Cet ouvrage d'une ambition exceptionnelle présente sous une forme accessible à un large public une histoire inédite de l'esclavage depuis la Préhistoire jusqu'au présent. Il paraît vingt ans après le vote de la loi Taubira, alors que la prise de conscience du passé esclavagiste est chaque jour plus aiguisée au sein de la société française. L'histoire de l'esclavage, trop longtemps tenue pour une forme de passé subalterne, est ici replacée au coeur de l'histoire mondiale. Le livre renouvelle une approche comparée dans l'étude du phénomène esclavagiste, qui conduit le lecteur de l'Inde ancienne aux Antilles du xviiie siècle, de la Chine des Han jusqu'au Brésil colonial, de l'Egypte médiévale à l'Ouganda contemporain. Loin de banaliser la singularité monstrueuse de l'esclavage colonial issu de la traite transatlantique, la comparaison contribue à l'éclairer.
Ce livre fait donc le pari de la connaissance et de la réflexion, convaincu que le savoir historique offre des ressources critiques qui ont le pouvoir d'émanciper. Le parti pris du monde et la perspective comparatiste qui sont la sienne souhaitent enrichir les scènes et les figures depuis lesquelles relire notre histoire, mais aussi, espérons-le, tracer des chemins vers d'autres futurs possibles.
Avec plus de 50 auteurs et autrices de 15 nationalités différentes.
Épilogue par Léonora Miano, écrivaine et essayiste.
Conclusion par Orlando Patterson, sociologue et professeur à Harvard University.
Direction d'ouvrage : Paulin Ismard, historien, professeur d'histoire ancienne à l'université Aix-Marseille.
Coordination : Benedetta Rossi, historienne et anthropologue, professeure à University College de Londres, et Cécile Vidal, historienne, directrice d'études à l'École des hautes études en sciences sociales.
Avec le soutien de la Fondation pour la mémoire de l'esclavage.
Autour de Florian Mazel, les meilleurs spécialistes de la période médiévale nous offrent une ambitieuse synthèse qui propose, à la lumière des recherches les plus récentes, et en cheminant au fil d’une soixantaine de textes et d’une centaine d’images, un nouveau récit du Moyen Âge européen.
« Le Moyen Âge est une séquence de temps qui n’a pas d’âge, hors d’âge si l’on veut, et son altérité est profonde. Mais cette étrangeté, le dépaysement que l’on peut éprouver en ses allées, n’est ni sans charme ni sans intérêt. Le Moyen Âge représente en effet, par son altérité même, un extraordinaire lieu de vagabondage et un remarquable terrain d’exercice pour l’esprit critique, où réfléchir entre autres choses, à relative distance des passions contemporaines, aux relations entre public et privé, communauté et identité, hiérarchies et solidarités, rôle et statut, mémoire et histoire, violence et solidarité, droit et tradition, don et échange, imaginaire et identité, institution et pouvoir, croissance et environnement… Qui trouverait la chose inutile ? » Florian Mazel Florian Mazel est professeur à l’université de Rennes 2. Ses recherches sur l’aristocratie et l’Église l’ont imposé comme l’un des meilleurs historiens médiévistes français spécialistes de la société féodale. Il a publié en 2010 une magistrale synthèse Féodalités, 888-1180 (volume de « L’Histoire de France » dirigée par Joël Cornette aux éditions Belin) et en 2016 au Seuil L’Évêque et le territoire. L’invention médiévale de l’espace (Ve-XIIIe siècle). Il a par ailleurs participé, en tant que coordinateur, à L’Histoire mondiale de la France, dirigée par Patrick Boucheron (Seuil, 2017).
Mystérieuse, ancestrale, sauvage ou à conquérir, la forêt fascine, effraie, attise la convoitise. La civilisation s'est construite contre, à côté mais aussi avec ces espaces largement inconnus et étranges. Lieu d'exil, de refuge et spiritualité, terrain de chasse et de jeux, la forêt nourrit l'imaginaire. Dans le même temps, réserve de matières premières et de ressources énergétiques, les bois ont permis à la population européenne de vivre et de survivre.
Martine Chalvet embrasse le temps long, de la Gaule " chevelue " des Celtes aux protestations écologiques actuelles. Elle analyse les différentes facettes des paysages forestiers, mais aussi les logiques multiples et concurrentes qui se sont affrontées autour de la possession, de la domestication et de l'exploitation des territoires boisés, enjeu économique et stratégique, source de revenus vitaux pour les uns et symbole de richesse foncière pour les autres.
Si 2011 est l'année de la forêt, ce livre lui restitue son histoire, sa grandeur comme les menaces qui pèsent sur elle.
