à ce que le destin lui avait assigné ? Voilà pour L'Île aux esclaves.
Marchandises dangereuses, manipulation de l'être humain : mais on est sur la scène de théâtre, c'est Arlequin, à la fois naïf et rusé, avec le grain de méchanceté qu'il faut. Trop osé pour Louis XV : par un ultime artifice rhétorique, qu'il affectionne, Marivaux fera bien rentrer tout son dispositif dans l'ordre, avant de ranger.
Il me semblait important de proposer ensemble ces deux singularités majeures, ces prouesses de la langue, mais ces deux laboratoires à cru de la nature humaine. Un prodige - on est quelques-uns à le savoir, on le met en partage.
Chacun des textes, à titre exceptionnel dans publie.net, est accompagné d'une présentation d'une dizaine de pages.
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Quel est celui de nous qui n'a pas, dans ses jours d'ambition, rêvé le miracle d'une prose poëtique, musicale sans rhythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s'adapter aux mouvements lyriques de l'âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience ? C'est surtout de la fréquentation des villes énormes, c'est du croisement de leurs innombrables rapports que naît cet idéal obsédant.
Le passage est célèbre, mais il a servi de programme à toute la littérature moderne après lui, et pas qu'en France, pour l'irruption de la ville dans le roman.
Le chantier essentiel de Baudelaire, rythme, syncope, perversité, retournement de la poésie sur elle-même, c'est les Fleurs du Mal. Chantier vie.
En même temps, c'est comme s'il se savait, après Hugo, le dernier poète : qui pour utiliser après lui le sonnet ? Rimbaud et Mallarmé ne feront qu'ajouter un codicille, et savent leur dette. L'enjeu, c'est la prose. Celle que probablement accompliront Rimbaud et Lautréamont, tout pétris de Baudelaire.
La prose qui résonne si magiquement dans les traductions d'Edgar Poe. C'est sur cette piste que part à l'assaut Baudelaire. Avec une matière immense et neuve : Paris.
On est au tout début des années 1900 : un jeune autrichien, tout juste marié, et dont le but est de devenir poète, obtient de devenir pour quelques mois le secrétaire de Rodin. Choc de la ville, choc artistique. Expérience des limites.
L'expérience ne durera que quelques mois. Rilke prolonge seul dans la ville, l'hiver, la bibliothèque nationale. Ici on voit tout : l'hôpital, la crèmerie, la rue, la nuit, les livres.
Rilke s'invente lui-même, mais pour cela il crée Malte Laurids Brigge : c'est son personnage qu'il envoie au-devant de lui, au contact de la mort. Quand on veillera le corps du grand-père disparu, on apercevra nettement une main qui rampe par terre. L'expérience des limites donne accès au fantastique, au mythique.
Mais si ce livre est devenu le classique obligatoire qu'on sait, c'est bien pour être d'abord cela: une autobiographie d'écriture.
Michelet, c'est l'irruption de l'Histoire dans la pensée, avec les outils de la littérature.
Il vient de terminer son Histoire de France. Il reste tant de nuit. Dans cette nuit, le crime: crime collectif, même si l'Église lui sert de bras.
Dans les manuels de l'Inquisition, dans les vieilles relations des procès de sorcellerie, Michelet découvre la naissance d'une idée: la femme.
L'étendue du crime, les centaines ou milliers de victimes, en expiation de quoi ? L'inconscient collectif de l'homme face à ce qui lui fait peur.
L'examen est révoltant, il est dur, à la limite parfois de l'insoutenable. Mais les rouages ne sont pas des fantômes dont nous nous serions à jamais débarrassés.
L'enquête de Michelet est passionnante en elle-même, elle ouvre à grands pans sur notre présent.
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L'idée qui me guide depuis longtemps : avoir dans ma bibliothèque numérique les livres qui ont compté pour moi, tout simplement. Et Michelet en est. La mer, quel immense poème... On a complété par cet étrange texte de curiosité dans le monde, L'Oiseau...
Pour la Sorcière, personne n'avait réalisé de version numérique. Ça m'avait demandé quelques mois, mais, dans ces temps premiers de publie.net, au moins je l'avais mise en ligne. Depuis, le niveau d'exigence a monté. Relecture, nouvel epub, couverture aux bons soins de Roxane Lecomte.
