La philosophie politique et la psychanalyse ont en partage un problème essentiel à la vie des hommes et des sociétés, ce mécontentement sourd qui gangrène leur existence. Certes, l'objet de l'analyse reste la quête des origines, la compréhension de l'être intime, de ses manquements, de ses troubles et de ses désirs. Seulement il existe ce moment où savoir ne suffit pas à guérir, à calmer, à apaiser. Pour cela, il faut dépasser la peine, la colère, le deuil, le renoncement et, de façon plus exemplaire, le ressentiment, cette amertume qui peut avoir notre peau alors même que nous pourrions découvrir son goût subtil et libérateur. L'aventure démocratique propose elle aussi la confrontation avec la rumination victimaire. La question du bon gouvernement peut s'effacer devant celle-ci : que faire, à quelque niveau que ce soit, institutionnel ou non, pour que cette entité démocratique sache endiguer la pulsion ressentimiste, la seule à pouvoir menacer sa durabilité? Nous voilà, individus et État de droit, devant un même défi : diagnostiquer le ressentiment, sa force sombre, et résister à la tentation d'en faire le moteur des histoires individuelles et collectives.
Et si Deborah Levy nous ouvrait les portes de sa bibliothèque personnelle ? Si elle nous emmenait à la découverte des artistes qui l’inspirent et la secouent ? Et si, en passant, elle nous livrait une anecdote savoureuse impliquant les petites cuillères, son voisin de palier et Nietzsche ? Tour à tour jeune femme aux yeux noircis de khôl, ses fidèles creepers aux pieds pour arpenter le Londres underground des années 1970, déjà fascinée par Colette et Simone de Beauvoir, amante féministe relisant Marguerite Duras et Sigmund Freud et Violette Leduc et Roland Barthes, voyante lorsqu’il s’agit de scruter l’âme des artistes qui l’obsèdent – Édouard Manet, Lee Miller, Francesca Woodman –, à l’affût du monde sous toutes ses coutures – technologie, pandémie, gastronomie… – Deborah Levy nous livre au fil de ces textes réjouissants, rassemblés ici pour la toute première fois, un véritable traité de l’indiscipline et une plongée revigorante dans son intimité loufoque et érudite.
« C'est à nous, et à nous seuls, qu'il revient de réfléchir, d'analyser et parfois de prendre des risques pour rester libres. Libres de nous engager et d'être ce que nous voulons. C'est à nous, et à personne d'autre, qu'il revient de trouver les mots, de les prononcer, de les écrire avec force, pour couvrir le son des couteaux sous nos gorges.
A nous de rire, de dessiner, d'aimer, de jouir de nos libertés, de vivre la tête haute, face à des fanatiques qui voudraient nous imposer leur monde de névroses et de frustration - en coproduction avec des universitaires gavés de communautarisme anglo-saxon, des militants aveuglés, et des intellectuels qui sont les héritiers de ceux qui ont soutenu parmi les pires dictateurs du XXème siècle, de Staline à Pol Pot. »
Ainsi plaide Richard Malka, avocat de Charlie Hebdo, lors du procès des attentats de janvier 2015. Procès historique, procès intellectuel, au cours duquel l'auteur retrace, avec puissance et talent, le cheminement souterrain et idéologique du Mal. Chaque mot pèse. Chaque mot frappe. Ou apporte la douceur. Evoquant les noms des disparus, des amis, leurs plumes, leurs pinceaux, leur distance ironique et tendre. Oui, la liberté d'expression est un combat, chaque jour vivifié par des gestes, des paroles, des échanges.
Face à la mort, la littérature nous tient : ce texte, bien plus qu'une plaidoirie, est un éloge de la vie libre, joyeuse et éclairée.
Après Le droit d'emmerder Dieu, éloge du droit au blasphème, Richard Malka revient sur l'origine profonde d'une guerre millénaire au sein de l'Islam : la controverse brûlante sur la nature du Coran.