Les mots nous manquent pour dire le plus banal des paysages. Vite à court de phrases, nous sommes incapables de faire le portrait d'une orée. Un pré, déjà, nous met à la peine, que grêlent l'aigremoine, le cirse et l'ancolie. Il n'en a pourtant pas toujours été ainsi. Au temps de Goethe et de Humboldt, le rêve d'une " histoire naturelle " attentive à tous les êtres, sans restriction ni distinction aucune, s'autorisait des forces combinées de la science et de la littérature pour élever la " peinture de paysage " au rang d'un savoir crucial. La galaxie et le lichen, l'enfant et le papillon voisinaient alors en paix dans un même récit. Ce n'est pas que l'homme comptait peu : c'est que tout comptait infiniment. Des croquis d'Alfred Wallace aux " proêmes " de Francis Ponge, des bestiaires de William Swainson aux sonnets de Rainer Maria Rilke, ce livre donne à entendre le chant, aussi tenace que ténu, d'un très ancien savoir sur le monde – un savoir qui répertorie les êtres par concordances de teintes et de textures, compose avec leurs lueurs des dictionnaires éphémères, s'abîme et s'apaise dans le spectacle de leurs métamorphoses.
Romain Bertrand, directeur de recherche au CERI (Sciences Po-CNRS), est notamment l'auteur de L'Histoire à parts égales. Récits d'une rencontre Orient-Occident (XVIe-XVIIe siècle) (2011, Grand Prix des Rendez-vous de l'histoire de Blois 2012).
Al-Andalus continue de susciter fantasmes, nostalgie et projections de toutes sortes. Tour à tour érigée en haut lieu de la tolérance islamique, en paradis perdu dont ne subsistent que de délicats palais et l'écho lointain d'un art de vivre disparu, mais aussi en théâtre d'une lutte à mort entre Islam et Chrétienté, elle est l'une des rares terres ayant donné naissance à des mythes aussi riches que contradictoires.
Ce morceau d'Europe qui fut à l'Islam a heureusement laissé des textes qu'Emmanuelle Tixier du Mesnil se propose de relire, en regardant plus particulièrement la très riche moisson intellectuelle du XIe siècle, lorsqu'une vingtaine de principautés, les royaumes des Taïfas, se partageaient les lambeaux du territoire califal. Ce temps de tous les dangers, alors que menaçaient tant les rois chrétiens du nord de la péninsule que les guerriers berbères du Maghreb, fut celui d'une grande inventivité politique (l'Espagne islamique expérimentait deux cents ans avant l'Orient la disparition du califat), mais aussi celui d'une très belle floraison culturelle. Pouvoir et savoir nouèrent dans ce théâtre d'exception des liens très solides au cours d'un beau XIe siècle dont il faut restituer le déroulement et la complexe histoire. Les princes andalous firent de la culture un projet politique, un ferment de légitimité, le moyen de la concurrence entre eux, contribuant à fixer pour des siècles l'image d'une péninsule savante.
Professeur d'histoire médiévale de l'Islam à l'université de Paris Nanterre, Emmanuelle Tixier du Mesnil est spécialiste de la géographie arabe médiévale et de l'histoire d'al-Andalus. Elle est notamment l'auteur d'Al-Andalus. Anthologie, en collaboration avec Brigitte Foulon, (GF Flammarion, 2009) et de Géographes d'al-Andalus. De l'inventaire d'un territoire à la construction d'une mémoire (Presses universitaires de la Sorbonne, 2014).
Pendant presque quatre ans, de 1941 à 1945, 30 000 soldats africains-américains furent confinés à Fort Huachuca, seul « poste noir » du pays, situé à la frontière avec le Mexique, très loin de toute communauté blanche, de la capitale et des théâtres d’opération.
Dans ce désert fleuri, les fantassins de Huachuca durent accepter la discipline qu’une armée, convaincue de la supériorité raciale des Blancs, voulut leur imposer, et la sujétion que l’état-major s’efforçait de leur faire accepter. Méfiante à l’égard des soldats noirs tenus pour lâches et incapables depuis la Première Guerre mondiale, l’armée en craignait la mutinerie. En lisière du pays, elle organisa donc une ségrégation extrêmement stricte, et dure aux hommes. Mais le commandant du fort ne pouvait se permettre de voir le camp s’embraser. Le temps libre des soldats devait donc leur offrir des dérivatifs et des divertissements suffisamment puissants pour désamorcer en eux toute volonté de contestation. Une autre concession, beaucoup plus inattendue, fut faite : les soins médicaux évoluèrent en quelques semaines vers une médecine d’excellence racialement intégrée, expérience unique au sein de l’État fédéral.
Pauline Peretz nous raconte l’histoire de ce lieu oublié d’Arizona, situé à l’extrémité sud du pays, où se joua, pendant la Seconde Guerre mondiale, le rapport tortueux et honteux de l’Amérique à ses soldats noirs.Pauline Peretz est maîtresse de conférences habilitée à diriger des recherches en histoire contemporaine à l’Université Paris 8 Vincennes-Saint Denis, et directrice adjointe de l’Institut d’Histoire du Temps Présent. Elle est notamment l’auteure de Au prêt sur gage (Seuil / Raconter la vie, 2014), et Le Dossier secret de l’Affaire Dreyfus (Alma édition, 2012, avec Pierre Gervais et Pierre Stutin) ; elle a dirigé New York. Histoire, Promenades, Anthologie et Dictionnaire (Robert Laffont, « Bouquins », 2009).
