« Culture de l’inceste » ? C’est trop fort, trop violent ? Cette formule, adaptée de l’expression « culture du viol », elle-même définie dans les années 70 par les féministes américaines, n’est pourtant pas une provocation. C’est une invitation à penser l’inceste en termes culturels et non individuels, à l’envisager non pas comme une exception pathologique, mais comme une pratique inscrite dans la norme qui la rend possible en la tolérant, voire en l’encourageant.L’ampleur de la dévastation (une personne sur dix concernée en France) appelait ce livre urgent, vibrant, à vif parfois, qui rassemble des voix diverses, aussi bien militantes qu’universitaires. Un livre qui sort des témoignages et des débats psychanalytiques pour se concentrer sur une seule et unique question : pourquoi ? Quels sont les ressorts sociaux et anthropologiques de l’inceste ? Comment interroger nos représentations (dans la culture populaire, dans la pornographie) ? Comment faire le lien avec les dominations à l’œuvre (des adultes sur les enfants, des hommes sur les femmes…) ? Avec la direction-coordination d’Iris Brey et de Juliet Drouar, les auteurices ont voulu proposer des pistes, créer des ouvertures, formuler des hypothèses : cet ouvrage offre l’amorce d’une réponse politisée et collective.
- Papa, je voudrais faire une enquête sur les maos, qui faudrait-il interviewer à ton avis ?
Il a grimacé...
– On ne parle plus jamais du maoïsme en France, et toi, qui en étais une des têtes pensantes, tu es devenu silencieux. J'aimerais demander à ceux qui militaient avec toi alors, ce qu'ils pensent de ton silence.
Haussement d'épaule.
– Tu sais papa, moi, quand tu t'es arrêté de parler, j'avais quinze ans. À quinze ans, on a beaucoup de souvenirs. Arrête de penser que parce que tu parais vivre sans mémoire, c'est pareil pour tout le monde !
Il me regarde, il a les larmes aux yeux.
– C'est notre secret ma petite fille...
– C'est quoi notre secret ?
– Que tu saches tout ça, et que moi je ne parle plus.
Je suis la fille de Robert Linhart, fondateur du mouvement prochinois en France et auteur de L'Etabli. Mon père est une des figures les plus marquantes des années 1968. Malheureusement, il en est aussi l'une des figures les plus marquées.
En chemin pour retrouver les anciens compagnons de mon père, j'ai découvert leurs enfants. À travers leurs souvenirs, c'est ma propre enfance qui a ressurgi : tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir des parents révolutionnaires...
VL
Virginie Linhart née en 1966 est réalisatrice de documentaires. Elle a publié Volontaires pour l'usine. Vies d'établis 1967-1977 (Seuil, 1994).
Ce livre présente la théorie anthropologique que Pierre Bourdieu a dû construire pour fonder sa recherche scientifique. Qu'il prenne à revers, pour mieux les résoudre ou les dissoudre, les problèmes que les philosophes " structuralistes " se sont posés, comme celui du " sujet " de l'action, ou qu'il mette à l'épreuve les analyses de Strawson, Austin, Wittgenstein, Kripke - ou des philosophes classiques, délibérément convoqués à contre-emploi -, le sociologue, bien qu'il se défende de " faire le philosophe ", traite de manière tout à fait nouvelle d'un certain nombre de questions philosophiques essentielles. Et l'épure conceptuelle que dégage le commentaire rétrospectif fait apparaître sous un jour totalement nouveau une des œuvres les plus importantes de notre temps.
Peu de figures universellement célébrées sont aussi mal connues que Martin Luther King Jr. La lutte pour les droits civiques et l'égalité des Noirs dont le pasteur baptiste prit la tête est remémorée comme un appel à la fraternité et à l'unité nationale que l'Amérique sut entendre. Ce récit édifiant a considérablement aseptisé la force révolutionnaire de sa pensée et la brutalité de l'oppression contre laquelle il s'insurgeait. Qui se souvient qu'à peine un an après avoir reçu le prix Nobel de la paix, King déclara que son rêve était devenu un cauchemar en raison de l'enracinement du système d'exploitation capitaliste ? La fin de la ségrégation institutionnelle en 1964 n'était à ses yeux qu'une étape. L'ultime phase de son combat, qui culmina avec la " Campagne des pauvres " et que son assassinat en 1968 laissa inachevée, fut quasiment effacée de la mémoire des États-Unis et avec elle le sens profond de son engagement.