Plus qu'une plaidoirie, ces pages mûries pendant des années questionnent ce qu'il est advenu de l'Islam entre le VIIème et le XIème siècle, déchiré entre raison et soumission.
Les radicaux ont gagné, effectuant un tri dans le Coran et les paroles du Prophète, oppressant leurs ennemis - au premier rang desquels les musulmans modérés, les musiciens, artistes, philosophes, libres penseurs, les femmes et minorités sexuelles.
Plonger avec passion dans cette cassure au sein d'une religion n'est pas être « islamophobe », c'est regarder l'histoire en face.
Traité sur l'intolérance est une méditation puissante, un appel aux islamologues du savoir et de la nuance - pour qu'enfin chacun sache, comprenne, échange, s'exprime.
D'où vient ce sentiment diffus et oppressant d'un retard généralisé, lui-même renforcé par l'injonction permanente à s'adapter au rythme des mutations d'un monde complexe ? Comment expliquer cette colonisation des champs économique, social et politique par le lexique biologique de l'évolution ?
La généalogie de ce nouvel impératif nous conduit dans les années 1930 aux sources du "néolibéralisme" américain : "néo" car, contrairement au libéralisme classique qui comptait sur la libre régulation du marché, ce nouveau libéralisme autoritaire en appelle aux artifices de l'État (droit, éducation, action sociale). L'enjeu est de transformer l'espèce humaine pour fabriquer les agents d'une compétition mondiale loyale et régulée. Pour Walter Lippmann, théoricien de cette transformation, seul un gouvernement de leaders et d'experts peut conduire l'évolution des sociétés dans la bonne direction. Mais Lippmann se heurte à John Dewey, figure majeure du pragmatisme, qui lui oppose l'intelligence collective des publics, socle d'une indispensable refondation de la démocratie.
"La lutte entre le néolibéralisme et la démocratie n'est pas terminée : elle ne fait que commencer", Thomas Piketty, présentation de l'édition américaine, Fordham University Press.
«Nous, linguistes de France, de Belgique, de Suisse, du Canada, sommes proprement atterrées par l'ampleur de la diffusion d'idées fausses sur la langue française.»
Les Linguistes atterrées
Les discours sur les "fautes" saturent quasiment l'espace éditorial et médiatique contemporain. Mais la différence entre une faute et une évolution, c'est la place qu'elle occupera à long terme dans l'usage. Et l'usage, ça s'étudie avec minutie. C'est le travail des linguistes. Face aux rengaines déclinistes, il devient indispensable de rétablir la rigueur des faits.
Non, l'orthographe n'est pas immuable en français. Non, les jeunes, les provinciaux ou les Belges ne "déforment" pas la langue. Oui, le participe passé tend à devenir invariable. Non, le français n'appartient pas à la France. Oui, tout le monde a un accent, voire plusieurs.
Dix idées reçues sur la langue, et surtout trente propositions pour en sortir.
"Nous ne savons pas ce qui nous arrive et c'est précisément ce qui nous arrive", écrit José Ortega y Gasset.
Que nous arrive-t-il ? Qu'arrive-t-il à la France ? Au monde ? Notre impéritie vient-elle d'une myopie à l'égard de tout ce qui dépasse l'immédiat ? d'une perception inexacte ? d'une crise de la pensée ? d'un somnambulisme généralisé ?
Tant de certitudes ont été balayées !
Comment naviguer dans un océan d'incertitude ? Comment comprendre l'histoire que nous vivons ? Comment admettre enfin que, en dégradant l'écologie de notre planète, nous dégradons nos vies et nos sociétés ? Comment appréhender le monde qui se transforme de crise en crise ? Comment concevoir l'aventure inouïe de notre humanité ? Est-ce une course à la mort ou à la métamorphose ?
Serait-ce à la fois l'un et l'autre ?
Réveillons-nous !
E. M.
«Ce n'est pas trahir ses convictions humanistes que de faire le départ entre le réel et l'utopie ; ce n'est pas renoncer à ses idéaux que de prendre en compte ce qui est possible et ce qui ne l'est pas.»
