filter
Categories
- Littérature
- Jeunesse
- Bandes dessinées / Comics / Mangas
- Policier & Thriller
- Romance
- Fantasy & Science-fiction
- Vie pratique & Loisirs
- Tourisme & Voyages
- Arts et spectacles
- Religion & Esotérisme
- Entreprise, économie & droit
Éditeurs
Languages
Formats
Prix
EHS
-
Comme nous feuilletions dernièrement un ancien volume du Magasin pittoresque, nous y avons lu une histoire singulière, celle d'une jeune fille de 9 ou 10 ans qui fut trouvée dans les bois, près de Châlons. On ne put savoir où elle était, née, ni d'où elle venait. Elle n'avait gardé aucun souvenir de son enfance. En rapprochant les détails donnés par elle aux diverses époques de sa vie, on supposa qu'elle était née dans le nord de l'Europe et probablement chez les Esquimaux, que de là elle avait été transportée aux Antilles, et enfin en France. Elle assurait qu'elle avait deux fois traversé de larges étendues de mer, et paraissait émue quand on lui montrait des images qui représentaient soit des huttes et des barques du pays des Esquimaux, soit des phoques, soit des cannes à sucre et d'autres produits des îles d'Amérique. Elle croyait se rappeler assez clairement qu'elle avait appartenu comme esclave à une maîtresse qui l'aimait beaucoup, mais que le maître, ne pouvant la souffrir, l'avait fait embarquer.
Si nous reproduisons ce récit que nous ne connaissons que de seconde main, c'est parce qu'il permet de comprendre en quel sens on peut dire que la mémoire dépend de l'entourage social. À 9 ou 10 ans, un enfant possède beaucoup de souvenirs, récents et même assez anciens. Que lui en resterait-il, s'il était brusquement séparé des siens, transporté dans un pays où on ne parle pas sa langue, où ni dans l'aspect des gens et des lieux, ni dans les coutumes, il ne retrouverait rien de ce qui lui était familier jusqu'à ce moment ? L'enfant a quitté une société pour passer dans une autre. Il semble que, du même coup, il ait perdu la faculté de se souvenir dans la seconde de tout ce qu'il a fait, de tout ce qui l'a impressionné, et qu'il se rappelait sans peine, dans la première. Pour que quelques souvenirs incertains et incomplets reparaissent, il faut que, dans la société où il se trouve à présent, on lui montre tout au moins des images qui reconstituent un moment autour de lui le groupe et le milieu d'où il a été arraché.
Cet exemple n'est qu'un cas limite. Mais si nous examinions d'un peu plus près de quelle façon nous nous souvenons, nous reconnaîtrions que, très certainement, le plus grand nombre de nos souvenirs nous reviennent lorsque nos parents, nos amis, ou d'autres hommes nous les rappellent. On est assez étonné lorsqu'on lit les traités de psychologie où il est traité de la mémoire, que l'homme y soit considéré comme un être isolé. Il semble que, pour comprendre nos opérations mentales, il soit nécessaire de s'en tenir à l'individu, et de sectionner d'abord tous les liens qui le rattachent à la société, de ses semblables. Cependant c'est dans la société que, normalement, l'homme acquiert ses souvenirs, qu'il se les rappelle, et, comme on dit, qu'il les reconnaît et les localise
À PROPOS DE L'AUTEUR
Maurice Halbwachs est un sociologue français né à Reims le 11 mars 1877 et mort en déportation à Buchenwald le 16 mars 1945. Il est l'auteur d'une thèse sur La classe ouvrière et les niveaux de vie.
Élève d'abord à l'École normale supérieure, il est agrégé de philosophie, docteur en droit et lettres.
Il séjourne en 1904 à Gttingen, où il s'occupe des papiers de Leibniz. En 1909 il va à Berlin, où il est en même temps correspondant de l'Humanité.
Professeur de philosophie au Lycée Henri-Poincaré de Nancy jusqu'en 1915, il est nommé maître de conférences de philosophie à la faculté de lettres de Caen puis, en 1919, professeur de sociologie à la faculté de Strasbourg. En 1935, il obtient une chaire à la Sorbonne. Halbwachs voyage beaucoup et est nommé président de l'Institut français de sociologie en 1938. Le 10 mai 1944, il est élu à la chaire de psychologie collective au Collège de France mais le 23 juillet, il est arrêté par la Gestapo, quelques jours après son fils Pierre, quelques mois après l'assassinat de ses beaux-parents Hélène et Victor Basch. Il est interné à Fresnes puis déporté à Buchenwald, où il meurt de la dysenterie. Jorge Semprún, déporté avec lui, a raconté ses conversations avec le sociologue mourant. -
Dans notre étude sur les transformations morales en général, nous n'avons pu suivre séparément les transformations opérées ou à opérer dans chacune des branches principales de la morale. Le temps nous manque pour entreprendre toutes ces monographies. Mais il en est une qui peut être abordée pendant le peu de temps qui nous reste, et qui, par sa nature, est facile à détacher : c'est l'examen des variations de la morale sexuelle.