Après le succè de l'Histoire du corps et de l'Histoire de la virilité, Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine et Georges Vigarello dirigent cette très ambitieuse Histoire des émotions en trois volumes, héritière du programme des Annales, de l'histoire des mentalités et de celle des sensibilités, portée par les renouvellements historiographiques les plus récents. Elle réunit pour la première fois les meilleurs spécialistes français et étrangers de l'histoire des émotions, toutes générations confondues.
Ce premier volume, dirigé par Georges Vigarello, commence en Grèce avec les larmes d'Achille et le rire de Lysistrata et nous conduit jusqu'à la veille de la Révolution, avec l'invention du sourire dans la peinture. Il nous fait traverser la christianisation des émotions, voyager dans les monastères et les familles du Moyen Âge, nous initie aux colères des princes. On y retrouve la culture de cour et la mécanique des humeurs, les passions des mystiques, les douceurs et les douleurs de la mélancolie, les joies de l'amitié avec Montaigne, comme le code de l'honneur des chevaliers. Sans oublier bien sûr les grandes émotions populaires.
Directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales, Georges Vigarello est l'un des pionniers de l'histoire du corps et de celle des apparences auxquelles il a consacré de nombreux ouvrages. Il a dirigé au Seuil : Histoire du corps et Histoire de la virilité (avec A. Corbin et J.-J. Courtine).
Avec les contributions de : Christian Biet, Damien Boquet, Gilles Cantagrel, Bruno Dumézil, Maurice Daumas, Hervé Drévillon, Martial Guédron, Yves Hersant, Sophie Houdard, Christian Jouhaud, Colin Jones, Lawrence Kritzman, Didier Lett, Alain Montandon, Piroska Nagy, Barbara Rosenwein, Maurice Sartre, Laurent Smagghe, Claude Thomasset, Anne Vial-Logeay, Georges Vigarello.
Après les succès de l'Histoire du corps et l'Histoire de la virilité, Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine et Georges Vigarello dirigent cette très ambitieuse Histoire des émotions en trois volumes richement illustrés, qui réunit pour la première fois les meilleurs spécialistes français et étrangers de l'histoire des émotions, toutes générations confondues.
Ce troisième volume, qui s'ouvre à la fin du XIXe siècle, révèle l'accroissement comme la complexification de l'espace intérieur dans la conscience occidentale, la saisie de troubles toujours plus variés, depuis l'émotion jusqu'au sentiment, à la passion, voire aux perversions ou à la folie. Au XXe siècle s'impose le constat d'un profond déplacement du régime émotif lui-même. Tout change lorsque l'accroissement de l'individualisme, le triomphe de l'univers privé, doublés du relatif effacement des " soutiens " collectifs habituels, de l'école à l'entreprise, transforment la relation à l'intériorité, diffusant paradoxalement une insécurité inédite, une compassion sélective, une irrépressible attente de protection. Une anxiété inédite a gagné les consciences. Elle se nourrit aussi de la confrontation aux violences extrêmes d'un siècle de fer et de sang.
Directeur de volume : professeur d'histoire européenne à l'université d'Auckland (Nouvelle Zélande), professeur émérite à Paris-III-Sorbonne Nouvelle et à l'université de Californie (Santa Barbara), Jean-Jacques Courtine a publié Déchiffrer le corps, penser avec Foucault (J. Millon, 2011), et, avec Alain Corbin et Georges Vigarello, Histoire du corps et Histoire de la virilité (Seuil, 2006 et 2011).
Les contributeurs : Bruno Nassim Aboudrar, Stéphane Audoin-Rouzeau, Antoine de Baecque, Ludivine Bantigny, Éric Baratay, Yaara Benger Alaluf, Christophe Bident, Christian Bromberger, Esteban Buch, Anne Carol, Jacqueline Carroy, Pierre-Henri Castel, Jean-Jacques Courtine, Stéphanie Dupouy, Ute Frevert, Sarah Gensburger, Claudine Haroche, Eva Illouz, Claire Langhamer, Nicolas Mariot, Charles-François Mathis, Olivier Mongin, Dominique Ottavi, Michel Peraldi, Jan Plamper, Richard Rechtman, Bertrand Taithe, Christophe Triau, Sylvain Venayre
Après le succès de l'Histoire du corps et de l'Histoire de la virilité, Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine et Georges Vigarello dirigent cette très ambitieuse Histoire des émotions en trois volumes, héritière du programme des Annales, de l'histoire des mentalités et de celle des sensibilités, portée par les renouvellements historiographiques les plus récents. Elle réunit pour la première fois les meilleurs spécialistes français et étrangers de l'histoire des émotions, toutes générations confondues.
