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SOPHIE BENECH
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La fin de l'homme rouge ou le temps du désenchantement
Svetlana Alexievitch
- Éditions Actes Sud
- Romans, nouvelles, récits
- 4 September 2013
- 9782330025328
Depuis Les Cercueils de zinc et La Supplication, Svetlana Alexievitch est la seule à garder vivante la mémoire de cette tragédie qu'a été l'urss, la seule à écrire la petite histoire d'une grande utopie. Mais elle est avant tout un écrivain, un grand écrivain. Pour ce magnifique requiem, elle invente une forme littéraire polyphonique singulière, qui fait résonner les voix de centaines de témoins brisés.
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Le corps de l'âme : Nouveaux récits
Ludmila Oulitskaïa
- Gallimard
- Folio
- 1 February 2024
- 9782073043405
"Lorsque sa vie fut réglée à la perfection, ce fut le début de la vieillesse."
Si nous pouvons sentir, connaître et étudier notre corps, l'âme en revanche se refuse aux défi nitions. Que recouvre-t-elle précisément ? Est-elle présente tout au long de notre existence, ou se révèle-t-elle seulement à certains moments ?
Telles sont les questions que se posent les personnages qui peuplent ces nouvelles, à des instants à la fois exceptionnels et quotidiens : un médecin légiste s'interrogeant sur des traces visibles, une épouse esseulée qui se découvre des propriétés physiques étonnantes, un jeune homme qui se fond dans un paysage bien-aimé. En un subtil jeu d'échos, ces points déposés à la lisière entre la vie et la mort tracent une esquisse surprenante et délicate du passage dans l'au-delà. -
"- Vous savez, je suis microbiologiste, j'ai bien peur que l'objet de mes études ne soit soumis à d'autres lois.
- Nous sommes tous soumis à la même loi, la loi marxisteléniniste !
- Cela ne fait pas le moindre doute ! acquiesce Rudolf avec sérieux. Seulement mes microbes, eux, ne sont pas au courant."
Moscou, 1939. Un biologiste doit bientôt présenter ses recherches aux autorités soviétiques. Il travaille sur une souche hautement virulente de la peste et sait que la moindre maladresse peut s'avérer fatale. Mais en ces années de Grandes Purges, le danger ne surgit pas toujours d'où on l'attend...
Écrit en 1988 mais découvert en Russie au printemps 2020, ce texte met en scène avec ironie, suspense et humanisme une épidémie sous le régime totalitaire de Staline. -
Dans la malle laissée par sa grand-mère Maroussia avant sa mort, Nora découvre des lettres échangées avec son grand-père, Jacob. Féministe et danseuse, la belle Maroussia a ses propres convictions intellectuelles. Mais les rêves et les ambitions du jeune couple croulent sous le poids de l'histoire soviétique.
Sur les traces de la correspondance de ses propres grands-parents, Ludmila Oulitskaïa conte avec autant de tendresse que d'ironie mélancolique les hauts et les bas, la grande et la petite histoire de quatre générations d'une famille,
tout en décrivant ce grand XXe siècle russe comme celui des femmes. -
Trois amis deviennent dissidents par amour pour la littérature : Ilya, Sania et Micha font connaissance à l'école où ils sont les souffre-douleur d'autres camarades, plus grands ou plus forts. Car Ilya est laid et pauvre ; Sania un musicien fragile ; quant à Micha, il est juif...
Le soutien de leur professeur de lettres est essentiel pour les trois amis, en cette Union Soviétique qui vient de vivre la mort de Staline et où chacun doit se positionner par rapport au pouvoir. Ilya documente ces années mouvementées en prenant des photos, tandis que Micha se rapproche du samizdat. Et lorsque Micha est dénoncé et déporté dans un camp, c'est Sania qui se charge de s'occuper de sa femme et de son enfant.