Penseur de la justice sociale, Martin Luther King opéra une extraordinaire synthèse entre christianisme, liturgie noire, non-violence, désobéissance civile et marxisme. C'est ce penseur avant-gardiste et radical à la postérité édulcorée que cet ouvrage entend faire redécouvrir en l'inscrivant dans une tradition de dissidence américaine trop souvent ignorée.
Sylvie Laurent est américaniste, agrégée d'histoire et docteur en littérature américaine. Chercheur associée à Harvard et Stanford, elle enseigne à Sciences Po. Elle a notamment publié Homérique Amérique (Seuil, 2008) et Poor White Trash. La pauvreté odieuse du Blanc américain (Presses de l'université Paris-Sorbonne, 2011).
Le Livre brûlé
A côté de la Bible - la Loi écrite - le Talmud, depuis sa clôture vers l'an 500 de notre ère, constitue la Loi orale, l'enseignement jamais interrompu de la tradition juive, sa mémoire et les racines de sa culture.
Le Livre brûlé se déploie en trois livres : le premier présente une introduction systématique à l'univers talmudique, à ses méthodes, à ses débats, à sa logique, à son histoire. Le deuxième, qui commente deux textes importants de la Michna et de la Guémara, offre un modèle d'étude séculaire confronté aux réflexions philosophiques contemporaines. Le troisième enfin, qui donne son nom à l'ouvrage, interroge la figure énigmatique et puissante d'un maître hassidique, Rabbi Nahman de Braslav, qui, sentant la mort venir, détruisit par le feu un de ses écrits... Trois livres qui en suscitent d'autres, à l'infini, et qui posent la même question : ne faut-il pas, au fond, "détruire" les livres pour donner naissance à la pensée, pour créer le renouvellement du sens ? Pour que la fidélité aux écritures ne se pétrifie pas en respect têtu et en refus aveugle du temps et de l'Histoire. Car, comme dit R. Nahman de Braslav : "Il est interdit d'être vieux."
Marc-Alain Ouaknin
Né à Paris en 1957, rabbin et docteur en philosophie, auteur de nombreux ouvrages et articles sur la pensée juive, est directeur du centre de recherches et d'études juives ALEPH (Paris) et enseigne la philosophie et la littérature comparée.
Les affrontements entre la police et les manifestants se sont multipliés en l'espace de quelques années. Avec pour bilan un nombre effarant de blessés, mais aussi des décès. Comment en sommes-nous arrivés là ? Après Mai 68, la pacification du maintien de l'ordre avait fait la fierté des gouvernements français successifs. Mais, dans un contexte de tensions sociales accrues, de violences urbaines et de terrorisme, le maintien de l'ordre s'est militarisé et finalement brutalisé. La manifestation de rue se voit de moins en moins reconnue comme une expression légitime de la contestation. La violence de la répression, la simple vue de l'armement des forces de l'ordre exercent désormais, à elles seules, de puissants effets de dissuasion.
Grâce à des enquêtes menées depuis plus de vingt ans, Olivier Fillieule et Fabien Jobard établissent le constat implacable de ces régressions successives et les analysent. Les nouvelles « politiques du désordre » qu'ils décrivent mettent au défi notre démocratie.
"Voici regroupées des chroniques écrites au fil du temps depuis maintenant une dizaine d'années. Si je les souhaite à peu près véritables, elles n'en sont pas moins romancées. L'anonymat n'est pas prétexte à me donner licence de tout dire. Peu importe qui parle et de qui je parle (les noms sont fictifs - à l'exception des morts -, les circonstances très souvent modifiées). J'ai toujours écrit ces textes dans le désir, non d'affirmer quoi que ce soit, mais de décrire, dépeindre, raconter une vie ordinaire de comédien ordinaire. Je ne donne aucune connotation péjorative à ce mot, que je ne prends pas dans le sens de terne, moyen, médiocre, mais dans celui de coutumier, régulier, normal. La banalité en question m'est précieuse. Un autre mot serait pour moi tentant, s'il n'était source de malentendu : le beau mot de classique. Plus exactement, sans porter le moindre jugement de valeur, sans jouer le désenchantement du comédien qui commence à en avoir beaucoup vu, je voudrais montrer l'ordinaire d'une vie que l'on a coutume de percevoir comme nécessairement et toujours extraordinaire. Et j'aimerais évidemment qu'on perçoive le caractère un peu, parfois, extra-ordinaire de cet ordinaire."