Didier Leschi
Il n'est pas de jour qu'un sinistre événement, une image bouleversante, une crise internationale ne nous le rappelle : la question du sort réservé aux migrants est cruciale. Il y a ceux pour qui la France devient une passoire exposée à l'invasion d'étrangers indésirables et qui veulent "suspendre l'immigration" ; et il y a ceux, moins nombreux, pour qui notre pays devient, comme l'Europe elle-même, une "forteresse", manquant à tout devoir d'humanité. C'est à ces deux tendances opposées que s'adresse tour à tour la présente mise au point de Didier Leschi, directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en plaçant chacun devant la réalité des faits et des pratiques - sans pour autant mettre au même plan ce qui relève de la démagogie, et parfois de la haine de l'autre, et ce qui témoigne, à la manière du Fratelli tutti du pape François, d'une noblesse d'âme et d'un haut sentiment de la fraternité humaine.
Nouvelle édition
"J'éprouve ici quelque chose de puissant qui me dépasse... Cet environnement me prend avec une force inouïe ! Je suis à ma place, ici, et c'est plus lié à la terre, au rapport avec un élément, qu'à l'attachement à un territoire, à une notion de terroir. Je pense que tous les gens de la terre se ressemblent, foncièrement."
Franck Bouysse a grandi et vit en Corrèze, au "pays des mille sources". Amoureux des lumières d'automne, qui révèlent les formes et les êtres, il entretient un lien organique avec ce monde qui l'a façonné : "Je ne pourrais pas vivre dans un endroit plat ; il me faut de la hauteur, quelque chose de l'ordre du dépassement..."
Au fil des entretiens, cet homme discret revient sur son enfance, les difficultés et espoirs du monde rural, son lien à l'histoire et sa fascination pour l'Amérique. Admirateur de Faulkner et Simenon, il retrace son parcours d'auteur et nous invite dans son atelier : "L'exploration des passions humaines, qui souvent nous dévorent, est pour moi une des grandes lignes de force de la littérature : creuser l'humain, ne pas s'en tenir à la surface des choses, mais plutôt puiser en soi."
Ginette Kolinka, qui va fêter ses 98 ans, habite le même appartement depuis qu'elle a dix ans.
Elle a toujours vécu là, rue Jean-Pierre Timbaud, au coeur de Paris, à l'exception de trois ans : de 1942 à 1945.
Cet appartement, c'est sa vie qui défile devant nos yeux. Il y a les portraits de ceux qui ne sont pas revenus de Birkenau : son père, son petit frère, son neveu.
Les disques d'or de son fils unique, Richard, batteur du groupe Téléphone.
Les photos de ses cinq soeurs, Ginette est la cadette, des petits-enfants, des arrière-petits-enfants.
Les dessins des écoliers, à qui elle raconte désormais son histoire, tous les jours, aux quatre coins de la France.
Et même les meubles qu'ont laissés les « collabos ».
Ginette nous fait la visite.
On traverse le temps : l'atelier de confection de son père, la guerre, ce mari adorable et blagueur. Les marchés, qui l'ont sauvée. Et les camps qui affleurent à chaque page, à chaque pas.
Mais Ginette, c'est la vie ! Le grand présent. « On me demande pourquoi je souris tout le temps, mais parce que j'ai tout pour être heureuse ! »
Lire pour soi, lire pour l'autre. Après "Les Livres prennent soin de nous" paru en 2015, Régine Detambel revient avec un ouvrage de bibliothérapie créative, qui recense quelques-unes de ses sources théoriques et les grandes lignes de sa pratique.
