On est au tout début des années 1900 : un jeune autrichien, tout juste marié, et dont le but est de devenir poète, obtient de devenir pour quelques mois le secrétaire de Rodin. Choc de la ville, choc artistique. Expérience des limites.
L'expérience ne durera que quelques mois. Rilke prolonge seul dans la ville, l'hiver, la bibliothèque nationale. Ici on voit tout : l'hôpital, la crèmerie, la rue, la nuit, les livres.
Rilke s'invente lui-même, mais pour cela il crée Malte Laurids Brigge : c'est son personnage qu'il envoie au-devant de lui, au contact de la mort. Quand on veillera le corps du grand-père disparu, on apercevra nettement une main qui rampe par terre. L'expérience des limites donne accès au fantastique, au mythique.
Mais si ce livre est devenu le classique obligatoire qu'on sait, c'est bien pour être d'abord cela: une autobiographie d'écriture.
Prague, ville où Rilke passa son enfance, est sans doute le personnage essentiel de ces deux récits. Le roi Bohusch et Frère et soeur, constituant ces Histoires pragoises, comptent parmi les tout premiers textes de Rilke. Nourris d'éléments autobiographiques, ils évoquent l'atmosphère qui régnait alors à Prague, et, en particulier, l'émergence du sentiment nationaliste anti-allemand de la jeunesse tchèque. Ces pages, écrivait Rilke, « m'ont rendu cher ce que j'avais à demi oublié et elles m'en ont fait don. Car de notre passé nous ne possédons que ce que nous aimons. Et nous voulons posséder tout ce que nous avons vécu ». R.M. Rilke