Que nous apprend cette crise ? En premier lieu que les humains au travail ne peuvent être réduits à des « ressources ». Les caissier.es, les livreurs, les infirmier.es, les pharmacien.nes, les docteurs, toutes celles et tous ceux qui nous ont permis de continuer à vivre dans la période de confinement en ont été la démonstration vivante.
Cette pandémie nous montre en second lieu que le travail lui-même ne peut être réduit à une marchandise. Les soins de santé, la prise en charge et l'accompagnement des plus vulnérables sont autant d'activités qui doivent être protégées des seules lois du marché, sans quoi nous risquons d'accroître toujours plus les inégalités, jusqu'à sacrifier les plus faibles et les plus démunis.
Pour éviter un tel scénario, que faut-il faire ? Démocratiser l'entreprise - c'est-à-dire permettre aux employés de participer aux décisions. Et démarchandiser le travail - c'est-à-dire à la fois protéger certains secteurs des seules lois d'un marché non régulé, mais aussi garantir à chacun l'accès à un travail qui lui permette d'assurer sa dignité.
Au moment où nous faisons face à la fois au risque pandémique et à celui d'un effondrement climatique, ces deux changements stratégiques nous permettront non seulement d'assurer la dignité de chacun, mais aussi d'agir collectivement pour dépolluer la planète et la sauver.
L'art de bâtir les villes
L'Art de bâtir les villes, publié par Camillo Sitte en 1889, demeure le passage obligé de toute réflexion sur la ville. Constatant la laideur de l'urbanisme en plein cœur d'une période de mutations dont notre paysage citadin est aujourd'hui le fruit, il s'interroge sur le destin de la ville européenne, sur son changement d'échelle, sur l'évolution des modes de vie et des mentalités ainsi induite.
Se demandant s'il est possible de créer un environnement urbain à la fois beau et moderne, il questionne les " villes historiques " pour en comprendre les principes d'équilibre. Loin de défendre un retour aux formes et aux styles du passé, il promeut une architecture qui, adaptée à son temps, sache être esthétique et conviviale. Ses réflexions sur l'agglomération de l'avenir qu'il rêvait d'inventer sont plus que jamais d'actualité.
Camillo Sitte (1843-1903)
Architecte et historien d'art viennois.
Traduit de l'allemand par Daniel Wieczorek
Préface de Françoise Choay
Les architectes sont-ils archi-nuls ?
Beaucoup le pensent.
Devant le spectacle affligeant de la Bibliothèque de France, la désolation des quartiers sur dalle, à Montparnasse, Beaugrenelle, Euralille, la prétention du ministère des Finances, la pesante médiocrité de l'Opéra Bastille, la folie des grandeurs du quartier " Odysseum " de Montpellier, la désolation des quartiers de barres et de tours..., on ne peut que faire chorus avec la foule. Nuls ? Le mot et faible.
Pourtant, le jugement est expéditif. L'architecte est un bouc émissaire facile.
Il y a d'autres coupables : maires mégalomanes, entreprises déficientes, fait du Prince, concours biaisés, juridiction écrasante, magouilles, pots-de-vin, inculture des maîtres d'ouvrages et poujadisme du public.
Faut-il pendre les architectes ? dresse le constat sévère d'un milieu et d'un système qui n'en finissent pas de produire des erreurs monumentales. Les architectes qui s'en sortent n'en sont que plus méritants. On ne peut se prendre à leur cou.
Excédés par le présumé laxisme des tribunaux, les justiciers autoproclamés s'évertuent à punir par eux-mêmes les fauteurs de trouble. Violant la loi pour maintenir l'ordre, ils s'improvisent détectives, juges et bourreaux. Adeptes du lynchage et autres châtiments spectaculaires, ils trouvent un nouveau public sur les réseaux sociaux.