"La nature menacée devient menaçante : notre excès de contrôle nous a fait perdre le contrôle. Il va maintenant falloir vivre dans un monde fluctuant, c'est-à-dire inventer la civilisation de la robustesse, contre la performance." Olivier Hamant
Face aux bouleversements du monde en cours et à venir, le développement durable, entre géo-ingénierie contreproductive et tout-électrique mal pensé, crée de nombreux futurs obsolètes. Émergent alors les contre modèles de la décroissance et de la sobriété heureuse, nettement mieux alignés avec le monde qui vient. Mais la frugalité peut-elle réellement mobiliser ? Ne risque-t-elle pas non plus de se réduire à d'autres formes d'optimisation ? Et si, pour être sobre et durable, il fallait d'abord questionner une valeur nettement plus profonde : l'efficacité. Le monde très fluctuant qui vient appelle un changement de civilisation. Ce chemin demande surtout de valoriser nos points faibles et inverse toutes les recettes.
«L'histoire politique de ce pays est, depuis soixante-cinq ans, à contre-courant de la tendance générale de son époque. Il n'est pas sûr que la plupart des Français aient pris conscience de cette originalité.» Pascal Ory
Ces Français sont bien étranges. Comparons le «cher et vieux pays» du général de Gaulle à tous les pays voisins ; que voyons-nous ? L'infinie variété de la démocratie libérale, avec ses régimes foncièrement parlementaires, gagés sur un pouvoir exécutif limité. En face de ce peuple de roseaux, un seul chêne : la France de la Ve République. Parlons démocratie représentative, démocratie participative : nous sommes en Suisse. Parlons démocratie autoritaire : nous sommes chez nous.
De ce constat peuvent découler deux hypothèses opposées, selon que l'on considère ce particularisme comme un atout précieux ou comme un mauvais présage.
Affaire d'institutions, assurément, mais qui ne voit que ce centralisme, cette verticalité, ce présidentialisme viennent de loin ? Qui peut prédire que cela changera bientôt, voire jamais ? Et qui peut affirmer que, quelque part, nous n'y trouvions pas notre compte ?
Pourquoi Colette ? Un grand écrivain, c'est aussi un écrivain qui crée des mythes, qui renouvelle notre mythologie. « Créer un poncif, c'est le génie », disait Baudelaire. Colette a créé quatre mythes : Claudine; Sido, Gigi, et Colette, elle-même, grand écrivain national, monstre sacré. Admirée par Simone de Beauvoir, pionnière de la transgression et de la provocation, elle fait souffler dans ses romans ce vent de liberté qui nous manque tant aujourd'hui. Antoine Compagnon décline toutes les facettes de Colette, des plus connues ou plus secrètes. De Claudine, sa première héroïne, dont son mari, Willy, s'appropria la paternité, signant de son propre nom les textes de son épouse et récoltant le succès et l'argent à sa place. Sido, inspirée par sa propre mère, sans doute sa plus belle invention romanesque. En passant par Gigi, son double littéraire charmante, légère, heureuse en amour et en mariage - à l'opposé de sa créatrice qui fuira « l'homme, souvent méchant » et trouvera refuge auprès des femmes. De sa Bourgogne natale à la présidence de l'académie Goncourt - elle qui n'avait aucun diplôme -, Colette ne fut jamais là où on l'attendait et emmena la littérature là où personne d'autre n'avait osé aller. Plus accessible que Proust, plus moderne que Gide, Claudel ou Valéry, Colette réussit la prouesse d'être à la fois lue dans les écoles et d'avoir conçu une oeuvre toujours aussi sulfureuse. Lire Colette aujourd'hui, c'est embrasser le XXe siècle dans toute son extravagance, grâce à un style qui n'a pas pris une ride.
"Je me souviens du moins d'une grande fille magnifique qui avait dansé tout l'après-midi. Elle portait un collier de jasmin sur sa robe bleue collante, que la sueur mouillait depuis les reins jusqu'aux jambes. Elle riait en dansant et renversait la tête. Quand elle passait près des tables, elle laissait après elle une odeur mêlée de fleurs et de chair."