Je m'attache à cette catégorie de devoirs parce qu'il n'en est pas qui soit plus propre à réfuter certaines erreurs accréditées et à mettre sur la voie des véritables principes explicatifs de notre sujet. Aux partisans, si nombreux, d'un évolutionnisme unilinéaire qui prétendrait assujettir la morale à traverser une série unique et réglée de phases successives, il suffit d'objecter la diversité si grande des points de départ de l'évolution de la morale sexuelle dans les diverses sociétés, souvent même les plus rapprochées, la diversité non moins grande du cours capricieux et zigzagant de cette évolution, et la différence profonde aussi de son aboutissement, autant qu'il est possible d'en juger, et bien qu'on puisse démêler à certains égards, à travers tant de dissemblances, une certaine tendance générale peut-être.
Il y a quelques années, sous l'influence de quelques auteurs tels que Bachofen, Mac Lennan, Sir John Lubbock, Morgan, etc., on inclinait à penser que la promiscuité au sein du clan ou de la tribu avait été le point de départ primitif et universel de l'évolution des rapports sexuels. Cette hypothèse a été battue en brèche par Westermarck, entre autres écrivains, avec une si grande vigueur qu'il n'en reste rien. Ce que l'on considérait à tort comme la règle est devenu l'exception infime et même contestable. Beaucoup de peuples, par exemple les Fuégiens, qu'on avait signalés comme livrés à la promiscuité la plus bestiale, professent au contraire de l'aversion pour l'adultère et le libertinage ; et, si chez d'autres peuples on voit une licence de moeurs qui s'approche de la promiscuité, ce n'est nullement chez les peuples les plus inférieurs. Les Veddahs, le plus infime peut-être des peuples connus, pratiquent la monogamie indissoluble. - Les tribus les plus immorales sont celles qui ont été corrompues par le contact des Européens... -
On désigne sous le nom de télépathie, un ensemble de phénomènes qui révèlent une communication de pensées ou d'images, ou une apparition, à distance, sans intermédiaire matériel et sans le concours des sons ordinaires.
Si nous nous reportons aux paroles de M. Richet, c'est la transmission à distance, et sans aucun intermédiaire appréciable, d'une impression ressentie par un organisme A à un autre organisme B, sans que cet organisme B soit en rien averti. De tous les phénomènes psychiques occultes, ce sont ceux de la Télépathie qui ont été jusqu'ici étudiés avec le plus de soin ; ils ont donné lieu à de nombreux et sérieux travaux. Les premières études scientifiques sur ce sujet furent entreprises par la Society for psychical Researches de Londres, qui fit sur les hallucinations télépathiques une enquête dans le monde entier. Les résultats en ont été consignés dans deux gros volumes.
Les faits de télépathie ont ensuite été étudiés par messieurs Ochorowicz, Richet, Héricourt, Beaunis, Janet, etc...
Le premier degré, et pour ainsi dire la base expérimentale de la télépathie, c'est la Suggestion mentale, la transmission de la pensée - à des distances variables et sans aucun intermédiaire - d'une personne à une autre, toutes deux à l'état de veille. Cette suggestion mentale est-elle scientifiquement démontrée ? ... -
Ce qui fait l'intérêt des phénomènes psychologiques spontanés, c'est qu'ils ont subi une influence très minime des personnes qui les observent ; ils n'ont pas été préparés de longue main et d'une manière inconsciente par un auteur qui avait son opinion faite ; ils ne répondent par conséquent à aucune théorie préconçue ; c'est par eux que nous commencerons nos études.
Les altérations de la personnalité qui peuvent se produire chez des malades revêtent un très grand nombre de formes différentes ; il n'est nullement question de les passer toutes en revue. Nous nous bornons ici à étudier les dédoublements de la personnalité ou plutôt la formation de personnalités multiples chez un même individu. Ce phénomène peut se présenter chez plusieurs catégories de malades ; nous l'envisagerons spécialement dans l'hystérie, où il a été surtout étudié dans ces derniers temps.