Des groupes d'autodéfense du Far West aux chasseurs de pédophiles en Russie contemporaine, les justiciers hors-la-loi sont typiquement des hommes blancs, réactionnaires et xénophobes. Toutefois, mouvements révolutionnaires et défenseurs des dominés ne s'interdisent pas de manier, à leur tour, le fouet et le feu. L'auto-justice compte en outre de fervents zélateurs dans les services répressifs. Et quand policiers et paramilitaires s'affranchissent du cadre légal pour nettoyer la société, ils précipitent l'avènement de l'État justicier.
Cet essai comparatif s'aventure dans les eaux troubles de la justice sommaire. Au terme d'un périple dans le monde perturbant des redresseurs de torts, une question s'impose : la France est-elle immunisée contre cette fièvre punitive ?
La catastrophe écologique est enclenchée, le désastre est devenu notre quotidien, la crise du coronavirus a fracturé le monde entier. Un responsable : le capitalisme, alias néo-libéralisme. En saccageant le service public de la santé, il a transformé une crise grave mais gérable en catastrophe. En poursuivant malgré toutes les alertes écologistes la destruction des écosystèmes, il a mis en contact des virus mortels et la population humaine. En aggravant les inégalités, il a plongé des dizaines de millions d'humains dans la misère.
Pourtant, le gong avait déjà sonné, lors de la crise de 2008-2009. Mais les capitalistes n'en ont pas tenu compte et ont rebâti le système sur les mêmes principes. En renouvelant leur base idéologique, dans un sens encore plus cynique, qu'analyse cet essai : acceptation du désastre écologique en cours ; diffusion d'une utopie technologique fondée sur l'intelligence artificielle, la numérisation généralisée, les biotechnologies ; etc.
Ce nouveau capitalisme se heurte à la terrible réalité de son échec. Il va cependant essayer de conserver l'essentiel de sa logique mortifère. Des stratégies de résistance sont possibles et nécessaires, sur lesquelles Hervé Kempf concentre alors l'analyse. Il est urgent, ainsi, de considérer l'oligarchie pour ce qu'elle est : une caste criminelle. On ne la convaincra pas, on la contraindra. Il faut, ensuite, envisager tous les moyens d'action pour la combattre ; articuler l'action à une stratégie de communication ; forger de nouvelles alliances sociales. Raconter le nouveau monde écologiste et juste, devenu le plus réaliste et adapté au temps qui est. Conjuguer, enfin, l'archipel des espaces de résistance et de résilience, des lieux de vie différente, pour en faire la nouvelle culture de la vie quotidienne.
L'épidémie de coronavirus et l'expérience du confinement généralisé ont confronté notre pays à une épreuve inédite et singulière. Fait social total, la propagation du virus a mis à l'arrêt l'économie, bouleversé l'agenda gouvernemental et notre vie quotidienne.
Durant cette période très particulière, l'IFOP, à l'initiative de Jérôme Fourquet, a réalisé une série d'enquêtes quantitatives visant à donner la mesure du niveau d'inquiétude de la population, du jugement porté par elle sur l'action des pouvoirs publics et de la façon dont ont été appliquées les consignes sanitaires. Mais, parallèlement à cette batterie d'enquêtes inédites, l'institut a également déployé, avec Le Point et la Fondation Jean-Jaurès, un dispositif d'observation au long cours : 33 Françaises et Français de toutes conditions, de tous âges et régions ont été suivis par l'équipe d'enquêteurs pendant plusieurs semaines.
Comment les Français ont-ils réagi à l'évolution de l'épidémie et quelles sont leurs attentes maintenant ? Cadre télétravaillant depuis l'île de Ré versus caissière aux avant-postes, jusqu'à quel point le confinement a-t-il constitué une épreuve partagée et comment les différences ont-elles été appréhendées ? L'épidémie et le confinement ont-ils raffermi le sentiment d'appartenance collective ou exacerbé les fractures déjà à l'oeuvre ? En d'autres termes, le Covid-19 a-t-il joué le rôle d'antidote ou de révélateur de l'« archipelisation » de la société française ?
L'état d'esprit dans lequel les Français abordent la nouvelle phase de l'épreuve sanitaire a mûri dans le secret du confinement. Mais c'est bien lui qui déterminera la séquence dans laquelle nous entrons maintenant.