Dans une vaste fresque qui plonge le lecteur au milieu de la tragédie soviétique, Ludmila Oulitskaïa sait tirer le meilleur profit de son immense talent de conteuse pour évoquer aussi bien la grandeur des hommes mus par le courage, les idéaux et l'amour, que les horreurs de la lâcheté, de la trahison et de la violence politique. Un magnifique roman dans la grande tradition russe. -
Envers et contre tout : chronique illustrée de ma vie au Goulag
Euphrosinia Kersnovskaïa
- Christian Bourgois
- 28 October 2021
- 9782267045093
Alors qu'elle est à peine âgée de trente ans, Euphrosinia Kersnovskaïa voit l'URSS imposer le joug soviétique à la Bessarabie, où sa famille s'est installée après la révolution. Victime de la collectivisation, Euphrosinia perd tout. Très vite, elle est envoyée sur un chantier d'abattage de bois en Sibérie. Elle s'évade, erre des mois seule dans la taïga, puis finit par être arrêtée et condamnée à des années de camp - pour finalement travailler dans des mines de charbon. Une fois libre, elle produit cette oeuvre inouïe : un récit où le témoignage écrit cohabite avec des dessins réalisés sur des cahiers d'écolier - en illustrant elle-même son histoire, elle restitue dans les moindres détails les scènes dont elle a été témoin et auxquelles elle a participé.
Sa destinée s'apparente à celle des plus grandes héroïnes de roman. On se demande avec stupéfaction comment autant d'épreuves et de malheurs peuvent tenir en une seule vie : Euphrosinia affronte les obstacles de sa vie d'un coeur pur et candide, faisant toujours passer les autres avant elle-même. Le dessin, qui aurait pu n'être pour elle qu'un simple passe-temps, devient entre ses mains la lance de Don Quichotte qui lui sert à pourfendre inlassablement le mal.
Écrit à l'insu des autorités, Envers et contre tout est le récit d'un destin hors du commun. Un témoignage fort et inspirant, l'odyssée d'une irréductible qui constitue une source de joie profonde, un antidote aux compromissions et à la peur, au mensonge et à l'oubli. -
Dans les années 1910, trois grands poètes russes, Nicolaï Goumiliov, Anna Akhmatova et Ossip Mandelstam, liés d'amitié et réunis par une même conception de la poésie, énoncent les principes de l'acméisme, une nouvelle « école » poétique qui se démarque profondément tant du symbolisme alors dominant, que du futurisme qui va bientôt s'épanouir.
Goumiliov, qui fut le mari d'Akhmatova et le père de son fils, est fusillé en 1921. Les deux poètes survivants, Akhmatova et Mandelstam, vont eux aussi connaître des destins tragiques. S'admirant et se soutenant mutuellement dans les épreuves, ils resteront fidèles à cette amitié de jeunesse à laquelle la femme de Mandelstam, Nadejda, est très vite associée. Après 1938, date de la mort de Mandelstam dans un camp, les deux femmes restent seules pour affronter la guerre et de nouvelles persécutions, unies par le souvenir d'un passé commun, et surtout par la mémoire de Mandelstam.
Ce livre de souvenirs sur Anna Akhmatova, récemment retrouvé et totalement inédit en français, a été écrit par Nadejda entre les deux tomes des mémoires que nous connaissons, tout de suite après la mort d'Akhmatova en 1966. Nadejda nous livre un portrait de son amie vue à travers le prisme de l'affection. Les anecdotes, les détails, les conversations font surgir devant nous une personne humaine et vivante, une Akhmatova à l'esprit acéré et à l'humour corrosif, avec ses petits travers, mais surtout son courage face aux épreuves, sa noblesse intérieure, et son immense talent.
Comme dans le premier tome de Contre tout espoir, la forte personnalité et la remarquable sensibilité poétique de l'auteur sont mises au service du poète à qui elle rend ici hommage. Et les réflexions des deux femmes sur la peur, le courage, la liberté, la poésie ou la société soviétique en évolution, donnent à ce portrait une ampleur et une profondeur qui en font bien davantage qu'un simple essai biographique.