Ouverte par les Lumières, la séquence qui fait l'objet de ce deuxième volume, dirigé par Alain Corbin, fournit un chapitre très riche de l'histoire des émotions. Dès le milieu du XVIIIe siècle se dessinent des attentes nouvelles. La notion d'" âme sensible " émerge peu à peu. C'est le temps du journal intime et celui de l'émerveillement face au paysage. Un " moi météorologique " se fait jour, sensible aux aléas des phénomènes naturels. Dans ce siècle de la Révolution et des révolutions, la colère, la terreur, l'indignation côtoient l'exaltation, la joie, la ferveur ou la mélancolie sur la scène politique. De nouveaux rituels les expriment et leur donnent corps. Des barricades aux champs de bataille, des grandes chasses aux catastrophes naturelles, du romantisme à l'impressionnisme, des émois de l'orgasme à la vénération de la Vierge Marie, de multiples gammes des émotions sont ici mises en lumière.
À l'extrême fin du XIXe siècle, des savants commencent à mesurer l'expression des émotions. La psychologie, peu à peu, s'impose.
Professeur émérite à l'université Paris I-Panthéon-Sorbonne, pionnier de l'histoire des sensibilités dont il a inventé et exploré les nouveaux territoires, Alain Corbin est l'auteur de nombreux ouvrages. Il a dirigé au Seuil : Histoire du corps et Histoire de la virilité (avec G. Vigarello et J.-J. Courtine).
Avec les contributions de : Olivier Bara, Serge Briffaud, Anne Carol, Alain Corbin, Guillaume Cuchet, Michel Delon, Emmanuel Fureix, Corinne Legoy, Judith Lyon-Caen, Charles-François Mathis, Guillaume Mazeau, Hervé Mazurel, Anouchka Vasak, Sylvain Venayre, Agnès Walch.
Été 1914. L'Europe plonge dans une guerre dévastatrice qui va ébranler le système politique et les valeurs d'un continent entier. Une génération plus tard, alors que les survivants du premier conflit mondial sont encore choqués d'avoir vu sombrer dans la barbarie une civilisation qu'ils considéraient comme un modèle, l'Europe s'achemine vers une déflagration plus inhumaine encore : une guerre où le massacre de civils occuperait une place centrale et dont le point culminant serait le génocide des Juifs.
Le grand historien du nazisme Ian Kershaw livre une synthèse magistrale de ce premier xxe siècle européen ensanglanté par deux guerres mondiales et poursuit le récit de cette ère d'autodestruction jusqu'au moment où le continent émerge de ses ruines, recomposé en deux blocs, divisé par la guerre froide. Sa lecture restitue toute la cohérence de l'histoire européenne avec une maîtrise, une profondeur de vue et une vivacité inégalables, mettant notamment l'accent, pour rendre compte de cet enchaînement catastrophique, sur quatre facteurs : l'explosion du nationalisme ethnique, la virulence des révisionnismes territoriaux, l'acuité des conflits de classe et la crise prolongée du capitalisme.
Incisif, brillamment écrit, L'Europe en enfer est le livre de référence pour comprendre cette séquence fondatrice de notre présent.
Traduit de l'anglais par Aude de Saint-Loup et Pierre-Emmanuel Dauzat.
Ian Kershaw est l'auteur d'une monumentale biographie de Hitler (Flammarion, 2000 et 2001) et a publié au Seuil : Choix fatidiques. Dix décisions qui ont changé le monde (2009, " Points Histoire ", 2012) et La Fin, Allemagne 1944-1945 (2012, " Points Histoire ", 2014).
Au lendemain de la guerre des Six Jours, dans la nuit du 10 au 11 juin 1967, les habitants du quartier maghrébin de Jérusalem sont évacués par l'armée israélienne et le quartier est rasé en quelques heures pour laisser place à la vaste esplanade qui s'étend aujourd'hui au pied du Mur des Lamentations. Cet événement a longtemps été passé sous silence. Pour la première fois, Vincent Lemire retrace les étapes de cette destruction programmée, le parcours de ses habitants déplacés, mais aussi l'histoire au long cours de ce quartier fondé par Saladin en 1187 pour accueillir les pèlerins musulmans marocains, algériens et tunisiens désireux de séjourner à Jérusalem.
Pour redonner vie à ce quartier disparu, l'auteur part en quête d'une documentation dispersée, depuis les archives des fondations pieuses musulmanes à Jérusalem jusqu'à celles de la Croix-Rouge à Genève, en passant par les archives ottomanes d'Istanbul et les archives israéliennes, jusqu'aux témoignages des habitants et aux fouilles archéologiques qui ont récemment fait remonter à la surface les objets domestiques ensevelis lors de la destruction. Quant aux archives diplomatiques françaises, elles révèlent que dans les années 1950 ce quartier était protégé par la France, qui se présentait alors avec fierté comme une « puissance musulmane » au Maghreb et au Proche-Orient.