Ce manuel de droit constitutionnel couvre l'ensemble du programme de première année en faculté de droit ou à Sciences Po. En quarante-deux chapitres courts, vivants, nourris de nombreuses données facilement lisibles par de multiples tableaux et graphiques, il offre un outil indispensable à ceux qui entrent dans l'enseignement supérieur. Au-delà, il traite de la démocratie, de notre histoire, de la France d'aujourd'hui d'une façon originale. L'horizon s'élargit avec l'examen de grands pays trop méconnus, tels le Japon, l'Inde ou la Chine. Il propose donc un moyen sans équivalent d'enrichir sa culture juridique et politique. La démocratie moderne est vue dans sa double composante, gouvernante et délibérante. Un récit animé rend compte de l'étonnante histoire constitutionnelle de la France. Sont analysés en contrepoint les systèmes politiques d'une dizaine d'autres démocraties, ce qui permet de proposer un modèle d'explication du fonctionnement du pouvoir. La seconde moitié de l'ouvrage analyse l'originalité du pouvoir politique en France. Son attribution, ni à l'américaine ni à l'européenne, mais dans un curieux mélange des deux. Son exercice, cas unique de « présidentialisme démocratique ». Sa limitation, interne, par la distinction entre les pouvoirs qui se renforce, externe, par la démocratie locale ou le développement de l'Union européenne. La présente édition, enrichie de deux nouveaux chapitres, sur le constitutionnalisme latino-américain et l'islam dans les constitutions contemporaines, intègre les développements les plus récents dans le vaste ensemble des pays étudiés et en France.
Et si la hausse du prix du pétrole était le début d'une salutaire crise de désintoxication ? Et s'il fallait encourager cette hausse, voire l'accentuer ? Si l'énergie ne vaut rien - car elle est incroyablement sous-évaluée - c'est que ni l'épuisement des ressources en pétrole, ni le coût du changement climatique, ne sont inclus dans son prix. Par un surprenant tour de passe-passe, il s'avère que le PIB peut croître tandis que nous allons droit dans le mur. Nous vivons donc dans l'illusion d'une source d'énergie inépuisable et bon marché, illusion qui nous masque les catastrophes climatiques, économiques et politiques à venir.
Il est temps pour chacun de nous de se montrer réaliste. Une taxe progressive et volontaire sur le pétrole profiterait non seulement à la nature, mais nous protègerait nous-mêmes, à commencer par les plus modestes, face aux mutations économiques à venir. Une idée forte et iconoclaste, pour un livre qui devrait inciter au débat.
Site de Jean-Marc Jancovici
" Le tango réside entre un pas et un autre, là où s'entendent les silences et où chantent les muses ", disait le danseur Gavito, comme si c'était dans cette pause, cet interstice, que s'exprimaient les émotions qui donnent naissance au pas suivant. Dans cet entre-deux, naît et vit le tango que nous aimons.
Ni guide, ni encyclopédie exhaustive, ce dictionnaire se veut une déambulation subjective dans un univers en perpétuelle mutation. Car si le tango est bien un monde en soi, une musique, une danse, une poésie, il définit aussi une certaine conception de l'existence. Une promenade en liberté qui, si elle parcourt les sentes balisées de l'histoire et des références communes de Buenos Aires à Paris et au-delà, emprunte aussi des chemins de traverse au gré de nos investigations et de notre fantaisie.
Plus de cinq cents entrées font ainsi la part belle aux biographies de personnages (musiciens, chanteurs, danseurs, poètes...), mais aussi aux lieux, aux paroles, aux techniques et aux concepts, et permettent de reconstituer le voyage de cette alchimie métisse née dans le Río de la Plata au tournant du XXe siècle et vécue aujourd'hui autour du monde par des milliers de passionnés.
Journaliste de presse écrite et télévision, documentariste, chroniqueur à la radio, Jean-Louis Mingalon est un spécialiste des musiques du monde.
Philosophe de formation et docteur en science politique, Gwen-Haël Denigot est journaliste en sciences humaines et sociales et vit entre Paris et Buenos Aires.
Ethnologue de formation, spécialiste des musiques populaires, Emmanuelle Honorin est journaliste et productrice de musiques du monde, auteur de Astor Piazzolla, Le Tango de la démesure (Demi Lune, 2011).
Cet ouvrage est l'heureux lauréat du coup de cœur de l'Académie Charles Cros.