On a souvent désigné sous le nom de somnambules les personnes qui présentent ces altérations de la personnalité ; nous avons conservé ce terme de somnambulisme ; il a besoin d'être expliqué, car on ne lui a pas toujours donné un sens précis, et les recherches récentes, en multipliant le nombre et la variété des somnambulismes, ont singulièrement compliqué la question. Il en est de cette question comme de l'aphasie qui, à l'époque où Broca l'étudiait, pouvait recevoir une définition simple ; c'était la perte de la parole articulée ; aujourd'hui qu'on a découvert et analysé tant d'autres formes des maladies du langage, telles que l'agraphie, la cécité verbale, la surdité verbale et bien d'autres encore, il n'y a plus une aphasie, il y a des aphasies. De même, le terme de somnambulisme doit élargir sa signification ; il n'y a pas un somnambulisme, un état nerveux toujours identique à lui-même, il y a des somnambulismes.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Alfredo Binetti, né le 8 juillet 1857 à Nice (alors dans la division de Nice du royaume de Sardaigne) et mort le 18 octobre 1911 à Paris (14e)1, est un pédagogue et psychologue français. Il est connu pour sa contribution essentielle à la psychométrie. -
Le Mont-Ventoux : étude d'histoire naturelle
Jean-Henri Fabre, Charles Martins
- EHS
- 29 December 2022
- 9782381115504
Tout voyageur descendant ou remontant la vallée du Rhône remarque entre Orange et Avignon une grande montagne qui s'élève majestueusement au-dessus de la fertile plaine arrosée par la fontaine de Vaucluse. C'est le Mont-Ventoux (Mons Ventosus). Sa forme pyramidale, sa large base, son sommet triangulaire, blanchi par la neige pendant l'hiver, charment les yeux de l'artiste et arrêtent surtout l'attention du géologue, qui devine là un riche terrain de recherches. Le botaniste de son côté se plaît à comparer les zones végétales échelonnées sur ses deux versants, depuis celle de l'olivier jusqu'à la région alpine. L'agriculteur enfin suit avec intérêt les essais de reboisement qui se poursuivent sur le revers méridional. Le Mont-Ventoux est le dernier ressaut de la chaîne des Alpes maritimes. Avant d'expirer sur les bords du Rhône, la force qui plissa l'écorce terrestre semble avoir fait un effort suprême pour élever le Mont-Ventoux au-dessus des crêtes parallèles environnantes... Le sommet du Ventoux, point géodésique de premier ordre, fait partie du canevas ou réseau primordial de la carte de France.
-
La Provence et l'Auvergne ou « île centrale » sont ces deux terres également curieuses à observer. Séparées maintenant l'une de l'autre par la vallée du Rhône, jadis par un bras de mer, marquées de traits communs, mais ayant en des destinées différentes et des événements qui leur sont propres, elles méritent, par cela même, d'être l'objet chacune d'une étude spéciale, et leurs annales comportent une double histoire. Nous commencerons par celle de la Provence.
En jetant les yeux sur une carte de Provence, on voit, à partir du cap Sicié, la côte s'infléchir, se creuser, devenir sinueuse et capricieusement découpée. Non-seulement elle donne lieu aux rades de Toulon et d'Hyères, aux plages dentelées de Bormes et de Cavalaire, au golfe de Grimaud ; mais elle projette au sud un archipel, celui des îles d'Hyères, au moyen duquel la Provence atteint et dépasse quelque peu le 43e degré de latitude. Au-delà, c'est-à-dire à la hauteur de l'embouchure de l'Argent, la côte se replie et remonte vers le nord. Le périmètre dont nous venons de suivre les limites littorales est borné à l'intérieur des terres par la petite chaîne des Maures, qui court de la Garde-Freynet à Pignans ; le long de la plage, la région ainsi déterminée est le plus souvent abrupte, semée d'anfractuosités, d'accidents anguleux ou même coupée à pic, comme si la continuité des terrains qu'elle comprend eût été brusquement rompue à un moment donné, sans qu'il soit possible de présumer leur étendue antérieurement à cette fracture. C'est là, en Provence, en y joignant quelques lambeaux vers l'Estérel, au-dessus de Cannes et du golfe Juan, la « région primitive, » émergée de toute ancienneté, en même temps la région siliceuse et cristalline dont les roches, granitiques et gneissiques par places, sont plus ordinairement schisteuses et pailletées de mica... -
Les conditions géographiques des faits sociaux
Paul Vidal De La Blache
- EHS
- 26 December 2022
- 9782381115245
L'étude des conditions géographiques des faits sociaux est une question dont l'importance ne trouverait guère de contradicteurs.
Il est assurément facile de saisir des cas de corrélation intime entre un fait géographique et un fait social. La contiguïté de deux régions, plaine et montagne, où l'ordre des travaux n'est pas le même, où les récoltent mûrissent à des dates différentes, rend disponibles des travailleurs qui vont louer périodiquement leurs bras. La présence d'une grande ville fait naître à ses portes des cultures spéciales, associées à des habitudes également spéciales, celles des maraîchers ou des hortillons. L'existence très localisée d'un produit de première nécessité peut engendrer des conséquences sociales et politiques. Tout le monde sait quelle importance historique a eue le commerce du sel en Bavière, en Lorraine, en Franconie et ailleurs; à quels mouvements d'échanges il a donné lieu sur certains points du Sahara. Source de richesse et de puissance pour ses détenteurs, la possession de ce bien provoquait des conflits, créait des relations, contribuait souvent à former des villes.