Au moment où la Ville sainte est à nouveau au coeur des tensions géopolitiques qui secouent la région, ce livre offre un point de vue imprenable pour mieux comprendre Jérusalem, ville-monde ouverte à tous les vents de l'histoire.
Vincent Lemire enseigne à l'université Paris-Est / Gustave-Eiffel. Il dirige le Centre de recherche français à Jérusalem (CNRS - MEAE) et le projet européen OPEN JERUSALEM. Il a notamment publié en 2010 La Soif de Jérusalem. Essai d'hydrohistoire (Publications de la Sorbonne) ; en 2013 Jérusalem 1900. La ville sainte à l'âge des possibles (Armand Colin, rééd. « Points Histoire » 2016, prix Augustin Thierry des Rendez-Vous de l'histoire de Blois 2013) ; et en 2016 Jérusalem. Histoire d'une ville-monde (Flammarion, prix Pierre Lafue 20217 et prix CNL - Sophie Barluet 2017).
Supposons un instant que le dirigeant de la Banque de France, le directeur de la police et celui des Archives nationales soient des esclaves, propriétés à titre collectif du peuple français. Imaginons, en somme, une République dans laquelle certains des plus grands serviteurs de l'État seraient des esclaves.
Ils étaient archivistes, policiers ou vérificateurs de la monnaie : tous esclaves, quoique jouissant d'une condition privilégiée, ils furent les premiers fonctionnaires des cités grecques. En confiant à des esclaves de telles fonctions, qui requéraient une expertise dont les citoyens étaient bien souvent dénués, il s'agissait pour la cité de placer hors du champ politique un certain nombre de savoirs spécialisés, dont la maîtrise ne devait légitimer la détention d'aucun pouvoir. Surtout, la démocratie directe, telle que la concevaient les Grecs, impliquait que l'ensemble des prérogatives politiques soit entre les mains des citoyens. Le recours aux esclaves assurait ainsi que nul appareil administratif ne pouvait faire obstacle à la volonté du peuple. En rendant invisibles ceux qui avaient la charge de son administration, la cité conjurait l'apparition d'un État qui puisse se constituer en instance autonome et, le cas échéant, se retourner contre elle.
Que la démocratie se soit construite en son origine contre la figure de l'expert gouvernant, mais aussi selon une conception de l'État qui nous est radicalement étrangère, voilà qui devrait nous intriguer.
Paulin Ismard est maître de conférences en histoire grecque à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il a récemment publié L'Événement Socrate (Flammarion, 2013, prix du livre d'histoire du Sénat 2014).
Depuis les analyses célèbres de Karl Marx, l'histoire de la Commune de Paris a été placée au centre de notre compréhension de l'événement révolutionnaire. Et l'espérance de "faire commune" fait aujourd'hui retour dans notre imaginaire politique.
Cet ouvrage se propose de mener l'archéologie de cette puissance d'actualisation, mais en revenant d'abord sur la force de l'événement lui-même. Le récit prend appui sur une enquête archivistique minutieuse qui permet de reconstituer, par le bas, les stratégies des acteurs, leurs luttes comme l'ouverture des possibles qui marque ces journées. L'événement dépasse dès ses débuts le cadre parisien. De la rue Julien-Lacroix aux concessions de Shanghai en passant par l'insurrection kabyle, la Croix-Rousse à Lyon ou la république des cultivateurs aux Caraïbes, le livre propose une histoire à différentes échelles, du local au global, en décrivant des interconnections multiples.
De là un essai vif et original sur l'histoire transnationale des échos entre l'espérance révolutionnaire française et les trajectoires insurrectionnelles mondiales, doublé d'une réflexion renouvelée sur les rapports entre ordre social et révolution.
C'est à l'histoire d'une mémoire disputée que nous convie ce livre, moins pour faire récit des manipulations du souvenir que pour dresser l'inventaire des résistances du passé. Peut-être aussi pour tenter de rendre sensible l'épaisseur des temps par quelques expériences narratives...
Le souvenir est celui d'Ambroise, élu évêque de Milan en 377, à l'époque où la ville est l'une des capitales de l'Empire romain. Contemporain de cette bascule d'un temps dans l'autre qu'est l'Antiquité tardive, Ambroise instaure une grande séparation entre ceux qui croient au Christ et ceux qui n'y croient pas. Jouant la ville contre le palais, le peuple contre la cour, il fait de la lutte contre l'hérésie la cause d'une Église défendant l'inviolabilité du domaine de Dieu face au pouvoir impérial.
Héros de la romanité continuée, champion de la liberté de l'Église, saint patron de la ville et protecteur céleste de sa conscience civique, Ambroise n'a cessé de hanter l'histoire de Milan, depuis le temps des évêques carolingiens jusqu'à la Contre-Réforme catholique, et bien au-delà encore. Partant sur les traces de ses vies posthumes, ce livre propose une enquête sur la manière dont se façonnent, en longue durée, et de manière heurtée, contradictoire et toujours conflictuelle, les identités collectives. S'y révèle, chemin faisant, une archéologie du gouvernement des modernes, buttant sur l'origine liturgique de tout pouvoir et la violence constitutive à toute fondation.