Il était une fois une femme qui avait décidé de faire le BIEN. Et c'est toujours bien de faire le BIEN, n'est-ce pas ? Cette femme travaillait dans une prestigieuse maison d'édition cotée en bourse, Feel Good était son nom. Chez Feel Good, on tenait par-dessus tout à ce que les actionnaires et les lecteurs soient heureux et calmes. Oui, on y mettait un point d'honneur. Mais, après tout, être heureux et calmes n'est-ce pas ce que nous voulons tous ? Cette femme, celle qui voulait faire le BIEN, se disait que les livres devaient être la première étape du chemin qui mènerait au bonheur. Déterminée, méthodique, rigoureuse, elle avait décidé que sa mission serait de nettoyer chaque mot de chaque texte pour que plus jamais personne ne soit heurté dans sa sensibilité. Corriger, à la source, chaque manuscrit dans un esprit Feel Good afin que tout le monde se sente bien, confortable. Se sentir bien, c'est important, n'est-ce pas ? Désormais, la seule et unique question qui la guiderait serait : est-ce que ce texte, cette phrase, ce mot peut être source d'inconfort ? Car l'inconfort n'était pas bon pour les lecteurs, pas bon pour les actionnaires, pas bon pour la vie sociale, il n'était pas Feel Good. Et être Feel Good c'est ce que nous voulons tous, n'est-ce pas? Mais on n'efface pas les maux de la société comme on efface les mots des manuscrits. Dehors, le monde est en colère, chaque jour apporte son nouveau lot de violence, de haine, de racisme... Être Feel Good ? Quitte à se laisser aveugler par le soleil du Bien et retirer des rayons les livres qui dérangent ? Quel en sera le prix ?
Dialogues hilarants. Situations justes et si souvent vraies, où l'ironie se mêle à la tendresse moqueuse. Une fable sur notre temps.
"Par habitude, par nécessité ou en raison de la faiblesse de notre intelligence dépassée par le tsunami des savoirs et des informations, nos façons ordinaires de nourrir la vie des idées consistent à la découper en secteurs, à la compartimenter en disciplines, à l'atomiser en petites spécialités étiquetées bien comme il faut.
Il s'agira ici de suivre le chemin inverse, de briser les enclos, s'encanailler, provoquer des courts-circuits au petit bonheur la chance et, si possible, des étincelles. D'associer des éléments trop souvent séparés dans les analyses : physique et philosophie, pensée et action, réalité et imagination, hasard et destin, infini mathématique et engagement existentiel, intelligence analytique et courage physique, Einstein et Rolling Stones, image et mirage, langage et impesanteur, raison et déraison... Mettons le nez dehors, inventons une chimie nouvelle, bâtissons des molécules littéraires à partir d'atomes disciplinaires !"
« Changer l'Église ? Plutôt changer ses modes d'organisation et de gouvernance, interroger ses lieux de décision. Qu'avons-nous à perdre si ce n'est du pouvoir ! Qu'aurions-nous à gagner ? Un meilleur service des frères et de Dieu. Pour moi, le choix est vite fait ! »
Mgr Pascal Wintzer
Quand le mensonge, la dissimulation, les délits et les crimes entachent l'épiscopat français, laissant les fidèles honteux et l'opinion incrédule, comment ne pas se sentir empêché dans l'accomplissement de sa mission ? C'est un tel désarroi qui s'exprime ici par la voix de l'archevêque de Poitiers, s'interrogeant sur le sens et le devenir de sa charge après la série de révélations sur les abus sexuels au sein de l'Église. En pleine crise morale et systémique, l'Institution catholique donne aujourd'hui l'impression de faire écran à Celui qu'elle sert. Si elle ne veut s'éteindre, elle n'a d'autre choix que de se convertir. Par où commencer ? Probablement par tout ce qui entretient l'entre-soi et l'impunité, l'immaturité et l'emprise dans l'exercice exclusif du pouvoir par la cléricature... et qui aura détourné celle-ci de ses devoirs d'humanité indissociables de sa vocation pastorale.
Le chagrin conduit le coeur vers la littérature et la philosophie dans l'espoir d'y trouver une consolation, comme un enfant se réfugie dans les bras de sa mère. Mais les mots des autres ne consolent pas. Regarder la mort en face, n'est-ce pas constater notre condition d'êtres résolument inconsolables ?