Ces rapports sont intéressants; l'historien et l'économiste se plaisent à les noter. Mais, si curieux qu'il puisse être d'assembler des faits de ce genre, on peut se demander s'ils constituent un objet de science, s'il est possible de fonder sur eux une recherche systématique et méthodique. Non sans doute, si on les envisage isolément, comme des incidents et des particularités. Mais n'en sera-t-il pas autrement si on s'élève à une notion plus compréhensive et plus haute ? N'y a-t-il pas un plan général dans lequel rentrent ces exemples, ou d'autres semblables, de phénomènes sociaux ? -
Quelque définition que nous puissions donner de l'instinct, il rentre évidemment dans les phénomènes de l'ordre psychologique... On en a donné diverses définitions, telles que : « Aptitude qui opère sans l'aide de l'instruction ou de l'expérience ; » ou bien : « Une faculté mentale totalement indépendante de l'organisation » ; « Une faculté à laquelle on attribue chez l'animal les actes qui, chez l'homme, résultent d'un enchaînement de raisonnements, aussi bien que ceux dont l'homme est incapable, et qu'on ne peut expliquer par aucun effort de l'intelligence. »
Le mot instinct est aussi très souvent appliqué à des actes qui résultent évidemment de l'organisation ou de l'habitude. On dit du poulain ou du veau qu'il marche par instinct, aussitôt qu'il est né ; mais cela est dû uniquement à son organisation qui lui rend la marche possible et agréable. De même ou dit que, par instinct, nous étendons les mains pour éviter une chute ; mais c'est là une habitude acquise, que l'enfant ne possède pas.
L'étude de l'instinct a un intérêt particulier pour le philosophe, parce que l'instinct est sur la limite commune du mécanisme et de l'intelligence. -
La betterave rouge fut importée de l'Italie dans l'Europe du nord vers la fin du XVIe siècle, et cultivée dans les jardins comme plante alimentaire pour l'homme. C'est en Allemagne que cette culture prit d'abord de grandes proportions ; elle ne se développa en France que beaucoup plus tard. Une variété productive, mais très aqueuse, de la betterave, la disette, avait été introduite dans notre pays en 1775 par Vilmorin. On en faisait usage principalement pour la nourriture des animaux. L'abbé Commerel, qui lui donna le nom de betterave champêtre, rédigea sur la culture de la disette en 1784 une bonne instruction publiée par ordre du gouvernement et insérée dans le Dictionnaire de l'abbé Rozier. Ce n'est pourtant qu'à la fin du XVIIIe siècle que le blocus des ports français et les obstacles apportés aux communications de la France avec les colonies appelèrent l'attention du pays sur la possibilité d'obtenir de la betterave des ressources bien autrement précieuses. Il s'agissait en effet d'extraire économiquement de cette plante un sucre cristallisable, et tel est le problème que la science parvint à résoudre, en même temps qu'elle développait, au grand avantage de diverses industries indigènes, l'exploitation de matières premières tirées du sol, mais jusqu'alors négligées, qui produisirent en abondance l'acide sulfurique, le chlore, la soude, l'alun, le salpêtre, le sel ammoniac, etc. Dès-lors aussi furent inaugurées ces savantes méthodes industrielles au moyen desquelles la France, tout en luttant contre la pression extérieure, dota de forces nouvelles l'industrie des nations qui voulaient l'accabler.
-
La douleur, le dégoût et la peur, sont des sentiments très voisins. Ils représentent l'ensemble des émotions répulsives. En effet, ni l'homme ni l'animal ne sont indifférents vis-à-vis des choses de la nature. Ils ont pour les objets et les êtres des sentiments qui, pour être très complexes et très variables, peuvent néanmoins se ramener à deux émotions primitives tout à fait simples, l'amour ou la haine : l'attraction ou la répulsion. La douleur, le dégoût, la peur, sont les trois formes de la répulsion. Cette répulsion peut être morale ou physique. C'est même un fait bien curieux qu'à des émotions, tout à fait physiques, matérielles pour ainsi dire, se soient, grâce au langage, complètement assimilées des émotions morales.
Ce livre explore et analyse les phénomènes de la douleur et du dégoût. -
Jusqu'au milieu du siècle dernier, la chaîne centrale des Alpes n'était connue que des montagnards ; les habitants de la plaine ne la visitaient pas. L'absence ou la difficulté des chemins, qui n'étaient que des sentiers, le manque d'hôtelleries, la crainte de l'imprévu, l'emportaient sur la curiosité. Située au pied du Mont-Blanc, appelé alors la montagne maudite, la vallée de Chamonix était inconnue aux populations des bords du lac Léman, quoique le prieuré ou couvent de bénédictins existât depuis 1090, et que les évêques de Genève le visitassent dès le milieu du XVe siècle. L'un d'eux, François de Sales, y arriva le 30 juillet 1606 et y resta plusieurs jours. Néanmoins c'est un voyageur anglais célèbre par ses pérégrinations en Orient, Richard Pococke, accompagné de Windham, un de ses compatriotes, qui a réellement découvert la vallée de Chamonix en 1741, fait connaître ses beautés et dissipé les craintes mal fondées qu'inspirait la prétendue barbarie des habitants...
-
Quelques progrès dans l'étude du coeur humain : Freud et Proust
Jacques Riviere
- EHS
- 30 March 2022
- 9782381113432
Ce livre explore les oeuvres et les travaux de Freud et Proust en étudiant ce qu'ils apportent de nouveau en psychologie, et les progrès qu'ils peuvent nous faire accomplir dans la connaissance de ce qu'on appelait, à l'âge classique, le coeur humain.
Ces progrès peuvent être de deux ordres : Ils peuvent consister dans la conquête de nouveaux sentiments, de nouvelles sensations, de nouvelles couches de la conscience, ou dans l'invention de nouvelles méthodes pour explorer celle-ci, dans l'invention d'une nouvelle manière d'attaquer les sentiments et les sensations. Nous distinguerons ces deux ordres de progrès, mais sans trop de rigueur pour ne pas nous interdire les points de vue qui se présenteraient et qui excluraient cette différence.