Patrick Boucheron est historien, professeur au Collège de France. Il est notamment l'auteur de Léonard et Machiavel (2009), Faire profession d'historien (2010), Conjurer la peur. Sienne, 1338. Essai sur la force politique des images (2013).
Des hommes du monde entier s'y aventurent pour faire fortune. L'audacieux vice-roi Li saisit l'occasion pour transformer le siège de son pouvoir en un laboratoire de la " modernité " urbaine. La guerre des Boxeurs durant l'été 1900 transforme brutalement la ville en une commune insurrectionnelle : les sièges des concessions étrangères puis de la cité autochtone détruisent des quartiers entiers et, suite à la victoire inattendue des forces alliées, de nombreux civils chinois sont massacrés. Avec la volonté affichée de moderniser Tianjin et sa région, la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne, les États-Unis, la Russie, le Japon, l'Italie et l'Autriche-Hongrie fondent sur-le-champ le premier gouvernement international de l'époque contemporaine.
En analysant ici tous les aspects d'une expérience politique unique, Pierre Singaravélou offre une vision renouvelée des origines de la mondialisation actuelle qui fut, dès l'origine, une coproduction entre puissances européennes, asiatiques et états-unienne.
Professeur d'histoire contemporaine à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et membre de l'Institut universitaire de France, Pierre Singaravélou a publié de nombreux ouvrages sur l'histoire du fait colonial et de la mondialisation en Asie aux xixe et xxe siècles. Il dirige actuellement les Publications de la Sorbonne et le Centre d'histoire de l'Asie contemporaine.
« Stress », « burn out » ou « charge mentale » : les xxe et xxie siècles ont vu une irrépressible extension du domaine de la fatigue. Les épuisements s'étendent du lieu de travail au foyer, du loisir aux conduites quotidiennes. Une hypothèse traverse ce livre : le gain d'autonomie, réelle ou postulée, acquis par l'individu des sociétés occidentales, la découverte d'un « moi » plus autonome, le rêve toujours accru d'affranchissement et de liberté ont rendu toujours plus difficile à vivre tout ce qui peut contraindre et entraver.
Que nous est-il arrivé ?
Ce livre novateur révèle une histoire encore peu étudiée, riche de métamorphoses et de surprises, depuis le Moyen Âge jusqu'à nos jours. Les formes « privilégiées » de fatigues, celles qui mobilisent les commentaires, celles qui s'imposent en priorité aux yeux de tous, évoluent avec le temps. Les symptômes de la fatigue se modifient, les mots s'ajustent (« langueur », « dépérissement », « pénibilité »...), des explications se déploient, des degrés se précisent, des revendications se font jour.
Un parcours passionnant qui croise histoire du corps et de sensibilités, des structures sociales et du travail, de la guerre et du sport, jusqu'à celle de notre intimité. Pour éclairer tout autrement notre présent.
Qu'est-ce que l'histoire ? que font réellement les historiens, de Homère à Max Weber, une fois qu'ils sont sortis de leurs documents et archives et qu'ils procèdent à une " synthèse " ? Font-ils l'étude scientifique des diverses créations et activités des hommes d'autrefois ? Leur science est-elle celle de l'homme en société ?
Bien moins que cela ; la réponse à la question n'a pas changé depuis deux mille deux cents ans que les successeurs d'Aristote l'ont trouvée : les historiens racontent des événements vrais qui ont l'homme pour acteur. L'histoire est un roman vrai.
À partir d'un travail dans les archives de toute la France, pour beaucoup inédites, Ludivine Bantigny restitue l'énergie des luttes, des débats, des émotions et des espoirs portés par les acteurs de 68 : toutes celles et tous ceux – ouvriers, étudiants, militants mais aussi danseurs, médecins, paysans, artisans, poètes d'un jour, et les femmes à parts égales avec les hommes – qui ont participé au mouvement. Elle s'intéresse aussi à " l'autre côté " : la police, le pouvoir et les oppositions à la contestation.
Son livre s'attache au vif des événements : à la diversité de leurs protagonistes plus qu'aux seuls porte-parole désignés, à leurs pratiques plus qu'à la rhétorique dont on les a ensuite enveloppés, à la grève qui met le temps en suspens. " Les événements " : si la formule est restée vague faute de pouvoir à coup sûr qualifier ce qui s'était passé, du moins a-t-elle le mérite de revenir précisément aux faits, aux projets, à l'inventivité, à tout ce qui a été imaginé, de grand et de petit, pour réellement " changer la vie ".
Ludivine Bantigny est historienne, maîtresse de conférences à l'université de Rouen Normandie. Ses recherches portent sur les engagements politiques et la conscience historique au XXe siècle. Elle a notamment publié La France à l'heure du monde. De 1981 à nos jours (Seuil, 2013 ; " Points Histoire ", 2018).