John Carlin,
Le sourire de Mandela
Traduit de l'anglais par Marc Saint-Upéry
Mandela. Plus qu'un combattant, un héros, un leader, un génie politique. Un homme au-dessus des hommes. Après vingt-sept ans d'emprisonnement, d'autres auraient abandonné la lutte. Mais lui, le combattant inlassable en faveur des droits de l'homme, futur prix Nobel de la Paix, a su puiser en lui des forces insoupçonnées pour résister et triompher. Il a pardonné à ceux qui l'avaient privé de liberté. Il a su trouver les mots pour pacifier une nation à feu et à sang. Par son exemple, il a fait taire la violence, il a imposé à tous les conditions d'une société multiraciale vivant en paix.
Madiba. Son nom tribal inspire l'admiration et l'affection. Tous ceux qui l'ont côtoyé sont tombés sous son charme. Ses ennemis d'hier sont souvent devenus ses amis.
John Carlin, qui a fréquenté Mandela pendant vingt ans, est l'auteur d'Invictus et l'ancien correspondant en Afrique du Sud du Guardian et d'El Païs. Il est l'un des rares à pouvoir raconter Mandela et Madiba, l'homme public et l'homme privé. A l'aide d'anecdotes, d'interviews et de témoignages, il tisse ici le portrait intime de celui qui a su convertir tous ceux qui l'ont approché à la paix.
À l'heure où paraissent ces " cahiers ", trois mois sont passés depuis que la pandémie mondiale du Covid-19 s'est imposée à nous, trois mois que le monde entier a basculé dans un état de crise dont on ne voit pas l'issue et dont on ne mesure pas les effets sur les sociétés qu'il a frappées.
Aux premières heures du confinement, des sentiments nombreux et contradictoires nous ont toutes et tous traversés : de la sidération à l'angoisse, de la tristesse à la colère... Et puis, très vite, les questions se sont bousculées dans nos têtes : que s'est-il donc passé ? Mais que nous arrive-t-il ? Quelles conséquences cet événement aura-t-il sur le monde et sur nos existences ? Et quelles leçons en tirer ? Il faut dire que, pour beaucoup d'entre nous, la vision d'un monde littéralement arrêté a soudain rendu évidentes, presque sensibles, les contradictions insoutenables dans lesquelles ce monde se trouvait pris depuis trop longtemps. Et si cette catastrophe était l'occasion d'empêcher qu'il retrouve sa trajectoire catastrophique antérieure ?
Comme le disait magnifiquement un graffiti repéré sur un mur de Hong Kong, " we can't return to normal, because the normal that we had was precisely the problem ". Autrement dit, serons-nous capables de saisir cet événement, à la fois le comprendre et nous en emparer, afin d'imaginer et construire le monde que nous voulons, le monde dont nous rêvons ?
Ces " cahiers " ne pouvaient être que collectifs, au sens fort, parce que issus d'une volonté partagée par les éditeurs et auteurs
de la maison de faire sens face à l'événement. S'y engage une conception du travail intellectuel et du débat public comme espace de confrontation argumentée. Ils accueillent des textes de pensée offrant des perspectives et des analyses fortes, mais aussi des textes et propositions littéraires qui font résonner notre époque dans des formes et des formats singuliers, ainsi que des interventions graphiques. Cette crise bouleverse les cadres de pensée et d'interprétations, elle met à l'épreuve bien des certitudes et des convictions, ce qui imposait d'ouvrir un espace original de dialogue, où trouvent à s'exprimer des sensibilités
intellectuelles diverses, où peuvent s'ordonner la confrontation des points de vue, les divergences de fond, les incertitudes et les interrogations.
Les catastrophes s'enchaînent, les crises se suivent, les désastres ne se comptent plus. Et un consensus semble s'imposer : il faut changer, bifurquer pendant qu'il est encore temps, emprunter la voie de sortie.
Mais où est-elle, cette issue ? Alors que les derniers mois ont rétréci notre espace physique et diminué notre espace critique, comment retrouver de l'air, du rêve, de la capacité d'action ? Sur quoi faut-il agir ? A quelle échelle et sur quel mode ? Allons-nous laisser passer l'occasion de tout transformer ?
Le Seuil tente, avec cette deuxième livraison des Cahiers éphémères et irréguliers, de nourrir ces interrogations bien légitimes en offrant plus d'une vingtaine de textes, d'entretiens et de dialogues qui à la fois décrivent exactement où nous en sommes et croisent les points de vue (parfois aussi le fer).