Et surtout, l'idée que notre intervention, qui justifie de reprendre ces magnifiques trésors du domaine public, c'est le lien qu'on peut en faire à la lecture au présent. Sur le web, tout est offert, mais guider et mettre en avant les enjeux, ça passe par la lisibilité même, l'ergonomie de ce qu'on fait du texte, mais ça passe aussi par cet énoncé.
Hervé Jeanney, en tant qu'historien, s'en est chargé (et de la relecture pour l'établissement du texte). Il nous propose un préambule qui renverse radicalement les clichés sur Michelet. Tenir la ligne frontière entre le travail de l'historien et celui de l'écrivain. Replacer la lecture du Moyen Âge, qui a tant évolué depuis 80 ans, dans cette dynamique même d'appropriation et lecture.
Ça ne change rien aux horreurs que décrit Michelet, et à une question qui ne peut pas s'appréhender sans poser politiquement le rôle de la femme dans la société, en permanence lisible en creux dans les énoncés qui les condamnent pour sorcellerie, et tuent.
Voici ce préambule d'Hervé Jeanney, et - pour nos abonnés qui auraient déjà téléchargé la version initiale de la Sorcière, bien sûr penser à la remplacer par celle-ci !
François Bon
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En 1862, quand paraît La Sorcière, Michelet a 64 ans. Autant dire qu'il n'est plus un perdreau de l'année. De lui, de son oeuvre, Pierre Chaunu, historien archi reconnu-encensé-installé, dira "au niveau historique, c'est nul". Parce que Michelet, souvent, écrivit non en historien mais en écrivain.
Touffu, éclaté, fiévreux même, La Sorcière est un livre de convictions qui se soucie comme d'une guigne de vérité suprême. Au contraire. C'est un livre où l'auteur livre ses écoeurements devant la bêtise du dogme religieux, la stupidité des inquisiteurs, le gâchis humain que souvent le Moyen Âge livra. Et ses séquelles obscurantistes jusqu'en plein XVIIIe siècle.
Bien sûr, on sait depuis que Michelet "inventa" le médiéval horrifique. Il le tenait tellement en horreur qu'il le noircissait à outrance. Mais ces excès ne sont pas si gênants puisque l'historiographie, depuis, s'est chargée d'équilibrer la balance. Et puis, en histoire, science inexacte s'il en est, le questionnement est plus important encore que le verdict, et La Sorcière questionne, retourne et défriche en tous sens. Contes, légendes, et même tentatives (maladroites, mais quand même, 1862 !) d'ethnohistoire, textes religieux, édits, la matière que Michelet recycle est immense. Sans compter toutes les citations faites "de tête", venues du fin fond de sa culture classique.
Ce livre n'est pas sans défauts, le premier étant sans doute de pousser le lecteur à se demander souvent ce que l'auteur fait dans ce maelstrom d'idées, d'impressions et de citations ; à tel point qu'à plusieurs reprises on se croirait perdu dans un tableau de Jérôme Bosch, sans en trouver ni le sens ni la sortie. On trouve aussi, perlées, de nombreuses allégations pseudo-raciales si fréquentes au XIXe siècle, agaçantes caricatures visant le Nordiste appesanti et renfrogné, le Sudiste sauvage et solaire, l'Espagnol exubérant, le Jésuite enfin accablé d'absolument toutes les tares. Pas grave : tant de phrases sublimes vous restent après qu'on oublie ces travers.
Michelet, conscience hugolienne et scientiste à la fois, explose de colère, de sarcasme, d'inventivité et de fulgurances dans ce livre unique. Dénonciation de l'obscurantisme, de la misogynie, de l'exploitation des faibles, c'est comme si l'ennui profond qu'il devait ressentir en ces années dolentes de Napoléonisme (le III, pas le 1er) venait lui fouetter le sang. Souvent, on se demande si le réel sujet du livre n'est pas Satan lui-même, si souvent cité, et dont Michelet n'a pas décidé fermement s'il était l'ennemi absolu ou la providence de l'humanité. En cela, il sépare clairement ces inquisiteurs plus bornés et dégénérés les uns que les autres (pages horrifiques d'orgies en tous genres) du démon, conceptuel, ironique et presque attachant. Michelet pardonne au diable, pas aux hommes.