Si elle ne l'a finalement pas publié, c'est sans doute qu'elle a souhaité en utiliser partiellement la matière dans le deuxième volet des mémoires, qui brosse un portrait plus général de l'époque dans laquelle avait vécu Mandelstam, et dont la tonalité est moins tendre que dans ces souvenirs plus intimes consacrés exclusivement à Akhmatova. -
Mon petit-fils Benjamin ; pièce en deux actes
Ludmila Oulitskaïa
- Gallimard
- Le Manteau d'Arlequin - Théâtre français
- 28 February 2019
- 9782072825484
Quand Esfir Lvovna, vieille couturière autoritaire, a décidé quelque chose, elle est prête à tout pour y arriver. Ainsi décrète-t-elle que son fils Liova doit absolument épouser une jeune fille juive de la ville de Bobrouisk, d'où elle-même est originaire, afin de relancer une lignée après la quasi-disparition de cette communauté pendant la guerre. Elle fait la connaissance de Sonia, douce et d'une beauté délicate, et voit en elle la parfaite belle-fille.
Mais parfois, tout ne se passe pas exactement comme les mères le prévoient pour leurs fils. Le mariage, qui serait pourtant idéal pour Esfir, réserve des surprises et nécessite certains ajustements.
Dans cette pièce aux accents à la fois drôles et tragiques, Ludmila Oulitskaïa donne à voir un intérieur russe bouleversé par les événements politiques et historiques, et où la résistance d'un fils contre sa mère envahissante prend des formes inattendues. La grande romancière excelle à faire résonner sur la scène du théâtre les conflits personnels et collectifs, et interroge avec humour les notions d'héritage et d'altérité. -
"Dans la vie, il n'y a pas de tragédies, il y a soit de l'amour, soit le vide. Et pour comprendre la vie des autres, il faut avoir vécu la sienne." Narrateur dans la plus belle tradition russe, intellectuel averti et fin connaisseur des vicissitudes soviétiques, Iouri Bouïda nous livre avec Voleur, espion et assassin une autobiographie d'envergure.
De son enfance d'après-guerre dans la région de Kaliningrad jusqu'aux premiers bouleversements de la perestroïka, Bouïda n'évoque jamais la violence et la désolation du quotidien sans recours au burlesque : des toilettes gelées, de l'érotisme au milieu de ruines teutoniques et des discours que plus personne n'écoute. Puisque la plupart des autres préfèrent la vodka, notre héros monte rapidement l'échelle sociale. Il devient membre du Parti communiste, rédacteur en chef d'un quotidien au fin fond de la campagne, puis chargé de la communication au comité régional du Parti. C'est l'écriture qui va le sauver, même s'il doit s'y reprendre à plusieurs fois avant de saisir ce que sa grand-mère lui disait avant sa mort : "La liberté, c'est toi. Seulement, n'oublie jamais que la prison aussi, c'est toi."
Né après la mort de Staline, marqué par un système politique et social en déclin, Bouïda dresse le portrait d'une société aussi défaillante que débrouillarde, aussi cruelle que capable de tendresse. Voleur, espion et assassin nous parle du courage individuel, de l'intégrité malgré tout, et d'une joie de vivre indéfectible. -
Ida Zmoïro avait connu la gloire très jeune, dès sa première apparition au cinéma. La Seconde Guerre mondiale sévissait alors et les soldats soviétiques avaient été bouleversés par cette beauté juvénile portée à l'écran. Des sacs entiers de lettres d'amour lui parvenaient depuis le front, elle était la plus grande comédienne que l'Union soviétique connaîtrait. Mais en 1943, alors qu'Ida est en route vers un tournage, un terrible accident de voiture met brusquement fin à sa carrière : la splendide actrice est défigurée. Si elle remonte sur scène pour jouer La Mouette de Tchékhov, elle s'exile bientôt en Angleterre où elle passera plusieurs années avant de revenir en Union soviétique grâce à l'intervention de Staline, qui lui interdira pourtant de rentrer à Moscou ; elle finira par s'installer dans la petite ville de Tchoudov.