Comment penser et écrire une histoire de l'expérience de vivre ? Telle est la question posée par Christian Jouhaud à partir de « l'espèce de journal » tenu pendant trente ans par Marie Du Bois, gentilhomme du Vendômois, valet de chambre des rois Louis XIII et Louis XIV. Cet écrit singulier surprend d'abord par la difficulté de lui trouver un statut : ce n'est ni un livre de raison, ni une autobiographie, ni un journal spirituel, ni une histoire, et pourtant il peut être abordé sous tous ces aspects.
Il ne s'agit pas non plus d'une histoire de vie, mais d'une histoire des expériences d'un homme « ordinaire » en ses territoires de vie. Le je de Du Bois, qui s'exprime continûment, ne sert en effet aucun épanchement autobiographique, mais, de page en page, il permet de comprendre l'itinéraire de l'intériorisation des normes et des contraintes par quelqu'un qui a confié à l'activité d'écrire régulièrement la représentation de sa vie comme action. L'exercice pourrait sembler futile, ou mineur, si l'événement politique ne venait pas brutalement fracasser la mécanique diariste, finissant par politiser l'écriture, par exemple dans l'expérience intime de signes de désordre, comme pendant la Fronde, qui menacent la lisibilité d'un monde dont l'ordre est la valeur cardinale.
Depuis la chambre du roi et la campagne du Vendômois sont ainsi revisités les rapports entre local et national au XVIIe siècle, l'histoire politique de l'État, l'histoire anthropologique de l'acte d'écrire et de transmettre par l'écriture, inscrivant, dans le siècle de Louis XIV, un siècle de Marie Du Bois.
Directeur d'études à l'EHESS, directeur de recherche émérite au CNRS, Christian Jouhaud est spécialiste de l'histoire sociale, politique et culturelle du xviie siècle. Son travail porte également sur l'histoire de l'historiographie et du fait littéraire. Il a notamment publié : Les pouvoirs de la littérature. Histoire d'un paradoxe (Gallimard, 2000), Sauver le Grand-Siècle ? Présence et transmission du passé (Seuil, 2007), Richelieu et l'écriture du pouvoir. Autour de la journée des dupes (Gallimard, 2015), Une femme a passé. Méditation sur la Gradiva (Gallimard, 2019).
" Un livre serré, dense, subtil. Un livre très " propre ', a-t-on envie d'écrire. Son sujet : les définitions, les repères, les techniques de la propreté culturelle entre Moyen Age et XX esiècle, avec les pratiques qui aujourd'hui ont charge d'assurer la netteté du corps [...]. Mais le livre est plus que cela. Il s'appuie, en effet, avec liberté et intelligence, sur les hypothèses proposées par le sociologue allemand Norbert Elias pour rendre compte du " processus de civilisation" qui caractérise les sociétés d'Occident entre XIIe et XIXe siècles [...].
Là est sans doute le prix de ce livre qui analyse le procès de civilisation occidental à partir de l'un de ses traits les plus fondamentaux : à savoir les transformations du rapport que les hommes ont eu avec leur corps. Séché, baigné, lavé. "
Roger Chartier, Libération
Comment l'élan démocratique de 1789 a-t-il pu donner naissance à la violence terroriste de 1793 ? Cette question obsédait déjà les contemporains, qui y voyaient non seulement un défi politique et une épreuve morale mais aussi un scandale logique. " Ce qui sera à jamais incompréhensible, c'est le contraste inouï de nos principes et de nos folies ", écrit le révolutionnaire Dominique-Joseph Garat dès 1795.
Timothy Tackett n'instruit pas le procès de la Révolution, il décrit le processus révolutionnaire. Dans un livre très neuf, s'appuyant sur les correspondances, pour la plupart inédites des acteurs des journées révolutionnaires, le grand historien américain restitue le sens des événements et des engagements, au plus près de la manière dont ils furent vécus, et des émotions politiques qui s'y exprimèrent. Après avoir expliqué dans Par la volonté du peuple (1997) comment l'on devenait révolutionnaire, l'auteur montre ici avec brio comment l'on peut devenir terroriste.
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Serge Chassagne
Professeur à l'université de Californie, Timothy Tackett est spécialiste de la Révolution française. Plusieurs de ses livres ont été traduits en français, dont Par la volonté du peuple. Comment les députés de 1789 sont devenus révolutionnaires (Albin Michel, 1997) et Le roi s'enfuit. Varennes et l'origine de la Terreur (La Découverte, 2004 et 2007).