Hervé Jeanney
D'abord, parce qu'il s'agit d'un manuscrit des plus légendaires de l'histoire de nos lettres. Ecrit à la Bastille, en 1785 (plus d'un an après son arrivée), sur des pages minuscules collées bout à bout dans un immense rouleau de dix mètres. Toute la première face couverte de son écriture serrée : cette bande a été écrite en vingt soirées, de sept à dix heures, et est finie ce 12 septembre 1785. Et 37 jours pour l'autre face, mais Sade prisonnier de son propre système, condamné à une amplification qui ne laissera d'autre choix à ses protagonistes que se massacrer eux-mêmes, sans révolte, et lui de n'en être plus que le comptable - des accumulations, des listes numérotées, un tournoiement, un compte de dates et de supplices.
Alors compte quoi, sinon la légende du rouleau abandonné dans les ruines de la Bastille, retrouvé par un anonyme qui le vendra bien plus tard, sinon cette furie de survie, d'un homme que nous ne connaîtrons jamais, et qui tisse le territoire de violence, d'épouvante, de luxure et d'échappées transcendantes - comme fasciné lui-même par ces emboîtements infinis de récits - qui définissent le territoire dont il usera ensuite en musicien ou architecte, quand ici il n'y a que l'obscur ?
Nous lisons la fabrique de Sade, une fabrique qui ne dit que sa propre impossibilité, et la sienne. Et ce sommet d'écriture qui commente lui-même ses plans, ses erreurs, ses reprises, son rythme - faisant de l'abîme qu'il dresse une figure même de l'oeuvre littéraire. Lisez donc le Lautréamont et Sade, de Maurice Blanchot : il ne nous est pas possible de contourner cette monstruosité même, si c'est d'elle que nous tirons notre propre chemin pour écrire.
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Qui de nous n'aurait pas pleuré à la mort de Joli-Coeur ?
Rappelez-vous, Joli-Coeur, le singe de Vitalis, musicien de rue, montreur de spectacles par les villages, avec son singe et son chien Capi.
Sans Famille a été pour des milliers et milliers d'entre nous le livre de l'enfance, le grand livre de l'initiation.
L'enfant trouvé, vendu par le méchant pour 40 francs au musicien errant, mais c'est celui qui lui apprendra à lire, chanter et jouer de la harpe.
Nous vivions alors chacun dans nos villages. Le monde était inconnu. Perec lui aussi se gavera de ces livres comme Le tour de France de deux enfants, qui nous permettaient de savoir ce qu'il en était, au-delà de l'horizon visible.
Vitalis va emmener Rémi de ville en ville, par les provinces, jusqu'à Paris. Il y aura la prison, l'injustice, et l'hiver avec la mort du petit singe. Puis Paris et cet aperçu sur l'enfer. Vitalis n'y survivra pas.
L'orphelin s'en va seul, apprend tous les métiers. Il sera jardinier, il descendra dans la mine. Et puis le rejoindra Matta, Italien comme l'était Vitalis, musicien né, et avec qui la musique des rues revient au premier plan.
Tout ce livre est une obsession de musique et chant. Dans
le sombre roman de l'enfant volé, puis le long chemin des retrouvailles, souvent c'est la musique, et le spectacle, qui les sauveront.
Comment ne pas renouer adulte avec Vitalis et Rémi ? La carte de France, par ses hommes et ses villages, est restée la même, sous l'immense humanité de ce texte.
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Grand Raymond Roussel : vie hors du commun bien sûr, un héritage qui fait de lui un homme fortuné, libre de se consacrer aux passions qui le brûlent. Compositeur, pianiste de génie, inventeur tous azimuts, sauf qu'incompris. Et, au-des la passion d'écrire : un inventeur, un manipulateur (voir son légendaire Comment j'ai écrit certains de mes livres), un expérimentateur sur comment s'y prendre.
Et pourtant, à chaque publication, de son vivant, l'échec qui le conduira au suicide, à Palerme, en 1933.
Il nous laisse, parmi une suite de monstres littéraires qui en mettent toutes les valeurs à bas, au moins une oeuvre en apparence raisonnable : la description du parc, dans la demeure d'un étrange inventeur, Martial Cantarel, et quelques rencontres qu'on y fait.
Il fallait cela pour que nous entrions, nous, comme dans un rêve, dans ces machines étranges, mêlant l'art du récit à de fascinantes inventions plastiques, machines à arracher les dents et composant ces labyrinthiques oeuvres d'art à partir des dents collectées ?
"Locus Solus", paru en 1914, au bord de la catastrophe du monde, est un livre des plus immenses, vaguement inquiétant, toujours acide, un défi à notre relation ordinaire au monde.
Il suffit pourtant d'y suivre l'explorateur Échenoz pour être pris par le plus simple, le plus époustouflant et troublant roman.
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