Il est trois heures du matin lorsque Ida Zmoïro, à présent âgée de quatre-vingt-cinq ans, se traîne jusqu'au commissariat avant de s'effondrer. Sa mort inexpliquée intervient quelques jours seulement après la disparition de plusieurs "colombes", ces jeunes filles qui suivent les cortèges funèbres, un oiseau au creux des mains. Ida les connaissait bien, elle leur enseignait la danse, leur apprenait à se coiffer, à s'habiller et à se maquiller. Mais qui pourrait s'en prendre aux "colombes" et à la belle actrice au sang bleu ? Ce sang bleu et froid qui est la marque des plus grandes, ce sang bleu "qui oblige l'artiste à considérer son ouvrage d'un oeil critique, à supprimer le superflu et à rajouter l'indispensable"...
À travers cette enquête, Iouri Bouïda nous livre un récit foisonnant de destins violents, parfois déchirants, qui s'entrecroisent autour de la tragédienne au visage balafré. La mouette au sang bleu est un roman sombre et puissant, un texte construit avec maîtrise dans la grande tradition romanesque russe. -
Potemkine ou le troisième coeur
Iouri Bouïda
- Gallimard
- Hors série Littérature
- 27 April 2012
- 9782072464263
Il y avait à l'époque près de cinquante mille Russes qui vivaient à Paris (à la veille de la Première Guerre mondiale, ils étaient à peine plus de trente-six mille dans toute la France). Ils priaient dans des églises orthodoxes, envoyaient leurs enfants dans des écoles russes et discutaient de Dostoïevski au café de La Rotonde, sur les portes duquel un habitué caustique avait proposé un jour d'inscrire le slogan : "Psychopathes de tous les pays, unissez-vous!"
Fiodor Zavalichine, aussi appelé Théo, fait partie de ces Russes installés en France pour fuir la révolution bolchevique et, comme beaucoup d'entre eux, il se rend lui aussi à une projection du chef-d'oeuvre d'Eisenstein, Le Cuirassé Potemkine, en novembre 1926. En tant que militaire, il a pris part en 1905 à la répression de la mutinerie au sein de la flotte russe et, lorsqu'il découvre sur le grand écran la reconstitution impressionnante de ce massacre dans le port d'Odessa, il est soudainement convaincu d'avoir participé à un crime... Il se précipite au commissariat le plus proche pour faire des aveux, puis essaie de soigner ses remords et sa culpabilité dans un hôpital psychiatrique. C'est là qu'il apprend dans les journaux le récit d'un horrible fait divers : sept femmes sont retrouvées égorgées dans une fosse commune à Deauville. Il attribue sans hésitation ce massacre à son ancien compagnon d'armes et grand mutilé, Ivan Domani, pour qui il avait justement accepté de faire des photos érotiques de sept jeunes créatures. Débute alors pour Théo un long périple chaotique, entre violence et rédemption...
Potemkine ou Le troisième coeur est un livre stupéfiant qui nous confirme plus que jamais que Iouri Bouïda, qui jouit d'un grand prestige dans son pays, occupe une place de choix dans la grande tradition littéraire russe. -
à conserver précieusement
Ludmila Oulitskaïa
- Gallimard
- Hors série Littérature
- 23 March 2017
- 9782072498244
"Le processus du souvenir est une tentative de résistance au temps, un saut dans la direction opposée à la mort, le désir d'exprimer sa gratitude envers ceux qui ne sont plus."
La grande romancière Ludmila Oulitskaïa fait résonner une des voix morales les plus importantes de la Russie contemporaine. Dans ce recueil de réflexions autobiographiques, d'essais, d'interviews et de critiques, elle s'ouvre avec une sincérité saisissante à ses lecteurs.
Au fil de ses souvenirs d'enfance à Moscou, de portraits d'amis et de personnalités, Ludmila Oulitskaïa lie son histoire familiale à celle de son pays. Son courage immuable face au destin, aussi bien dans son opposition intellectuelle que dans son combat personnel contre la maladie, impressionne.
Empreint de tendresse et d'humanité, le regard de Ludmila Oulitskaïa se pose ainsi sur l'écriture, l'art, la société et la politique, pour éclairer à la fois le passé et le présent de ce pays où l'espoir d"un avenir serein se fait aujourd"hui plus rare que jamais.