Une remarque encore. Notre étude ne sera pas un simple exposé. Il ne faudra pas vous attendre à sortir de ces causeries avec la connaissance du système de Freud et du système de Proust, comme on peut sortir d'un cours de la Sorbonne avec la connaissance du système de Platon. Je ne chercherai qu'à extraire du système de nos deux auteurs - si tant est qu'ils aient tous les deux un système - ce qui pourra être mis en rapport avec notre expérience intime et ce qui recevra de celle-ci une lumière. -
Quel est le roi des sociétés contemporaines ? Il semble bien que c'est l'Argent. Il a établi sa domination sur les ruines des pouvoirs historiques ; à mesure que tombent ou décroissent les autorités anciennes, religion, royauté, aristocratie, l'empire de l'argent grandit. C'est lui, déjà, le vrai souverain, et ni mers ni montagnes ne bornent sa souveraineté. Il rogne sur les esprits non moins que sur les corps, et rares sont les âmes qui n'acceptent pas son joug. Il a succédé aux dieux qui meurent, aussi bien qu'aux rois qui s'en vont ; il est l'héritier des autels déserts comme des trônes vides. C'est à lui, et non plus au Père céleste, que les générations nouvelles disent dans leur coeur : Que ton nom soit sanctifié ! que ton règne arrive ! D'où vient cette royauté de l'argent ? Est-ce bien, chez nous, une usurpation récente, sans racine dans notre passé ? Le principe en est-il en nous-mêmes, dans nos moeurs, dans nos conditions matérielles et morales, politiques et religieuses ? ou bien, tout au rebours, est-ce une domination étrangère, antipathique à notre race, imposée aux nations chrétiennes par des hommes d'un autre sang et d'une autre foi ? Il importe de le savoir, si nous voulons nous affranchir de cette lourde tyrannie de l'argent. - Mais sommes-nous vraiment anxieux de nous émanciper ?
Être riche est le premier voeu de l'homme moderne. S'il croyait encore aux fées, la fée de la richesse, pour laide fût-elle, serait la marraine qu'il appellerait au berceau de ses enfants. Être riche est une vocation pour laquelle chacun se sent né. La richesse a toujours été estimée des hommes ; mais elle semblait placée si haut, jadis, que le grand nombre osait à peine lever les yeux sur elle. Aujourd'hui, tous voudraient en avoir leur part : qui n'y réussit point s'en irrite, et le pardonne mal à la société. L'amour du bien-être et, aussi, le désir de jouir de la vie ont envahi toutes les classes. C'est un des traits de la démocratie contemporaine. Les peuples modernes ont besoin d'être riches. Le prodigieux développement de l'industrie semblait devoir mettre les biens de ce monde à la portée de toutes les mains. C'était comme un engagement d'honneur qu'avaient pris, vis-à-vis des masses, la science et la démocratie. Les classes dont autrefois les ambitions ne s'élevaient guère au-dessus de la condition paternelle ont, à leur tour, des aspirations vers le confort, vers le luxe, vers le loisir, vers tout ce que procure l'argent. Si vite qu'ait grandi la richesse, les exigences de la vie civilisée ont crû plus vite encore. Le progrès du bien-être n'a fait qu'augmenter les besoins et provoquer les appétits. Et cela est conforme à la nature de l'homme... -
Nous recommençons une étude que nous avions déjà ébauchée il y a quelques années : l'étude psychologique du temps. C'était l'époque où M. Einstein était venu à Paris et où, de tous les côtés, on discutait les théories qu'il avait présentées sur la simultanéité, sur la durée des choses, sur les variations du temps qui s'allonge ou qui diminue suivant le point de vue duquel on le considère. Tout le monde parlait du temps ; nous étions obligés d'en parler aussi et nous trouvions intéressant de présenter quelques réflexions sur les humbles débuts du temps, sur le fait psychologique qui était le point de départ de toutes ces théories scientifiques. Cette étude reste cependant encore intéressante aujourd'hui. Il n'est pas mauvais de la préciser et de la compléter. En outre, le problème du temps reste toujours à la mode; dans les études des sociétés, dans les études psychologiques ou philosophiques, toujours on s'occupe de la durée de la conscience, de la durée de l'esprit, de l'adaptation des êtres vivants au temps qui change.
-
L'art d'enseigner à parler aux sourds-muets
Collection, Charles-Michel De L'Epee, L'Abbe Sicard
- EHS
- 30 March 2022
- 9782381113371
Il n'est plus nécessaire de démontrer que le seul moyen d'obtenir des succès solides et réels dans l'instruction des sourds-muets de naissance, c'est de se servir, pour éclairer et développer leur intelligence, des mêmes signes que la nature leur inspire, sans le secours d'aucun maître, pour exprimer leurs idées et leurs besoins. C'est là l'unique voie pour arriver à leur esprit et entrer en communication avec eux ; car pour ces infortunés, dont l'oreille n'a jamais été frappée par la voix maternelle, toute langue, même celle du pays où ils sont nés, est une langue étrangère ou même une langue savante.