Qu'est-ce que ça change, vraiment, de perdre son père ? Sans croyance en un au-delà, que signifie l'ultime disparition de ce qui est ? Rien ne change, et pourtant le monde n'est plus le même. Il faut s'habituer à vivre dans un monde sans lui. La vie continue, les matins se succèdent, les enfants grandissent, un nouveau chat rejoint la maison, et après la grande tristesse c'est la peur de l'oubli qui survient.
Et si tout redevenait comme avant ? La vie, même dans l'impossible face-à-face avec la mort, se trouve dans cette alternative : quand le temps s'étire, on s'ennuie ; quand le temps s'arrête, on gémit. Le drame n'est-il qu'une suspension provisoire de nos soucis ? Mais alors, nous autres, êtres inconsolables, avons-nous la possibilité de jouir de l'existence en connaissance de cause ?
A. V. R.
Surnommée « la reine des fleurs » depuis l'Antiquité, la rose règne sans partage : elle est la plus offerte au monde. En l'associant à l'amour dès son apparition, en Perse, nous lui avons prêté une passion que nous la chargeons de transmettre, ce qu'elle accomplit avec charme et fugacité, douceur et piquant. Cueillons-la avant qu'il ne soit trop tard, en compagnie d'Alain Baraton, le jardinier de Versailles, dans ce livre qui est la première histoire culturelle de la rose.
Qu'est-ce qui la caractérise ? Comment et quand s'est-elle répandue sur toute la terre ? Quelles sont ses propriétés, quelle est sa symbolique ? La rose rose est-elle la rose originelle ? Qui sont ceux qui lui ont donné son nom (et ceux qui en rêvent) ? De quels grands peintres a-t-elle été la fleur favorite, quels sont les plus beaux poèmes en son honneur, quels musiciens ont composé en s'inspirant d'elle ? Saviez-vous que la rose a causé des guerres, et engendré des usages gastronomiques ? La fleur la plus célèbre du monde est pleine de surprises.
Tout ceci, et bien d'autres découvertes encore, nous attendent dans Le Livre de la rose, où, alliant botanique, histoire et anecdotes, Alain Baraton révèle les secrets de la fleur aux cent pétales.
On a beau changer de peau plusieurs fois, on reste toujours le même serpent.
Mais ta vision des choses a tout de même radicalement changé, non ?
Tu sais, si le jeune Nick Cave pouvait s'autoriser un certain dédain pour le monde, c'est parce qu'il ne savait pas ce qui l'attendait. Je m'aperçois aujourd'hui que ce dédain, ou ce mépris, était un luxe, une afféterie complaisante. Ce jeune homme n'avait aucun sens de la fragilité de la vie, de son caractère précieux. Il ne se rendait pas compte qu'il est difficile mais essentiel d'aimer le monde et de le traiter charitablement. Et, je le répète, il ne soupçonnait pas ce que l'avenir lui réservait.
Tiré de plus de quarante heures d'entretiens avec le journaliste Sean O'Hagan, Foi, Espérance et Carnage retrace la vie intérieure de Nick Cave, qui y livre ses méditations sur la foi, la musique, la création, la liberté, l'amour, le deuil...
Une plongée dans les rouages de l'inspiration et de la création, ainsi qu'une réflexion sur ce qui nourrit une oeuvre, où l'on découvre avec quelle force espoir, spiritualité et fiction peuvent nous pousser vers l'avant.
"Cela doit vous arriver bien souvent, n'est-ce pas, que des gens vous écrivent et qu'ils vous racontent un peu leur vie ! " Entre la parution du Deuxième Sexe en 1949 et la fin de sa vie en 1986, Simone de Beauvoir aura reçu plus de 20 000 lettres. Des lectrices et des lecteurs de tous horizons écrivent à la " géniale et courageuse femme de lettres " pour la consulter sur l'amour, le mariage, la contraception. Des quatre coins du monde, on confie à " Madame de Beauvoir " ses engagements politiques, son homosexualité hésitante ou encore l'horreur des avortements clandestins, mais aussi la honte de la colonisation algérienne et les
douloureuses séquelles laissées par deux guerres mondiales.