Rutger Bregman s'y demande comment profiter de cette crise pour renverser la situation. Pierre Rosanvallon nous invite à inventer de nouveaux outils démocratiques pour faire face à la multiplication des états d'urgence. Aurélie Trouvé débat avec Laurent Jeanpierre et Razmig Keucheyan des stratégies possibles pour sortir du libéralisme. Tandis qu'Arlette Farge ouvre la voie à la littérature en rappelant notre fragilité, Michaël Foessel rappelle que l'infantilisation actuelle n'est qu'une interprétation inepte de ce qu'est la véritable puissance de l'enfance. Emanuele Coccia et Mathieu Potte-Bonneville réfléchissent à la place que nous voulons vraiment donner aux non-humains, interrogation qui a des échos dans les textes des écrivains Benjamin Labatut et Kapka Kassabova.
On ne changera rien sans horizon, ouvrons-le, ouvrons les cahiers !
Après L'Argent caché de l'Élysée, René Dosière, explore le train de vie de l'État : un dossier complet – et édifiant – sur les dérives des dépenses publiques.
Dix années d'investigations parlementaires lui ont permis de briser le tabou des comptes de la présidence de la République. Le député-enquêteur met en évidence la croissance des dépenses élyséennes, conséquence de l'activité intense du Président Sarkozy mais aussi de comportements dispendieux dans et hors du palais.
Élargissant ses investigations au gouvernement, René Dosière établit, pour la première fois, le coût réel d'un ministre. Les têtes de l'exécutif échappent à la rigueur qu'elles imposent aux Français. Dans les cabinets ministériels, effectifs et rémunérations augmentent à vive allure !
Dans un style, dont le sérieux n'exclut pas la vivacité, L'Argent de l'État lève le voile avec précision et clarté sur le budget de l'État, l'un des trop nombreux angles morts de notre démocratie.
René Dosière, député de l'Aisne, lutte depuis des années en faveur de la transparence de la gestion publique. Son travail rigoureux et tenace sur le budget de l'Élysée et le train de vie des responsables politiques fait désormais référence.
Finalement, la domination absolue de l'Occident, européen puis américain, n'aura duré que deux siècles. Un nouvel ordre du monde s'élabore sous nos yeux, dont la crise actuelle, jointe à l'essor de l'Asie, révèle les traits. Mais contrairement à certaines idées reçues, la période que nous traversons n'a pas commencé avec la chute du Mur de Berlin et la fin de la guerre froide. Elle trouve sa source dix ans plus tôt, en 1979, quand surviennent la révolution khomeyniste, le deuxième choc pétrolier et le grand tournant initié par le dirigeant chinois Deng Xiaoping.
Deux facteurs majeurs expliquent la recomposition géopolitique actuelle : l'évolution de la démographie globale, qui voit l'Occident reculer par rapport au reste de la planète, et la mondialisation de l'économie, qui voit les pays dits émergents accéder aux premiers rangs. En analysant le parcours et les évolutions des grandes puissances, ce livre propose deux dimensions de lecture du monde contemporain, l'une dynamique, l'autre analytique. D'une part, un récit, vif et informé, des grands événements qui façonnent notre globe et déterminent son avenir ; d'autre part, une approche plus synthétique de la nouvelle puissance, la Chine. C'est dans la conjugaison de ces deux axes que se dessinent les contours du monde de demain.
Gérard Chaliand, éminent spécialiste des conflits internationaux, est l'auteur d'une vingtaine d'études de géopolitique. Michel Jan, sinologue réputé, membre du groupe de réflexion Asie 21 auteur d'une dizaine d'ouvrages sur la Chine et sur l'Asie centrale dont La grande muraille de Chine (Imprimerie Nationale, 2000), a écrit les chapitres consacrés à la Chine.
Les gays sont depuis longtemps perçus comme une minorité engagée à gauche, tolérante et progressiste. Figure éminente et dérangeante de la communauté gay, Didier Lestrade affirme que ce n'est plus le cas. Il montre que le racisme gagne du terrain chez les gays, en France mais aussi en Europe. On oublie ainsi souvent que Pim Fortuyn, le leader de l'extrême droite aux Pays-Bas, était ouvertement gay. Et, à la différence de son père, Marine Le Pen s'est bien décidée à " draguer " les homosexuels qui, parfois, se laissent séduire par son discours.