Voici une histoire par dates du VIIe au XXe siècle, riche en surprises, qui rend compte des profonds renouvellements qui ont transformé notre vision de ce qu'on appelait autrefois les " Grandes Découvertes ". Les dates " canoniques ", revisitées à l'aune d'une réflexion critique sur les raisons de leur élection par les chronologies officielles, alternent avec les dates " décalées " qui font surgir des paysages et des personnages méconnus. Il est ici question de détricoter le discours qui, associant exploration du monde et " entrée dans la modernité ", en réserve le privilège et le bénéfice à l'Europe, et, pour ce faire, de documenter d'autres voyages au long cours – extra-européens. Il est également question, prenant le contre-pied d'une histoire héroïque des expéditions lointaines qui en attribue le mérite à quelques singularités, de rappeler qu'il faut beaucoup d'illusions, et plus encore d'intérêts, pour faire un " rêve ", et que Christophe Colomb n'aurait jamais appareillé sans les vaisseaux des frères Pinzón.
Il s'agit ainsi de substituer des lieux, des instants et des visages aux cultures en carton-pâte et aux croyances en papier mâché ; de donner à voir les échecs autant que les réussites, les naufrages dans les estuaires de la même façon que les entrées triomphales dans les cités soumises ; d'inclure amiraux ottomans, navigateurs chinois, interprètes nahuatls et pilotes arabes dans le musée imaginaire de l'histoire globale ; de mettre en lumière tout un petit peuple d'assistants et d'auxiliaires, de sherpas et de supplétifs (que serait Magellan sans le Malais Enrique ? ou Cortés sans la Malinche ?) ; de passer outre une histoire au masculin en rendant droit de cité aux voyageuses et aux exploratrices ; et enfin de prêter une égale attention aux êtres et aux choses, sachant que, s'il faut une nef pour traverser un océan, une vague ou un bacille suffisent à la vider de ses occupants.
Ce sont donc à la fois une autre histoire du monde et une autre histoire de l'Europe qui se dévoilent au fil des 90 récits d'aventures proposés par 80 des meilleurs historiennes et historiens de ces questions.
Directeur d'ouvrage : Romain Bertrand est directeur de recherche au CERI (Sciences Po-CNRS).
Coordination : Hélène Blais est professeure d'histoire contemporaine à l'École normale supérieure de la rue d'Ulm ; Guillaume Calafat est maître de conférences en histoire moderne à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IHMC) ; Isabelle Heullant-Donat est professeure d'histoire du Moyen Âge à l'Université de Reims Champagne-Ardenne.
Comment rendre compte de l'adhésion au nazisme des dizaines de millions de femmes et d'hommes « ordinaires », allemand·es et autrichien·nes, qui lui ont apporté leur soutien des années durant ?
La quête d'épanouissement personnel encouragée par le régime, qu'il s'agisse d'aventures érotiques, des liens affectifs de l'entre-soi forgés dans les organisations nazies ou de la vie conjugale, a contribué à la cohésion interne de la société nazie. C'est l'une des hypothèses fortes de ce livre d'une grande originalité.
Car la sexualité, l'intime et la politisation des désirs ont été au coeur de l'entreprise nazie. C'est ce que montre Elissa Mailänder, en s'appuyant notamment sur l'analyse d'une masse d'archives (dont certaines privées) relatives à la sexualité, aux amitiés, à la vie amoureuse et conjugale des individus de la société majoritaire nazie - « aryens » et hétérosexuels.
Ainsi se dévoile au ras du sol, à l'échelle locale et privée, la construction d'une communauté raciste, hautement politisée, ségrégationniste et violente.
Historienne du nazisme, Elissa Mailänder est professeure à Sciences Po Paris et directrice adjointe du Centre interdisciplinaire d'études et de recherches sur l'Allemagne (CIERA). Ses recherches portent sur la vie quotidienne (Alltagsgeschichte), l'histoire du genre et des sexualités, l'histoire de la violence, l'histoire des masculinités et l'histoire anthropologique de la photographie.
" Conquise, la Gaule a perdu la parole. Sa mémoire était tout entière dans le souvenir inquiet qu'en avaient gardé ceux qui l'avaient soumise. Rome a fait oublier la Gaule. Puis on a cru la reconnaître dans les "Sauvages" de l'Amérique, ou bien reflétant, à distance, notre image : celle de "nos ancêtres les Gaulois".
Les découvreurs qui ont exhumé ses vestiges à partir de la fin du XIXe siècle, ont été surpris de la voir livrer des créations subtiles et magnifiques, que l'on croyait trop belles pour elle. Il a fallu attendre les surréalistes, comme André Breton, pour que l'on prenne la mesure de la force d'expressivité et de l'originalité de l'art gaulois. Nous y reconnaissons maintenant la marque d'une pensée et d'un savoir, voisin de celui de la science grecque. "
L.O.
Retraçant les réinventions successives dont les " Gaulois " ont fait l'objet depuis l'époque de César, Laurent Olivier remonte le fil du temps pour s'approcher au plus près d'un monde disparu, celui des Celtes.
Laurent Olivier est archéologue, conservateur en chef des collections d'archéologie celtique et gauloise du musée d'Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye. Auteur de nombreuses publications scientifiques, il a publié au Seuil Le Sombre Abîme du temps, mémoire et archéologie (2008).