C'est par le secours d'une première langue, de notre langue maternelle, que nous apprenons toutes les autres. De même on ne peut parvenir à enseigner aux sourds-muets une langue quelconque, que par le secours de leur première langue, du langage des gestes, qui est leur langage naturel... -
Quelques personnes trouvent les études sur les progrès de la notion du temps un peu difficiles et abstraites, mais au fond ces études sont beaucoup plus simples que vous ne croyez ; il s'agit de faits d'une grande banalité qui existent dans toutes les consciences et sur lesquels seulement nous n'avons pas suffisamment attiré l'attention.
Dans ce livre, nous parlerons des croyances dans la mémoire et de la complication que les croyances apportent à nos souvenirs. Mais il suffit de regarder un peu en soi-même pour voir que la mémoire est remplie d'une foule de croyances que nous acceptons aveuglément comme des articles de foi et qui, peut-être, dans quelques siècles, seront trouvées profondément ridicules. Nous disons sans cesse, à propos des souvenirs, une foule de proverbes : « Le temps passé ne revient pas. » « Tout vient à point à qui sait attendre »... Ce sont des croyances, croyances que le passé est détruit. Le temps est supposé détruire. Le temps est considéré par d'autres comme créateur. Nous sommes remplis de pareilles croyances au temps et nous les avons peu à peu acceptées aveuglément. La psychologie doit au moins les constater et elle doit se poser ce problème : Comment se sont-elles peu à peu introduites dans notre esprit Comment ont-elles pris cette forme absolument aveugle qu'elles ont aujourd'hui ? -
Chaque siècle, comme chaque homme, a ses exagérations, ses contrastes. Sous ce rapport, nous n'avons rien à envier aux générations qui nous ont précédés, et ce serait une étrange histoire que celle des opinions et des idées extrêmes qui ont eu cours dans l'époque troublée où nous vivons. Le peuple qui tuait son roi, qui proscrivait son Dieu, il y a tantôt cinquante ans, s'est agenouillé devant les autels qu'il avait brisés naguère. C'est là, à part l'imprescriptible puissance du sentiment religieux, une loi éternelle des choses de ce monde, un reflux inévitable qui nous ramène toujours au point que nous avons quitté, pour nous emporter de nouveau et nous y ramener encore. L'outrage révolutionnaire, en tombant sur les choses saintes, avait préparé une réaction religieuse, comme le régicide avait préparé une restauration. L'église de France eut bientôt cicatrisé ses plaies : de grands esprits, de grands écrivains se rallièrent là cause du catholicisme et la défendirent, les uns par la logique, les autres par la poésie, Dieu fut, pour ainsi dire, rappelé de l'exil.
À l'origine même du siècle, le point de départ de l'ère nouvelle du catholicisme est marqué dans la politique par le concordat de 1801, dans la littérature par le Génie du christianisme, qui parut un an après le concordat. Retardé sous la restauration par l'appui même que lui prêtait le pouvoir, dans l'intérêt d'une politique qui se rejetait vers le passé, le mouvement religieux a pris, depuis 1830, un développement nouveau. On sait l'affluence qui se porte aux églises dans les grandes solennités, l'empressement du public à suivre les prédictions des orateurs chrétiens, le succès des cours de la faculté de théologie, et, s'il convient de faire une assez large part à la curiosité de la foule, il est juste aussi de reconnaître qu'auprès des oisifs et des curieux il y a les chrétiens sincères. Sans aucun doute, il faut attribuer la cause principale de ce mouvement à la séparation de la religion et de la politique opérée par la révolution de juillet, à la pensée, encourageante pour la foi sérieuse, que la liberté de conscience était acquise, et que le pouvoir ne spéculerait plus sur les croyances. -
Chacun de nous a éprouvé, qu'il le sache ou non, un grand nombre d'illusions des sens : nos sens ne nous disent pas toujours la vérité ; notre oeil nous trompe, notre oreille nous trompe, notre main elle-même, que nous étendons d'ordinaire pour contrôler le témoignage des autres sens, peut nous tromper ; ou plutôt, pour parler avec plus d'exactitude, ce ne sont pas nos sens qui nous trompent, c'est notre esprit.
Nos sens ne nous font connaître qu'une chose, des sensations ; notre oeil ne nous donne que des taches de lumière et de couleur ; notre main, que des sensations de contact et de mouvement ; et notre esprit se charge d'interpréter ces sensations, d'en tirer des conclusions, et de construire avec elles des objets extérieurs doués de propriétés innombrables. Quand nous disons : "Voici une table, une chaise, un chien, une maison..." nous n'indiquons pas uniquement ce que notre oeil a perçu, nous faisons un raisonnement. Quand ce raisonnement rapide et automatique porte à faux, nous avons une illusion des sens.