De cette correspondance extraordinaire, véritable miroir de la condition existentielle des femmes et des hommes de l'époque, Beauvoir elle-même avait envisagé de faire un livre. Sexe, amour et féminisme est le premier à en explorer les archives.
Judith Coffin nous entraîne dans le tumulte de décennies révolutionnaires où l'on croise aussi les militantes du MLF, Gisèle Halimi, Frantz Fanon et Betty Friedan. Son livre est une illustration saisissante du pouvoir de la lecture : il nous révèle le lien intime complexe et souvent contrarié que l'écrivaine avait tissé avec son public. La connaissance que nous avons de Simone de Beauvoir et
de son oeuvre en ressort transformée.
Palmarès Le Point - Les 30 livres de l'année 2022
« C'est à l'âge de quinze ans que le chant s'est éveillé en moi. Je m'ouvrais à la poésie et entrais, comme par effraction, dans la voie de la création... » Depuis son premier essai sur l'eau et la soif - unique témoin de son adolescence chinoise qu'il a emporté en France et dont il nous livre aujourd'hui la traduction - en passant par ses rencontres avec Gide, Vercors, Lacan, Michaux, Emmanuel, Bonnefoy et tant d'autres, François Cheng nous fait partager la longue route qui l'a conduit à devenir, lui l'exilé qui ne savait dire ni « bonjour » ni « merci » lorsqu'il est arrivé à Paris, un poète français.
Cette route, malgré les affres de la guerre en Chine, l'extrême précarité matérielle des premières décennies en France, et de cruels tourments intérieurs, mais est toujours éclairée par la poésie française qu'il intériorise au fond de sa nuit solitaire. Elle l'est aussi par un amour passionné pour la langue d'un pays dont François Cheng a fini par épouser le « chant » et le destin. La lumière singulière qui émane de ce récit est celle d'une symbiose qui unit la Voie du Tao et la voie orphique et christique, orientant sans cesse le poète vers l'authentique universel.
" Une merveille." Challenges
Indépendants, curieux, mystérieux et - c'est incontestable - adorables, les chats ont réussi leur mission : conquérir le coeur des humains. De Pattenrond, le chat d'Hermione Granger, aux reels Instagram, du Smelly Cat de Friends à l'insaisissable Catwoman, il faudrait plus de neuf vies pour recenser leurs déambulations inspirées, aussi bien dans nos quotidiens que dans la pop culture. Vénérés sous Cléopâtre, puis associés aux sorcières à la Renaissance, leur rédemption et leur salut viendront des artistes : les dessinateurs, comme l'Anglais Louis Wain, les poètes T. S. Eliot ou Baudelaire, les peintres Manet ou Balthus, et bien sûr les écrivains. Un petit éloge jubilatoire qui tente d'approcher le mystère de l'attachement des humains aux chats. Jérôme Attal a écrit plus de 400 chansons (pour Vanessa Paradis, Johnny Hallyday, Florent Pagny, Michel Delpech...) et reçu en 2020 le Grand Prix SACEM de la chanson française pour l'ensemble de son oeuvre. Auteur d'une vingtaine de romans, jeunesse et adulte, dont L'Âge des amours égoïstes, prix AMIC 2022 de l'Académie française, il a publié en 2021 aux Pérégrines un Petit éloge du baiser. Quand sa chatte, Mitsy, le lui permet, il écrit de nouveaux livres.
Jérôme Attal a écrit plus de 400 chansons (pour Vanessa Paradis, Johnny Hallyday, Florent Pagny, Michel Delpech...) et reçu en 2020 le Grand Prix SACEM de la chanson française pour l'ensemble de son oeuvre.
Il est l'auteur d'une vingtaine de livres, romans jeunesse et adulte, dont L'Âge des amours égoïstes, prix AMIC 2022 de l'Académie française.
Il a publié aux Pérégrines un Petit éloge du baiser, et il écrit de nouveaux livres quand son chat Mitsy le lui permet.