Mais ce n'est pas tout. La France découvre l'égoïsme et l'absence de scrupule de certaines personnalités gays dont les " frasques " (pour rester poli) sont révélées à l'opinion publique. Pour Didier Lestrade, cette élite gay (souvent au " placard "), obsédée par ses privilèges, son prestige et son argent, témoigne aussi de la droitisation des gays, symptôme d'un individualisme et d'un consumérisme forcenés qui gagnent la communauté.
La charge est rude, elle appuie là où ça fait mal.
Un livre fort, emporté, personnel.
Journaliste, militant, écrivain, Didier Lestrade est une figure importante de la communauté gay, et l'auteur de plusieurs livres parmi lesquels Act Up. Une histoire (Denoël, 2000) et, plus récemment, Cheikh. Journal de campagne (Flammarion, 2007). Il a quitté Paris en 2002 et vit actuellement en Normandie.
Avant et après Mai 68 ils furent quelques dizaines, puis presque un millier, à quitter leur famille, à abandonner leurs études, pour partir travailler en usine. Ils renonçaient à leur statut d'intellectuel, choisissaient de vivre aux côtés des ouvriers, insufflant l'idée révolutionnaire dans les usines. Ils s'inspiraient des recommandations du président Mao Tse Toung qui prônait de " descendre de cheval pour cueillir les fleurs ". On les a appelés " les établis ", un terme mystérieux qui au fil des années ne disait quasiment plus rien à personne alors que j'avais passé mon enfance parmi eux.
Lorsque j'ai commencé à partir à la recherche de ceux qui s'étaient établis, j'avais leur âge : celui de leur départ en usine. C'était pour moi la première tentative de réconciliation avec le passé militant de mes parents dont je ne connaissais que les désenchantements. Au fil des récits, au rythme des paroles recueillies, je découvrais les références, les aspirations et les désillusions d'une époque où l'engagement était total. Je pensais alors que si je parvenais à bien comprendre cette histoire, la mienne ferait sens. J'ignorais encore qu'après les parents il me faudrait aller chercher leurs enfants dans un autre récit, écrit vingt ans plus tard, pour enfin avoir le sentiment que les petits cailloux ramassés en chemin toutes ces années m'avaient permis de trouver ma propre route.
Virginie Linhart, née en 1966, est réalisatrice de documentaires. Elle a récemment publié Le jour où mon père s'est tu (Seuil, 2008), couronné par le prix de l'essai de l'Express. Volontaires pour l'usine. Vies d'établis (1967-1977) est son premier livre.
Ce livre est né d'une rencontre : celle du frère Jean-Pierre Schumacher et de Nicolas Ballet. Pendant un mois et demi, le journaliste est allé recueillir la parole du moine trappiste au monastère Notre-Dame de l'Atlas, à Midelt (Maroc), où il vit depuis douze ans.
Au fil de longs entretiens, le dernier survivant de Tibhirine a accepté de se confier sur le drame qui a emporté sept de ses frères au printemps 1996. Il apporte des informations inédites sur la nuit de l'enlèvement et détaille les nombreuses épreuves traversées par l'abbaye au cours des décennies précédentes : c'est le premier témoignage direct sur les difficiles années de relance de Tibhirine au lendemain de l'indépendance algérienne, dans un pays à la fois socialiste et musulman. À travers l'itinéraire spirituel de cet homme de foi se dessine le portrait du XXe siècle, entre guerres, décolonisation et ouverture au monde.
Aujourd'hui, frère Jean-Pierre et les siens poursuivent, fidèles à l'esprit de Tibhirine, le dialogue avec les musulmans dans leur prieuré marocain de Midelt, " laboratoire d'espoirs pour nos sociétés " crispées par la question de l'islam.
Frère Jean-Pierre, 88 ans, est moine trappiste et prêtre au prieuré de Notre-Dame de l'Atlas, à Midelt. La nuit du 26 au 27 mars 1996, il a échappé par miracle à l'enlèvement de sept de ses frères au monastère de Tibhirine.
Nicolas Ballet est journaliste au Progrès à Lyon et chargé de cours à l'Institut d'études politiques de cette ville. Son enquête " Tibhirine : tous les chemins mènent à Lyon " a obtenu le 3e prix Varenne de la presse quotidienne régionale en 2011.