La prestidigitation est un art qui s'est proposé un but singulier : celui de rechercher et de développer toutes les influences qui peuvent nous induire en erreur et nous tromper sur ce que nous voyons. Quand une personne assiste à une séance de prestidigitation, sans comprendre les moyens employés, elle est sollicitée par certains gestes et certaines paroles, elle croit avoir vu poser en un endroit un objet qui réellement a été posé ailleurs, elle voit ce qui n'existe pas et ne voit pas ce qui existe. On comprend de quel intérêt est pour le psychologue l'étude des procédés employés pour produire l'illusion, puisque cette étude nous renseigne sur la marche ordinaire de notre pensée pendant que nous percevons les objets extérieurs, et nous découvre les points faibles de notre connaissance... -
Le journal est fils de l'imprimerie : il est impossible sans elle. Rapidité de publication, périodicité régulière, faculté de se multiplier à l'infini, condensation d'une foule de matières dans un étroit espace, toutes ces conditions, qui sont l'essence même du journal, ne pouvaient être réunies quand l'imprimerie n'existait pas. C'est donc dans les temps modernes, et encore à une date assez récente, qu'il faut placer la naissance des journaux...
Depuis que les journaux sont devenus une puissance, on leur a créé toute une généalogie. Le moyen-âge même a paru pour ces parvenus une origine trop récente, et c'est à Rome, en attendant la Grèce, qu'on a placé leur berceau. Au premier jour, quelque érudit, renchérissant sur ses devanciers, retrouvera dans des inscriptions de prétendues traces des journaux de Sparte et d'Athènes. Malgré l'autorité du docteur Johnson, malgré l'autorité plus considérable encore d'un des hommes les plus savants et les plus ingénieux de notre temps, on ne saurait voir des journaux dans les acta diurna de l'ancienne Rome. C'est avec aussi peu de fondement qu'on a fait naître les journaux à Venise : cette opinion repose uniquement sur l'étymologie du mot gazette, qui est incontestablement un mot vénitien. Au temps des guerres contre les Turcs, le gouvernement de Venise, pour satisfaire la légitime curiosité des citoyens, faisait lire sur la place publique un résumé des nouvelles qu'il avait reçues du théâtre de la guerre, et on donnait une petite pièce de monnaie, appelée gazetta, pour assister à cette lecture, ou pour prendre connaissance de ce qui avait été lu. De là, disent les étymologistes, le nom de gazettes appliqué aux feuilles volantes contenant des nouvelles, lorsque ces feuilles furent imprimées et livrées au public... -
Si l'on se reporte par la pensée à ce qu'étaient les colonies anglaises et à ce que sont les États-Unis aujourd'hui, on se demande quels puissants engins de civilisation ont pu favoriser, précipiter cet essor si rapide d'un peuple dont l'histoire, pour être courte, n'en est pas moins bien remplie, et à qui n'ont été épargnées ni les épreuves de l'adversité, ni celles, plus difficiles peut-être à supporter, d'une éclatante prospérité. L'exposition de Philadelphie a répondu à ces questions. En assignant à la presse à imprimer la place d'honneur dans la galerie des machines, les commissaires américains ont voulu rendre hommage à cette force dont Napoléon Ier disait qu'elle était plus à redouter que des centaines de mille baïonnettes. Elle l'a prouvé aux États-Unis ; elle y est parvenue à un tel degré de puissance et d'influence, elle a, sous un régime de liberté complète, donné des résultats parfois si inattendus qu'il nous a paru utile de résumer ici l'ensemble de nos études et de nos observations sur le journalisme américain...
-
Peu de spectacles donnent au même degré que les ruines de Carthage l'impression de l'oubli qui recouvre les grandeurs du passé. Nulle part le Delenda Carthago ne vous saisit comme une aussi poignante réalité. Les Romains se sont acquittés en conscience de leur oeuvre, et la civilisation a achevé ce que le fer des vainqueurs avait épargné. Les pierres de Carthage, après avoir été réemployées dans la ville romaine, ont servi et servent encore tous les jours à édifier les maisons de Tunis ; les marbres de ses colonnes ornent les cathédrales de l'Italie et celles du midi de la France.
Du promontoire d'où l'on découvre au loin la baie de Tunis et la belle ligne des montagnes qui la ferment du côté du sud, le regard se promène sur des mouvements de terrain dans lesquels un oeil exercé peut seul reconnaître l'emplacement de l'ancienne Carthage. Pas même de ruines. Assez loin, du côté de Tunis, brillent au soleil deux flaques d'eau que l'on appelle les ports de Carthage et qui en formaient sans doute l'arrière-port. Les trous des grandes citernes, le cirque et l'amphithéâtre, tous deux d'époque romaine, et le long alignement des aqueducs qui fuient dans la direction de Zaghouan, voilà tout ce qui reste de Carthage. Non loin de la mer, se dresse sur la colline que l'on croit avoir été Byrsa, au milieu d'un terrain acheté par la France, la basilique de Saint-Louis, où ont été recueillies successivement les antiquités trouvées à Carthage, et qui en a été le premier musée et le seul, jusqu'au moment où René de La Blanchère eut aménagé le palais de la Manouba pour y réunir les résultats des fouilles de la direction des Antiquités en Tunisie. -
La faculté du langage a de tout temps excité l'intérêt des philosophes : Aristote, Locke, Leibniz, Condillac, en ont fait le sujet de leurs méditations. Par l'analyse psychologique, ces grands esprits sont arrivés à des théories ingénieuses et profondes qui ont élucidé beaucoup de points obscurs. Cependant on a pu, après eux, émettre d'autres théories qui paraissent plus conformes à la vérité. C'est qu'en effet l'étude du langage a été singulièrement facilitée par la connaissance d'une maladie étrange, l'aphasie, qui, privant subitement un individu de la faculté de parler, nous permet d'observer l'intelligence d'un homme qui ne peut plus prononcer un seul mot, et nous offre en quelque sorte une expérience toute faite. Ainsi la psychologie peut trouver dans l'examen des phénomènes naturels un avantage considérable...Quoique l'aphasie ne soit pas une maladie fréquente, il est facile d'observer des sujets qui en sont atteints. On les garde en effet fort longtemps dans les hôpitaux, et, comme presque toujours ils ont un côté du corps paralysé, on les fait passer ensuite à Bicêtre ou à la Salpêtrière, et là ils sont soumis de nouveau à des investigations minutieuses. C'est ainsi que nous possédons un certain nombre d'observations : elles sont toutes intéressantes, car on peut presque dire qu'aucune d'elles ne se ressemble, et qu'il y a toujours part au nouveau et à l'imprévu. Nous nous contenterons d'en donner quelques exemples; ils nous montreront une variété inattendue dans les différentes manifestations du langage, et en même temps une analogie frappante entre tous les faits.
-
Le plaisir et la douleur au point de vue de la sélection naturelle
Alfred Fouillee
- EHS
- 14 November 2022
- 9782381114408
Le plaisir et la douleur, et ce qui les produit, à savoir, le bien et le mal, sont les pivots sur lesquels roulent toutes nos passions. (John Locke)Qu'est-ce, en effet, que le plaisir ? "Une manière d'être que nous cherchons à produire dans la conscience et à y retenir". Qu'est-ce que la douleur ? "Une manière d'être que nous cherchons à faire sortir de la conscience ou à en tenir éloignée."...Comme l'ont dit Platon et Aristote, il n'y a probablement chez l'homme ni plaisir ni déplaisir absolument pur : les deux sentiments se trouvent mélangés à doses inégales par l'art subtil de la nature, et l'impression définitive dans notre conscience est une résultante où l'emporte un des éléments. Cette complexité de toute émotion pourrait se déduire des deux conceptions dominantes de la physiologie moderne. La première de ces conceptions, c'est que notre corps est en réalité une société de cellules qui ont chacune leur activité propre et luttent entre elles pour la vie. Chez les animaux inférieurs, chaque partie de l'organisme semble encore jouir ou souffrir pour son propre compte, comme dans le ver coupé en deux ; chez les animaux supérieurs, il se produit une sélection et une fusion finale des impressions élémentaires qui aboutissent au cerveau. Il est probable que des rudiments d'émotions agréables ou désagréables émergent de toutes les parties et viennent retentir dans la conscience générale, de manière à lui communiquer le timbre du plaisir ou celui de la peine, selon les éléments auxquels reste la victoire. Nos peines et nos plaisirs seraient ainsi le résumé des peines ou plaisirs élémentaires d'une myriade de cellules : un peuple souffre ou jouit en nous, notre moi est léqion, notre bonheur individuel est en même temps un bonheur collectif et social...
-
Études historiques sur l'Égypte ancienne
Alfred Maury, Jean A. Letronne
- EHS
- 28 January 2023
- 9782381115894
Ce livre traite de l'Égypte ancienne et présente une étude historique des découvertes faites par de nombreux égyptologues.
« La plupart des écrits relatifs à l'archéologie égyptienne, antérieurs à l'an 1821, ont été rédigés sous l'influence d'une opinion historique que l'on croyait alors certaine : c'est que l'invasion des Perses et leur domination pendant près de deux siècles avaient porté un coup mortel aux institutions civiles et religieuses de l'Égypte et par conséquent aux arts qui en étaient l'expression. On devait naturellement en conclure que les monuments qui portent le caractère égyptien, sans mélange de principe étranger, appartiennent exclusivement aux temps pharaoniques.
Cette opinion parut confirmée, lors de l'expédition d'Égypte, par la découverte de zodiaques et d'autres représentations astronomiques, où l'on crut reconnaître des indices certains d'une antiquité très reculée. Comme ils se trouvaient dans des édifices qui semblaient avoir le même style et être de la même époque que tous les autres, on pensa qu'ils devaient, sans exception, appartenir à des temps qui avaient de beaucoup précédé l'invasion persane, et que, depuis cet évènement, les Égyptiens n'avaient plus élevé aucun de ces monuments sacrés portant le caractère propre aux arts et aux anciennes institutions de leur pays. Telle est, en effet, l'idée qui domine dans les mémoires d'antiquité que contient la grande description de l'Égypte ; mais, bien loin d'en faire un reproche aux savants qui les ont rédigés, il est juste de reconnaître que cette opinion est parfaitement conséquente aux seuls faits qui fussent alors connus. »